Buenos Aires (awp/afp) - Alors qu'il anticipait pour 2024 une croissance de 2,8% en Argentine, le Fonds monétaire international (FMI) projette désormais une récession de la 3e économie d'Amérique latine, sous l'effet des mesures d'austérité du gouvernement ultralibéral Milei, par ailleurs à la peine au Parlement sur ses réformes.

L'Argentine devrait être en 2024 le seul pays du G20 en récession, à -2,8%, soit une révision de 5,6 points de pourcentage par rapport à son estimation d'octobre, avant une reprise attendue à 5% en 2025, selon le rapport actualisé mardi du FMI sur l'économie mondiale.

En cause, selon l'institution de Washington: "l'important ajustement politique en cours pour restaurer la stabilité macroéconomique" du pays, confronté à une crise économique sans précédent, et notamment une inflation record de 211% en 2023.

Cette inflation, selon le Fonds, s'explique notamment par "le réalignement des prix et l'élimination du contrôle légal des prix" existant jusqu'ici pour contenir leur hausse, mais aussi par "la dépréciation de la monnaie".

Le peso a subi en décembre, aux premiers jours du gouvernement du président Javier Milei, une brutale dévaluation de plus de 50%.

L'ensemble de ces mesures devraient "augmenter l'inflation à court terme", pesant même sur la moyenne de l'inflation pour l'ensemble des pays émergents et en développement, selon le FMI.

Milei avait prévenu, dès le début de sa présidence, de "mois difficiles" en 2024 et d'une "stagflation" (stagnation de l'activité économique accompagnée d'une forte inflation) lors d'une phase de thérapie de choc car, expliquait-il, "quand vous effectuez une remise en ordre budgétaire, cela va avoir un impact négatif sur l'activité économique".

L'austérité, tolérance un an ?

De fait, l'Argentine, après deux années de croissance successives, était déjà l'an dernier sur une pente de récession, l'Institut national de la Statistique, évaluant la contraction de l'activité à -1,3 % pour les onze premiers mois de 2023.

Le pouvoir d'achat des Argentins, l'activité économique, ont presque immédiatement subi l'impact de la dévaluation, de la libération des prix, répercutées sous la forme d'une inflation record en décembre (25,5%).

Le président sait que le temps est compté, à la mesure de la tolérance de la population (avec 40% de pauvreté) à l'austérité, avant les premiers résultats de stabilisation de l'économie et d'une inflation maîtrisée.

"Ce processus peut prendre environ deux ans, et il est vrai qu'il y a un voyant d'alarme qui dit qu'il est difficile de supporter plus d'un an", a déclaré Milei il y a quelques jours au Wall Street Journal.

"Mais il n'y a pas de plan B", a-t-il insisté, tandis que son ministre de l'Economie Luis Caputo martèle l'objectif herculéen d'un déficit budgétaire "0%" en 2024 (contre 2,9% en 2023 selon le ministère).

Le temps presse aussi au Parlement, où avance laborieusement l'ambitieux train de réformes dérégulatrices dit "Loi omnibus", touchant maints aspects de la vie publique et privée, pêle-mêle des privatisations, à l'éducation, la culture, à la légitime défense ou au divorce.

Train de réformes amputé

Le projet a déjà été amputé d'une bonne partie de dispositions (près de 300 sur les 664 initiales), lors d'intenses tractations ces derniers jours avec les groupes parlementaires: le parti de Milei, La Libertad Avanza, n'est que la 3e force dans les deux chambres, et est contraint aux compromis.

Le gouvernement, qui a fait face mercredi dernier à une grève générale et des manifestations d'ampleur, a notamment retiré la disposition touchant au calcul des retraites, et plusieurs mesures fiscales clefs, tout en promettant que l'ajustement se répercuterait ailleurs.

"Nous allons simplement nous donner un peu plus de temps pour négocier les réformes", a estimé Luis Caputo.

Mercredi en principe, les députés entament l'examen d'une première mouture du texte, mais le débat a déjà été repoussé deux fois, et mardi encore, des députés doutaient qu'il puisse démarrer le lendemain. Seule certitude: il s'étirera sur plusieurs jours.

Les finances des 24 provinces, la répartition de ressources entre l'Etat et elles sont un sujet brûlant des tractations, et le député de droite Nicolas Massot, d'une opposition a priori conciliante, a fustigé un exécutif "qui nous dit une chose et en twitte une autre", le sommant de "changer d'attitude" et "cesser de traiter les parlementaires avec mépris".

afp/rp