Bruxelles (awp/afp) - Les pays de l'Union européenne ont affiché jeudi leurs divergences sur une proposition de la Commission pour plafonner les cours du gaz, majoritairement jugée inefficace, ce qui les a amené à reporter l'adoption d'autres mesures pour répondre à la crise énergétique.

Réunis à Bruxelles, les ministres de l'Énergie ont approuvé le contenu d'un texte prévoyant des achats groupés de gaz -auxquels peuvent participer volontairement des consortiums d'entreprises- et un mécanisme de solidarité pour les pays menacés de pénuries, ainsi qu'un autre texte simplifiant les autorisations pour les infrastructures d'énergies renouvelables.

Mais ces textes n'ont pas été formellement approuvés, en raison d'une levée de boucliers contre une troisième proposition de la Commission visant à plafonner les prix du gaz.

"L'adoption formelle interviendra ultérieurement, de concert avec l'accord politique" sur ce mécanisme de plafonnement, a déclaré le ministre tchèque Jozef Sikela, dont le pays occupe la présidence tournante du Conseil de l'UE.

"Les discussions ont été houleuses sur ce point, il y a des positions très divergentes, mais le débat ne fait que commencer", a-t-il ajouté. Prague a convoqué une nouvelle réunion ministérielle pour mi-décembre, espérant débloquer le dossier avant un sommet des dirigeants des Vingt-Sept.

"On a stabilisé les positions sur deux textes sur lesquels il n'y aura plus de négociations. Le troisième est inacceptable pour tout le monde en l'état, et il y a eu une majorité d'États pour demander qu'on décide sur l'ensemble, c'est une question d'équilibre", a expliqué la ministre belge Tinne van der Straeten.

Le mécanisme controversé proposé mardi par l'exécutif européen consisterait à plafonner pour un an les prix des contrats mensuels sur le marché gazier de référence TTF dès qu'ils dépassent 275 EUR/MWh pendant deux semaines consécutives, entre autres conditions -ce qui ne s'est jamais produit, même au plus fort de la flambée des cours en août dernier.

"A ce niveau, ce n'est pas un plafond! Les prix du gaz menacent les ménages et entreprises, nous avons perdu trop de temps sans résultats", a fulminé jeudi le ministre grec Kostas Skrekas, tandis que son homologue polonaise Anna Moskwa fustigeait "une plaisanterie" et réclamait une nouvelle proposition "dans les prochains jours".

La ministre espagnole Teresa Ribera a, elle, jugé le texte de la Commission "inapplicable et inefficace", le qualifiant de "mauvaise blague".

"Instructions claires"

A l'issue de la réunion, la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher s'est félicitée de l'accord trouvé sur l'accélération des énergies renouvelables, les achats groupés ou encore sur l'idée de "coupe-circuits" pour endiguer la volatilité des prix des hydrocarbures sur les marchés.

En revanche, la proposition pour plafonner les prix "ne va pas assez loin pour protéger nos entreprises et notre industrie. La Commission devra faire de nouvelles propositions", a-t-elle souligné.

Les dirigeants des Vingt-Sept avaient demandé fin octobre à Bruxelles de préparer un mécanisme "temporaire" pour plafonner les prix du gaz, mais à la condition expresse que cela ne perturbe pas les approvisionnements du continent et que cela n'incite pas à consommer davantage d'hydrocarbures -des garde-fous exigés notamment par l'Allemagne, rétive à toute intervention sur les marchés.

"Nous avons reçu des instructions très claires sur la nécessité d'éviter les effets indésirables, et c'est ce que nous avons fait", s'est défendue jeudi la commissaire à l'Energie Kadri Simson, tout en reconnaissant que "les attentes et exigences" des États étaient "très différentes".

Un groupe de pays (Allemagne, Pays-Bas, Autriche, Luxembourg, Danemark...) continue de réclamer un encadrement drastique du dispositif.

"La question centrale est d'éviter qu'il conduise à assécher nos approvisionnements en gaz", face à la concurrence d'acheteurs asiatiques offrant des prix plus élevés, a affirmé le secrétaire d'État allemand Sven Giegold. "D'un autre côté, si le seuil de déclenchement est trop élevé, le mécanisme ne sera d'aucune aide. Il faut trouver un équilibre", a-t-il admis.

afp/rp