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(Easybourse.com) Vous est la genèse de ce classement que vous réalisez depuis 7 ans ?
Sir Martin Sorel, président du groupe WPP, a un jour émis l'idée qu'il fallait mettre à disposition de toutes les entreprises du monde un outil permettant de mesurer la valeur financière des « marques » au-delà du capital de l'entreprise.
Ce faisant, il a été décidé de réaliser ce classement suivant une fréquence annuelle.

Quels sont les principaux paramètres que vous prenez en considération dans le cadre de la réalisation de ce classement ?
Ce classement est basé sur deux paramètres. Tout d'abord l'opinion des consommateurs à savoir l'attachement qu'ont ces derniers dans une marque. Par suite, nous prenons en considération des données financières de l'entreprise.
Il ne suffit pas qu'une entreprise soit très riche, très prospère pour qu'elle véhicule une marque puissante.

Nous essayons de calculer la proportion des revenus intangibles provenant du business fait sur la marque, relativement à d'autres facteurs, comme le prix, la performance. Nous tentons d'isoler la contribution de la marque. Nous l'exprimons alors sur une échelle de 1 à 5.
Nous considérons l'accessibilité de la marque, l'influence de facteurs structurels comme la distribution, la force de la relation individuelle de chaque marque, la perception de la marque par l'acheteur. 

Certaines grandes entreprises comme Total ne figurent pas dans le classement alors pourtant que Total est la première entreprise française en termes de capitalisation et de revenus.
Ceci s'explique par le fait que Total n'a pas d'accessibilité en tant que marque en dehors du marché français. Ce qui n'est pas le cas d'autres sociétés comme Google, ou Coca-Cola qui sont accessibles partout dans le monde et par un grand nombre de consommateurs.

De quelle manière appréhendez-vous l'attachement du consommateur ?
Pour rendre compte de l'attachement du consommateur par rapport à une marque nous avons une sorte de pyramide à plusieurs niveaux qui part de la connaissance de la marque (je connais, j'en ai fait l'expérience) pour aller jusqu'au niveau d'attachement le plus fort du consommateur vis-à-vis de la marque.

Quels sont les critères que vous considérez s'agissant des résultats financiers ?
Le chiffre d'affaires, le périmètre d'activité, le niveau d'endettement, le résultat propre, le coût opérationnel, les taxes... On s'appuie sur les résultats officiels publiés.

Quel regard portez vous sur le pôle position de cette année : Google (avec une valeur de 86.100 millions de dollars), General Electric (71,400 millions de dollars) et Microsoft (70,800 millions de dollars) ?
Les fondateurs de Google ont réussi à créer un véritable lien avec les consommateurs. Tant et si bien qu'est passé dans le langage courant le terme de googeliser.

Général Electric est véritablement une marque ancrée dans un monde moderne. La société est présente sur un grand champ d'activités : moteurs d'avions, ampoules, générateurs nucléaires, services financiers.

Microsoft occupe une place plus que dominante sur le marché des ordinateurs.

Si nous analysons le top 10 du classement, il est intéressant de remarquer que la plupart sont des marques américaines : Google, Général Electric, Microsoft, Coca-Cola, IBM, Apple, McDonald's, Marlboro.
L'évolution économique et financière des Etats-Unis à l'heure actuelle pourrait-elle avoir un impact négatif sur ces marques ?

Non. Justement ce qui fait la force de ces marques c'est leur capacité à se développer en dehors de leur pays d'origine. Ce sont des marques globales.

Votre classement met en avant l'essor des marques issues des pays émergents ?
Effectivement, on constate, aux cotés des marques de pays asiatiques établis comme le Japon, la Corée, Hong Kong, une émergence claire des marques issues de la Chine.

Nous avons quatre marques chinoises dans le top 100 du classement : China mobile, entreprise qui a le plus fort taux de souscription téléphonique jamais enregistrée dans le monde, China Construction Bank, ICBC, Bank of China .... Ces marques sont parvenues à accroître leur brand value de 53 % (contre une augmentation de 2 % seulement pour les marques asiatiques qui sont dans le top 10).

Pour autant il n'y a qu'une marque russe dans le classement et une seule marque brésilienne, aucune marque indienne. Comment l'expliquez-vous ?
Je pense sincèrement que c'est la dernière année où nous avons ce genre de classement. Nous aurons beaucoup plus de marques émergentes à l'avenir ne serait-ce que pour refléter la réalité de l'économie mondiale.
Si nous considérons un pays comme l'Inde, qui dans l'ensemble demeure relativement pauvre, celui-ci compte une classe moyenne qui représente 10 % de sa population, soit 100 millions de personnes, la moitié de l'Europe réunie. Cette population est en mesure de consommer des marques de luxe, des automobiles, d'avoir des abonnements le téléphone portable.
Le potentiel est presque aussi équivalent à celui de l'Europe pendant les 30 glorieuses.

Qu'en est il des marques françaises ?
Il y a très peu de marques françaises dans le top 100. Nous avons plusieurs marques de luxe et de grande distribution.
Ce sont deux secteurs traditionnels dans lesquels les entreprises françaises ont acquis un certain savoir-faire.

Le secteur technologique domine dans votre classement. Quels autres secteurs apparaissent comme prépondérants ?
De plus de plus en plus de personnes de par le monde ont accès à un certain mode de vie et ont envie de s'approprier des marques qui les font rêver : du Vuitton, du Hermès, du Gucci, des Porsches, des montres rolex...
Ce qui explique un véritable engouement pour les marques de luxe.

Selon vous l'investissement dans les marques permet de se protéger contre les risques des marchés financiers ?
Tout à fait. Avoir une marque forte permet de s'inscrire dans l'intemporel. Le fait d'avoir une marque comme Apple ou Google, permet indépendamment de la dégradation de la conjoncture économique, même si le dollar est affaibli par rapport à l'euro, d'avoir une valeur intangible.

Il a quelques années Carrefour avait fait un espèce de bras de fer avec ses principaux fournisseurs en indiquant que si ils ne payaient pas le montant demandé, elle retirerait les produits de la grande surface. De multiples marques ont alors été déréférencées parmi lesquelles Coca-Cola. Alors que les consommateurs substituaient sans difficultés certaines marques de produits par d'autres, cela n'a pas été le cas de Coca-Cola qui possède près de 85 % du marché des colas. Le consommateur qui ne trouvait pas cette boisson allait l'acheter chez le distributeur concurrent. Au bout de quelques semaines, Carrefour a été contraint de remettre Coca-Cola sur le marché.

Cela démontre à quel point certaines marques ont la capacité de s'imposer plus que d'autres.

Est-ce à dire que les corrections sont moindres s'agissant de ces valeurs ?
Absolument. Si vous avez une marque faible, dans laquelle vous n'avez pas beaucoup investi, qui projette peu de valeur, vous avez plus de risque d'être délaissé par les investisseurs.

Vous semblez mettre en parallèle le consommateur attaché à la marque et l'investisseur qui serait fidèle à cette même marque sur les marchés financiers ?
Aujourd'hui encore plus qu'hier dans un monde de turbulences financières, où on a une inflation galopante, un pouvoir d'achat qui ne cesse de diminuer, le consommateur a tendance à se réfugier dans des marques qui véhiculent de véritables valeurs.

Un produit Apple n'est pas seulement un beau produit, c'est une interface qui fonctionne, qui ne tombe pas en panne, qui répond aux attentes du consommateur.

Propos recueillis par Imen Hazgui

- 30 Avril 2008 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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