Je suis définitivement un mauvais sujet. Quand mes collègues se connectent à 20h00 les soirs de décision de la Fed pour voir frétiller les indices de Wall Street aux annonces de Jerome Powell et sa smala, je préfère siroter un verre de vin en lisant le dernier prétendant à un prix littéraire automnal. Enfin ça, c'est la version romancée. En général, c'est plutôt une bière et une BD. Tout ça pour dire que je n'ai pas pris connaissance avant ce matin de ce qui s'est dit hier soir.

La plupart du temps, pour me faire une première opinion de la prestation de la Fed et de son patron, je vais regarder la couleur des indices américains en clôture, la tête des rendements obligataires US et l'état de la paire euro / dollar. Parfois la relation entre les trois indicateurs est difficile à comprendre. Parfois elle est plus claire, comme ça a eu l'air d'être le cas hier soir. Donc dans l'ordre, les indices américains ont clôturé en baisse, notamment le Nasdaq 100 qui a perdu 1,5%. Le rendement de la dette américaine à 10 ans est passé de 4,31 à 4,43%. Et le dollar s'est renforcé contre l'euro. Du coup, j'imagine que Jerome Powell s'est montré un peu plus faucon que colombe. Du point de vue de l'investisseur, le faucon est un méchant oiseau qui contrecarre ses plans de hausse des indices, tandis que la colombe est mignonne et gentille parce qu'elle brosse le marché action dans le sens du poil.

Les financiers s'attendaient à ce que la Fed laisse ses taux inchangés, c'est ce qu'elle a fait. Et à ce qu'elle délivre un message un peu rabat-joie sur l'évolution desdits taux, ce qu'elle a fait aussi. Mais le message était un peu plus rabat-joie que prévu, ce que je vais m'employer à vous expliquer ce matin parce qu'il contient des éléments intéressants qui ont un peu fait bouger les curseurs d'attentes. La banque centrale a ainsi relevé assez largement ses prévisions de croissance pour 2023 et 2024 et abaissé sa projection de taux de chômage. En d'autres termes, l'économie américaine est sacrément plus résistante que prévu aux hausses de taux. En parallèle, la Fed a un peu réduit ses attentes d'inflation de base pour 2023 et 2024. L'autre gros changement est visible dans le graphique en points dont je parlais hier, le dot plot. 12 des 18 membres du comité de politique monétaire anticipent qu'une hausse de taux additionnelle sera nécessaire d'ici la fin de l'année. Ils n'étaient que 9 en juin. Pour l'année prochaine, les estimations sont encore très disparates, mais elles sont moins tournées vers d'importantes baisses de taux. 14 des 18 membres du FOMC pensent que les taux seront au mieux 50 points plus bas. Le consensus de juin tendait plutôt vers 100 points de moins. Si l'on suit les attentes moyennes de l'équipe Powell, on a donc des taux qui devraient se situer dans la fourchette "5,50 à 5,75%" en fin d'année (contre "5,25 à 5,50% actuellement), et qui baisseront de 50 points l'année prochaine. Ce qui a fait dire aux commentateurs, à la recherche d'un bon titre, "les taux resteront au-dessus de 5% en 2024 aux Etats-Unis". Vous suivez toujours ?

En résumé, le message de la Fed c'est "Les taux vont rester élevés mais l'économie tient bon, donc n'ayez pas peur, on va progressivement ramener l'inflation vers le niveau de 2%, ça va être long mais ça va le faire". Mais le marché, avec son esprit de contradiction habituel, ne veut pas y croire. Déjà, il ne croit toujours pas que la Fed relèvera ses taux cette année. La probabilité s'est accrue, bien sûr, c'est ce que disent le marché des contrats à terme, la hausse des rendements et la vigueur du dollar. Mais on est loin d'une capitulation. Le statu quo reste l'hypothèse privilégiée pour la réunion du 1er novembre prochain. Et les pronostics sont à fifty-fifty entre un statu quo et une hausse de taux pour celle du 13 décembre. En parallèle, il croit toujours, le marché, que le maintien de taux élevés va finir par faire des dégâts sur l'économie. Dit autrement, que la Fed va aller trop loin et que la fauconnerie va se transformer en vraie connerie. Les économistes soulignent d'ailleurs qu'avec la hausse du coût du crédit, l'assèchement de l'épargne pandémique, la hausse du prix de l'énergie et la reprise du remboursement des prêts étudiants, le consommateur américain va souffrir à partir de cette fin d'année. Bon, vous allez me dire : ce sont les mêmes qui décalent tous les deux mois depuis deux ans la date d'arrivée de la récession à laquelle même la Fed n'a plus l'air de croire. Mais quand même. Personne n'a l'air d'accord sur rien et la banque centrale américaine elle-même a concédé qu'elle ne sait pas trop quand elle sera en mesure de changer de politique.

La réaction des marchés actions était donc négative de prime abord, parce que le coût de l'argent ne baissera pas aussi vite que prévu. C'est la raison pour laquelle le Nasdaq et ses valeurs de croissance sensibles aux conditions de financement ont souffert hier.

Dans le reste de l'actualité, les banques centrales sont encore au rendez-vous aujourd'hui, en particulier la Banque d'Angleterre à la mi-journée. La publication hier d'une inflation plus faible que prévu outre-Manche a renforcé l'hypothèse d'un statu quo sur les taux. De son côté, la banque centrale brésilienne a réduit ses taux d'un demi-point à 12,75%. La Pologne a cessé ses livraisons d'armes à l'Ukraine sur fond de bisbille sur les livraisons de céréales. Le Haut-Karabakh arménien capitule après un assaut-éclair de l’Azerbaïdjan.

Le rouge est partout en Asie ce matin après la décision de la Fed et le recul de Wall Street. Le Japon, l'Australie, la Corée du Sud et Hong Kong abandonnent plus de 1%. L'indice MSCI China est au plus bas depuis la fin du mois de novembre dernier. L'Inde et la Chine continentale perdent environ 0,7% autour de 8h00. L'Europe, qui avait clôturé hier en hausse, va ouvrir en repli. Le CAC40 perdait 1% à l'ouverture, à 7254 points. Le SMI cédait 0,4% à 11 107 points.

Les temps forts économiques du jour

La journée débutera avec l'annonce du taux de chômage en France (8h45), suivie de l'indice de confiance des consommateurs au Royaume-Uni (10h30). Plus tard, aux Etats-Unis, les chiffres de l'emploi non agricole seront publiés (14h30) avant l'indice de confiance des consommateurs de l'Université du Michigan (16h00). Tout l'agenda ici.

L'euro recule à 1,0636 USD. L'once d'or varie peu autour de 1928 USD. Le pétrole a perdu du terrain, avec un Brent de Mer du Nord à 92,83 USD le baril et un brut léger américain WTI à 88,90 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans monte à 4,43%. Le bitcoin s'échange 27 000 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Anglo American : Morningstar passe de conserver à acheter.
  • ArcelorMittal : Morgan Stanley reste à surpondérer avec un objectif de cours réduit de 35 à 32,50 EUR.
  • Befesa : Deutsche Bank démarre le suivi à conserver en visant 32 EUR.
  • Compagnie Financière Richemont : JP Morgan reste à surpondérer avec un objectif de cours réduit de 185 à 180 CHF.
  • Dassault Systèmes : Jefferies reste à sousperformance avec un objectif de cours réduit de 35 à 31 EUR.
  • DFS : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 185 à 175 GBX.
  • Kojamo : SEB Equities passe de conserver à acheter en visant 11 EUR.
  • Lonza : Julius Bär reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 540 à 500 CHF.
  • Merck KGaA : Citigroup passe de neutre à acheter en visant 210 EUR.
  • Ocado : BNP Paribas Exane passe de neutre à sousperformance en visant 390 GBX.
  • Proximus : KBC passe de conserver à accumuler en visant 8,70 EUR.
  • Reworld : GreenSome Finance reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 10,10 à 9,31 EUR.
  • Salzgitter : DZ Bank maintient sa recommandation à conserver avec un objectif de cours réduit de 27 EUR à 25 EUR.
  • TUI : Jefferies passe de sousperformance à conserver en visant 6,10 EUR.

En France

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Valneva réduit sa perte à 35 M€ au S1 et confirme ses prévisions 2023.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Carrefour conclut un accord en vue de l'acquisition de 47 magasins sous enseigne Supercor en Espagne auprès d'El Corte Ingles pour 60 M€.
  • Le syndicat United Auto Workers devrait rejeter la dernière offre de Stellantis.
  • Engie acquiert Ixora Energy (biométhane) au Royaume-Uni pour 64,8 M£.
  • Fitch a confirmé la note de défaut émetteur à long terme d'Unibail-Rodamco-Westfield à BBB+ et a révisé la perspective de négative à stable.
  • Saint-Gobain et TotalEnergies signent un contrat d'électricité renouvelable en Amérique du Nord.
  • Pernod Ricard réfléchit à céder ses vins des Antipodes.
  • Eurazeo signe un partenariat avec iCapital dans les financements alternatifs.
  • Fitch a confirmé la note de défaut émetteur à long terme de FNAC Darty à BB+, avec une perspective stable.
  • Casino a mis à jour ses prévisions financières à court et moyen terme. Le cash-flow libre devrait être négatif de 1,5 Md€ en 2023. AlphaValue souligne que les perspectives 2024/2028 sont plus faibles que prévu mais guère surprenantes.
  • Inventiva et Hepalys Pharma signent un accord de licence exclusif pour développer et commercialiser lanifibranor au Japon et en Corée du Sud.
  • Abeo, Vogo et la Fédération française de gymnastique signent un accord de 3 ans.
  • Nacon lance une nouvelle manette PS5.
  • Hydrogen Refueling Solutions est à nouveau retenu par GCK pour son réseau de stations de ravitaillement en hydrogène.
  • Wallix signe un partenariat universitaire
  • Tera Contrôle, filiale de Groupe Tera, en liquidation judiciaire.
  • Philippe Baudillon et Olivier Lombard quittent la direction d'Hopium.
  • Elles ont publié / Elles doivent publier : Quadient, Genfit, Reworld, HiPay, Riber, Transgène, Cegedim, Bio-UV, Akwel, SQLI, Abivax, Eurofins Cerep, Kalray

Dans le vaste monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Fedex gagne 6 % hors séance après la publication de ses trimestriels.
  • JD Sports Fashion confirme ses prévisions malgré un environnement de consommation difficile, et ramène son dividende au niveau d'avant pandémie.
  • Next relève sa prévision annuelle.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Delivery Hero confirme les négociations pour la vente de Foodpanda dans certains pays d'Asie du Sud-Est.
  • La Commission européenne propose de réautoriser le glyphosate (Bayer) pour 10 ans.
  • Seconde journée de cotation compliquée pour Instacart, dont le titre perd 11%, et revient sous le cours d'IPO de 30 USD. Klaviyo a pour sa part démarré en hausse de 9% à 32,76 USD.
  • Pendragon rejette l'approche de Hedin Mobility et de PAG International à 28 GBX par action.
  • Toshiba annonce que l'offre d'achat de 13,5 milliards de dollars visant à le retirer de la cote s'était terminée avec succès, avec 79% d'apports à l'offre.
  • Walmart ouvre son premier centre de services pour animaux de compagnie en Géorgie.
  • L'application officielle de T-Mobile US serait à l'origine de fuites de données.
  • Assa Abloy achète le fabricant péruvien de serrures Forte.
  • BT Group a subi un impact de 500 M£ suite à l'interdiction britannique d'utiliser l'équipement Huawei, selon un haut dirigeant.
  • La FDA américaine épingle Novo Nordisk pour n'avoir pas traité la contamination dans l'usine de Rybelsus. Par ailleurs, Novo Nordisk et Ypsomed concluent un accord de fourniture d'auto-injecteurs à long terme.
  • Repsol entame une procédure d'arbitrage contre l'exportateur de gaz américain Venture Global.
  • Roche obtient une décision favorable de la Cour d'appel américaine dans l'affaire de la contrefaçon du brevet Hemlibra.
  • Nexi et Intesa Sanpaolo renforcent leur alliance dans le monde des paiements numériques.
  • Bain et Cinven envisagent l'introduction en bourse ou la vente d'une participation minoritaire dans le groupe pharmaceutique allemand Stada.
  • Safilo et Amazon lancent les lunettes "intelligentes" Carrera aux Etats-Unis.
  • Les principales publications du jour : néant…Tout l'agenda ici.

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