Taiwan Semiconductor Manufacturing Company, ou plus simplement TSMC, aurait demandé à ses principaux fournisseurs de retarder la livraison d'équipements de fabrication de puces haut de gamme, selon les bruits de couloir obtenus par Reuters. La raison ? Le principal fabricant mondial de puces sous contrat est de plus en plus inquiet de la demande de ses clients et n'a aucune envie de se retrouver avec des stocks sur les bras, qui viendraient rogner sa rentabilité. Toutefois, les fournisseurs en question pensent que le décalage sera de courte durée. TSMC ne commente pas les "rumeurs du marché", a fait savoir le Taïwanais.

Un léger retard plutôt qu'une tendance

Parmi les entreprises concernées par l'instruction de report figurerait la société néerlandaise ASML, numéro une mondiale de la spécialité. Dans une interview accordée à Reuters la semaine dernière, Peter Wennink, PDG d'ASML, avait précisé que certaines commandes pour ses machines de production haut de gamme avaient été repoussées, sans nommer de clients, et qu'il s'agissait selon lui d'un problème de "gestion à court terme". ASML fonctionne à pleine capacité et ses ventes globales devraient augmenter de 30% cette année.

Le retard n'est peut-être pas étranger aux retards de fabrication accumulés dans le projet d'usine à 40 Mds$ de TSMC aux Etats-Unis, en Arizona. Des opérations d'extension à Taïwan pourraient aussi avoir subi des décalages calendaires. En Arizona, le groupe a été confronté à une pénurie de salariés et à une levée de bouclier syndicale contre la venue de travailleurs en provenance de Taïwan. Pour autant Mark Liu, président de TSMC, a déclaré la semaine dernière que le site de l'Arizona avait connu des améliorations "considérables" au cours des cinq derniers mois.

Le cycle en question

Le géant taïwanais des puces n'est pas le seul à craindre que la reprise de la demande soit plus longue que prévu. Apple, l'un des principaux clients de TSMC, a lancé cette semaine une nouvelle série d'iPhones équipés d'une puce plus rapide, mais n'a pas augmenté ses prix, ce qui témoigne d'une certaine prudence vis-à-vis du marché des smartphones.

Les informations diffusées par les médias selon lesquelles Pékin a ordonné à certains fonctionnaires d'arrêter d'utiliser des iPhones au travail, ainsi que le lancement par l'entreprise technologique Huawei d'un téléphone phare utilisant des puces fabriquées en Chine, suscitent un malaise supplémentaire chez TSMC. Le Taïwanais fabriquait des puces pour Huawei, mais a suspendu ses livraisons après les sanctions imposées par Washington à l'entreprise chinoise.

Les analystes ont constaté que Huawei a travaillé avec le fabricant de puces chinois Semiconductor Manufacturing International Corp (SMIC) pour fabriquer une puce avancée pour son dernier smartphone. En juillet, TSMC a prévu une baisse de 10% de son chiffre d'affaires en 2023 et une baisse de 4% de sa marge d'exploitation ce trimestre par rapport au trimestre précédent, en raison de la faible demande de smartphones et d'ordinateurs et de l'incertitude concernant le marché de l'intelligence artificielle.

Le fabricant de puces est également confronté à des dépenses d'investissement élevées, qui ont augmenté de 21% pour atteindre 36 milliards de dollars l'année dernière, en raison des plans d'expansion mis en place pendant le boom des puces induit par la pandémie.

En juillet, il a estimé que les dépenses d'investissement pour cette année se situeraient dans le bas de la fourchette de 32 à 36 milliards de dollars prévue précédemment, et a déclaré qu'il s'attendait à une augmentation plus lente au cours des prochaines années.

Les acteurs européens en souffrance

Sur les places boursières européennes, ASM International paie un lourd tribut à l'annonce, en chutant de 5%. D'autres concepteurs de machines pour la production de semiconducteurs sont chahutés, dont BE Semiconductor (-3%), Meyer Burger (-3%), OC Oerlikon (-2,4%), ASML (-2%) ou VAT Group (-2%). Leurs clients se portent mieux : STMicroelectronics, Infineon ou X-Fab évoluent autour de l'équilibre.

La plupart des autres fabricants de machines sont situés en Corée du Sud et au Japon. Ils n'ont pas été affectés parce que ces marchés avaient déjà fini leur semaine au moment de la sortie de la rumeur TSMC.