Le contexte : des airs de printemps 2020 

La fin février a été marquée par l’invasion russe sur le territoire ukrainien. Un nouveau "cygne noir" pour les marchés, seulement deux ans après la pandémie mondiale. « Du point de vue purement économique, les conséquences sont nombreuses et encore difficiles à saisir pleinement : des disruptions sont notamment à attendre du point de vue des matières premières et de la logistique. Il ne serait pas étonnant de voir les prévisions de croissance du continent revues à la baisse. Concernant l’inflation, l’indice de prix à la consommation en zone euro a dépassé le consensus (5,3%) pour atteindre 5,8% en février. En termes de politique monétaire, la BCE devrait rester encore accommodante à court terme afin de soutenir l’économie » analysent les gérants du fonds Gay-Lussac Microcaps dans leur reporting.  

Dans ce contexte incertain et au gré des publications de résultats 2021, la baisse puis la volatilité se sont accentuées fin février/début mars. D’autant plus sur les petites capitalisations du fait du manque de liquidité. Un phénomène exacerbé par une décollecte un peu plus prononcée sur les fonds spécialisés depuis quelques semaines.  

Evolution, dividendes capitalisés, des indices actions français par taille de capitalisation en 2022 (au 8/3/22)
Evolution, dividendes capitalisés, des indices actions français par taille de capitalisation en 2022 (au 8/3/22)
Source : Zonebourse
Sur un an, le constat est encore plus sévère pour les petites et même les moyennes valeurs :

Evolution, dividendes capitalisés, des indices actions français par taille de capitalisation depuis 1 an (au 8/3/22)
Source : Zonebourse

A noter que sur 5 ans, quand l’on intègre les dividendes, les grandes capitalisations françaises (indice CAC LARGE 60 TRG) battent encore les indices de petites (CAC SMALL TRG) et moyennes (CAC MID 60 TRG) valeurs. Il faut remonter, comme le montre le graphique ci-dessous, à près de 7 ans d’historique pour retrouver la surperformance historique des petites valeurs sur les grandes.

Evolution, dividendes inclus, des indices actions par taille de capitalisation depuis avril 2015.
Source : Zonebourse

Les prévisions de résultat 2022 ont été fortement revues à la baisse depuis un mois, après un mois de janvier de forte révision à la hausse. Compte tenu de la baisse des cours, les multiples de valorisation restent dans les normes.  

Ratios de valorisation médians
Ratios de valorisation médians (Source : Portzamparc BNP-Paribas au 10/3/22)

Concernant l’évolution des encours des fonds liés à la collecte/décollecte, la société de Bourse Portzamparc nous indique qu’« avec 177M€ de décollecte, soit 0,9% des encours, il s’agit tout simplement de la pire semaine que nous ayons jamais observé en montant absolu comme en pourcentage des encours. » 

Revue des meilleurs fonds Small Caps à la fin du mois dernier

(Source : Quantalys, rapport mensuel des sociétés de gestion) 

Le contexte étant dressé, venons-en aux mouvements de nos fonds vedette à travers notre tableau synthétique. 

De façon générale, nous remarquons que : 

  • La performance moyenne des fonds de la sélection en 2022 (-12.5% à fin février) est comparable à celle des indices de petites valeurs françaises et européennes (-13% pour la moyenne entre le MSCI EMU SMALL CAP DNR et le CAC PME DNR). Seul un fonds perd moins de 10% : MCA Entreprendre PME, -8% à fin janvier. Nous avons publié ce lundi une interview de l’équipe.

  • Nombreux sont les fonds à avoir participé au placement privé de Graines Voltz à l’occasion d’une acquisition importante et à bon prix. La valeur semble peu concernée par les évènements en Ukraine.

  • Les taux d’investissement sont en encore en légère baisse. Des poches liquidités ont été reconstituées pour pouvoir faire face aux rachats. 

De façon plus particulière, nous notons que : 

  • Le fonds Gay-Lussac Microcaps, en recul mensuel de 5.6% comme son indice, a continué d’alléger les valeurs généreusement valorisées : Digital Value, Pharmanutra ou encore Aubay. Le fonds a même cédé Esker « qui souffre durablement de la rotation sectorielle. Ces ventes ne remettent nullement en cause notre confiance en l’avenir de ces sociétés, et sont purement en réponse aux discours plus "hawkish" des banquiers centraux, qui pénalisent les valeurs à ‘duration longue’ en raison d’une augmentation du taux d’actualisation de leurs flux futurs. Le fonds a renforcé Powersoft, Marr ainsi que Graines Voltz qui a « publié de très bons résultats fin janvier » et « annoncé l’acquisition d’André Briant, acteur de référence du marché français des pépinières. Cette acquisition a été réalisée à moins de 3x l’EBITDA, quand Graines Voltz se valorise à 12x. Les marges d’André Briant étant similaires à celles de Graines Voltz, nous estimons que cette acquisition sera relutive dès 2022… ».  Deux lignes ont été initiées. BOA Concept, acteur stéphanois fournisseur de solutions de convoyage modulable pour le marché porteur de l’intra-logistique. Boa a récemment publié un très bon niveau d’activité 2021 et de belles perspectives pour 2022. Autre initiation : Clinica Baviera, « opérateur de cliniques ophtalmologiques privées témoignant d’une forte récurrence de croissance organique et d’un fort levier opérationnel pour une valorisation plus qu’attractive ».

  • Erasmus Small Cap Euro recule de 6% sur le mois, soit deux fois plus que son indice de référence alors que son « exposition à l’Ukraine/Russie est extrêmement faible, la plus grosse exposition ne dépassant pas 7% des ventes pour la société la plus exposée à cette zone » déplore le fonds. « Nos nombreux mouvements ont eu pour objectif de réduire le Beta du portefeuille, en sélectionnant des valeurs avec une belle visibilité et peu dépendante de la croissance économique. Nous avons profité de l’augmentation de capital de Graines Voltz, leader français dans la distribution de semences, pour rentrer à bon compte sur cette histoire de croissance structurelle. Bilendi profite d’une demande croissante sur ses panels digitaux et continue de consolider un marché attractif. Salcef, leader incontesté de la maintenance du réseau ferroviaire italien, pourrait exporter son savoir-faire dans un autre pays européen, avec près de 300 millions d’euros à investir. Enfin, Newlat, acteur agroindustriel italien, bénéficie d’une croissance défensive et poursuit sa recherche de nouveaux partenariats. En face, nous cédons des sociétés plus cycliques, comme Nexans, PVA ou SAF Holland. Nous cédons également notre reliquat sur Tokmanni. Enfin, nous prenons nos bénéfices sur Wiit, qui est chèrement valorisée. »

  • Pluvalca Initiatives PME affiche une baisse de 6,4% sur le mois de février, « toujours impacté par sa forte exposition au secteur technologique. La publication du CA annuel de Wallix a été particulièrement décevante (décalage de facturation et impact Omicron sur l'activité) alors que le groupe avait publié mi-décembre son nouveau plan stratégique. Nous avons réduit notre exposition (confiance dans le management ébranlée). Generix Group a également pesé sur la performance du fonds en février, conséquence de la publication d'un CA T3 mou (difficultés persistantes aux Etats-Unis). A contratio, le fonds a bénéficié des bonnes performances des sociétés exposées au secteur des matières premières comme La Française de l'Energie ou CGG. Le marché a également salué l'excellente publication de Lectra (bonne intégration de Gerber, et des perspectives moyen terme toujours autant prometteuses). Pluvalca Initiatives PME a participé à l'augmentation de capital de Graines Voltz (financement d'une acquisition), et a initié une nouvelle ligne en Neoen (acteur des énergies renouvelables qui avait fortement chuté en 2021, et qui devrait bénéficier du regain d'intérêt pour le secteur) et en Maurel & Prom (exposition producteur pétrole). Lesexpositions en Wallix et Generix Group ont été allégées suite aux publications décevantes ».

  • Nova Europe ISR a mieux résisté en février après un mois de janvier difficile pour ce fonds croissance et innovation grâce à (je cite) :

Albioma (+18,2%) : le spécialiste français des énergies renouvelables en outre-mer profite de l'acquisition d'une seconde centrale de géothermie, en Turquie, ce qui diversifie son mix de production et accélère la conversion du groupe vers plus de production à partir d'énergie renouvelable. Depuis, des rumeurs de rachat de la part de KKR sont venues soutenir le titre.  
Adesso (+11,4%) : l’ESN allemande annonce la sortie d'une nouvelle solution de digitalisation des sites industriels qu'utilisera Mercedes-Benz sur tous ses sites d'ici 2023. 
Voltalia (+13,3%) : le spécialiste français des énergies renouvelables profite de l'attrait du marché pour son secteur et de la compétitivité des prix qui sont mis en lumière suite à la forte inflation des prix des matières premières fossiles. 
Lectra (+10,4%) : le spécialiste français des machines et logiciels de découpe a annoncé des résultats 2021 de très bonne facture avec une croissance de 91% de ses revenus portée par la fusion avec Gerber. 
Nacon (-2,8%) : Bigben Interactive, une des principales lignes du fonds, a décidé de la distribution gratuite exceptionnelle d'actions de sa filiale Nacon qui regroupe les activités de créations et d'édition de jeux vidéo AA (budget 1-15M€). La parité était d'une action Nacon pour 5 actions Bigben détenues.  

A l'inverse, on notera le recul de certains titres sur le mois écoulé, à l'instar notamment de : 

Bigben Interactive (-19,4%) : le spécialiste français des jeux vidéo et des accessoires multimédia voit son cours fléchir. Il a distribué une partie de ses actions Nacon, le groupe détient toutefois encore plus de 70% du capital de sa filiale. 
MIPS (-18,6%) : le spécialiste suédois de composants de sécurité pour les casques est pénalisé par un ralentissement de sa croissance au quatrième trimestre 2021 du fait de décisions de fermetures momentanées d'usines de ses clients, en Chine.  
Zignago Vetro (-16,4%) : le spécialiste italien de la production de verre de spécialité recule en bourse alors que l'inflation des coûts de l'énergie pourrait peser sur les comptes 2022.  
Focusrite (-19,4%) : le spécialiste britannique des équipements audio s'affiche dans le rouge alors que le groupe doit toujours gérer des approvisionnements difficiles en composants électroniques et un rythme ralenti de la chaine logistique. 

Pour terminer, voici quelques informations complémentaires sur la dizaine de fonds de petites valeurs sélectionnés : 

(Source : Quantalys, rapport mensuel des sociétés de gestion)

Les fonds ont été sélectionnés selon leur performance sur longue période (nous avons retenu une durée de 5 ans, durée généralement retenue pour l’investissement dans les fonds actions) et leur forte pondération en valeurs françaises capitalisant moins d’un milliard d’euros (minimum 20% du fonds). 

On y remarque que le style de gestion « croissance » ou « growth » domine largement la sélection et que le nombre de titres en portefeuille varie facilement du simple (40 valeurs) au double (80 valeurs).  

Glossaire : Les styles de gestion

Le style de Gestion « Croissance » ou « Growth » privilégie les valeurs de croissance. Ces valeurs sont choisies pour leur fort potentiel de développement, en mettant au second plan leur valorisation boursière au regard du chiffre d’affaires et des résultats actuellement réalisés. Ces sociétés sont en effet souvent populaires et chères car leurs perspectives sont élevées et leur valorisation anticipe une poursuite de la croissance des bénéfices. Les plus belles valeurs de croissance sauront croitre par-delà les cycles et prendre régulièrement des parts de marché par croissance organique ou externe.

Secteurs surreprésentés : la technologie, la santé, les énergies renouvelables. Ex. de valeur de croissance : Virbac, Voltalia, Esker, Pharmagest …Typiquement, leur PER dépasse les 20 voire 50x.

Le style de Gestion « Valeur » ou « Value » privilégie les valeurs décotées, mal valorisées, et souvent mal-aimées. Les gérants se focalisent alors sur les chiffres publiés, plus rassurants que des prévisionnels incertains par nature, et sur la valeur des actifs au bilan.

Secteurs surreprésentés : les valeurs cycliques, l’automobile, les bancaires, la construction. Ex. de valeur : Quadient, Hexaôm, Plastivaloire, ALD, NRJ Group … Typiquement, leur PER est inférieur à 10x.

Le style de Gestion « GARP » ou Growth At Reasonable Price ou Croissance à prix raisonnable, cherche à trouver un juste milieu entre les deux, à dénicher des valeurs de croissance certes, mais pas à n’importe quel prix.

Ex. de valeur : Lacroix, Ipsos, Bénéteau  … Typiquement, leur PER se situe entre 10x et 20x.

Finissons par une citation de Warren Buffet : « Mieux vaut acheter une entreprise extraordinaire à un prix ordinaire qu’une entreprise ordinaire à un prix extraordinaire. »