par Dan Williams

JERUSALEM, 15 mai (Reuters) - Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a été publiquement remis en cause pour ses projets post-guerre pour la bande de Gaza par son propre ministre de la Défense, Yoav Gallant, qui a affiché son opposition à une occupation militaire israélienne de l'enclave sur le long-terme.

Les commentaires de Yoav Gallant, au cours d'un point de presse diffusé en direct à la télévision et à la radio, marquent à ce jour la plus importante contestation par un haut représentant israélien de la gestion du conflit par Benjamin Netanyahu.

Ils interviennent dans un contexte de divergences politiques accrues en Israël et avec les principaux alliés de l'Etat hébreu à propos de l'offensive dans la bande de Gaza.

Répondant aux propos de son ministre de la Défense, sans le nommer explicitement, Benjamin Netanyahu a suggéré que Yoav Gallant tentait de trouver des "excuses" pour n'être pas encore parvenu à éradiquer le Hamas, plus de sept mois après le début des opérations militaires menées dans la bande de Gaza en représailles à l'attaque du 7 octobre dernier.

Mais Yoav Gallant a semblé alors recevoir le soutien de Benny Gantz, troisième membre de haut rang du cabinet de guerre mis en place en octobre, qui a déclaré que le ministre de la Défense a "dit la vérité".

Yoav Gallant a réitéré les objectifs fixés par Benjamin Netanyahu - vaincre le Hamas et libérer les otages encore détenus depuis l'attaque du 7 octobre -, tout en soulignant la nécessité de préparer les bases d'une autorité palestinienne alternative au Hamas dans la bande de Gaza.

"Nous devons démanteler les capacités de gouvernance du Hamas à Gaza. Pour cela, la clé est l'action militaire et la mise en place d'une gouvernance alternative à Gaza", a déclaré Yoav Gallant.

"En l'absence d'une telle alternative, seules deux options demeurent: le règne du Hamas à Gaza ou le règne de l'armée israélienne à Gaza", a-t-il ajouté, précisant qu'il s'opposerait à ce deuxième scénario et exhortant Benjamin Netanyahu à exclure formellement cette hypothèse.

Le ministre de la Défense a indiqué qu'il tentait depuis octobre dernier de promouvoir le projet d'une "alternative de gouvernance palestinienne non-hostile". Il a déclaré n'avoir eu "aucune réponse" de la part du gouvernement Netanyahu.

DÉJÀ DES TENSIONS GALLANT-NETANYAHU EN MARS 2023

Cette remise en cause du Premier ministre israélien rappelle, tant sur le fond que la forme, l'avertissement lancé en mars 2023 par Yoav Gallant sur les dangers potentiels de la réforme de la justice voulue par Benjamin Netanyahu pour la cohésion militaire israélienne.

A l'époque, Benjamin Netanyahu, à la longévité inédite au poste de Premier ministre, avait annoncé qu'il allait limoger Yoav Gallant, avant de se raviser, alors que de vastes manifestations contre le projet de réforme de la justice secouaient le pays.

Certains analystes spécialistes de la défense estiment que la capacité du Hamas à prendre par surprise l'armée israélienne, pour mener l'attaque d'octobre dernier, a confirmé la prédiction de Yoav Gallant.

Interrogé mercredi sur une potentielle crainte d'être limogé, Yoav Gallant a dit "ne blâmer personne". "Dans un pays démocratique, il me semble, il est approprié pour une personne, en particulier le ministre de la Défense, de rendre sa position publique", a-t-il ajouté.

La position de Yoav Gallant fait écho à celle du principal allié d'Israël, les Etats-Unis, qui ont évoqué la possibilité que l'Autorité palestinienne, basée en Cisjordanie occupée où elle dispose de prérogatives restreintes, joue un rôle à Gaza après la guerre.

Benjamin Netanyahu se dit défavorable à cette hypothèse, décrivant l'Autorité palestinienne comme une entité hostile. Il l'a répété dans la déclaration vidéo publiée sur les réseaux sociaux une heure à peine après les commentaires de Yoav Gallant.

Avant d'envisager une nouvelle gouvernance à Gaza, il faut d'abord éliminer le Hamas, a déclaré le Premier ministre israélien, demandant à atteindre cet objectif sans trouver d'"excuses".

Les partenaires ultra-nationalistes de la coalition au pouvoir réclament le démantèlement de l'Autorité palestinienne et de nouvelles colonies dans la bande de Gaza, une position ayant donné lieu à des querelles avec Yoav Gallant, issu comme Benjamin Netanyahu du Likoud.

Benjamin Netanyahu a déclaré par le passé qu'Israël conserverait la responsabilité sécuritaire de la bande de Gaza après la guerre, sans en dire davantage sur ses projets pour l'enclave palestinienne ravagée par les combats.

Le Hamas, dont les négociations indirectes avec Israël sur un cessez-le-feu et la libération des otages sont dans l'impasse, répète son opposition à tout scénario dans lequel il serait exclu de la bande de Gaza. (Dan Williams; version française Jean Terzian)