La tokenisation est sur toutes les lèvres 

De récents rapports publiés par le Fonds monétaire international (FMI), une entité des Nations unies qui sert de filet de sécurité financier mondial, et la Banque des règlements internationaux (BRI), une agence bancaire centrale super-gouvernementale, ont donné un aperçu de l'avenir du système monétaire. Ces rapports qui sont montrent particulièrement optimistes quant au potentiel de la tokenisation, mentionnent aussi les cryptomonnaies et les monnaies numériques des banques centrales (MNBC).

En prenant un peu de recul, l'optimisme liée à la “tokenisation” dépasse même les frontières de ces organisations. Plus tôt cette année, le responsable des actifs numériques de JPMorgan a parlé de la tokenisation comme d'un “changement de jeu pour la finance traditionnelle”. Parallèlement, Goldman Sachs a publié son enquête sur la "tokenisation des actifs réels", tandis qu'un récent rapport de recherche de la société financière Bernstein a suggéré que la tokenisation pourrait être une opportunité de 5 000 milliards de dollars. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le sujet suscite la curiosité. 

Tokenisation : la suite logique ? 

En examinant ces rapports, il est intéressant de constater que les rapports du FMI et de la BRI semblent converger sur l'idée que la tokenisation est probablement la meilleure application pour les systèmes monétaires actuels. Selon la BRI : "Aujourd'hui, le système monétaire est sur le point de faire un nouveau bond en avant. Après la dématérialisation et la numérisation, la tokenisation - le processus de représentation numérique des créances sur une plateforme programmable - est l'évolution clé."

Pour être un peu plus explicite, la dématérialisation (les banques conservent des enregistrements de transactions dans un grand registre plutôt que d’exiger des mouvements de monnaie physique à chaque transaction) et la numérisation (lorsque la pratique d'enregistrement est passée du papier au numérique) ont toutes deux eu des effets transformateurs sur l'économie et le commerce mondial. La tokenisation, quant à elle, sera "le processus de représentation numérique des créances sur une plateforme programmable", pour reprendre les termes de la BRI. 

Mais l'interprétation actuelle du FMI et de la BRI indique que la tokenisation concerne “l'échange de créances sur des plateformes programmables” ce qui sous-entend qu’une blockchain, très probablement privée, sera utilisée en tant que couche technologique. Ici, si une blockchain est impliquée, ces créances sont probablement représentées sous forme de jetons, ou "token" en anglais, et non en tant que simples entrées numériques dans une base de données. Pour faire simple sur le fonctionnement de ces jetons, ils fusionnent les enregistrements sous-jacents d’un actif que l'on trouve généralement dans une base de données traditionnelle avec les règles et la logique du transfert d'actifs.

Exemple de la tokenisation de l’immobilier : 

Pour mettre les choses en perspective, un acheteur de maison pourrait trouver son acte de propriété représenté comme un jeton sur une blockchain comme Bitcoin ou Ethereum, où le transfert du jeton détermine l'accession à la propriété, remplaçant ainsi le transfert conventionnel de l'acte.

Plus globalement, pour rester dans la sphère immobilière, un jeton immobilier, ou "real estate token" dans la langue de Shakespeare, qui représente un bien immobilier est un type de jeton numérique qui est utilisé dans la tokenisation d'actifs immobiliers. Il s'agit d'une pratique qui implique la conversion des droits de propriété ou des actions d'un bien immobilier en une représentation numérique sur une blockchain.

Autrement dit, chaque jeton est unique et représente une certaine fraction de l'actif sous-jacent. C'est-à-dire que chaque jeton peut être considéré comme une "part" d'un bien immobilier qui peut être achetée, vendue ou échangée. 

Ils peuvent aussi être utilisés pour des votes de gouvernance (dans le cas de certaines structures de propriété commune), pour prouver la propriété, et pour d'autres usages en fonction de la manière dont la tokenisation a été mise en œuvre.

Fonctionnement de la tokenisation de l'immobilier
Artimon

La tokenisation immobilière a plusieurs avantages. Elle propose à la fois une liquidité accrue et le fractionnement de la propriété, le tout en profitant de la transparence et de l’automatisation des processus permises par la technologie de la blockchain.

Toutefois, l'immobilier à jetons repose actuellement sur des bases instables. Bien que les règles et la logique de transfert puissent exister sur une plateforme de jetons, dès qu'un document ou une procédure juridique régit sur un aspect de la propriété, l'ensemble du cas d'utilisation d'un jeton représentant ce bien immobilier est annulé.

Mais la MNBC reste la priorité…

D'après les rapports du FMI et de la BRI, il semble que les institutions soient plus intriguées par la tokenisation des MNBC que par celle des matières premières ou des biens immobiliers.

Le point commun entre les points de vue du FMI et de la BRI sur la tokenisation des MNBC est l'existence d'un grand “registre unique ou unifié”. La BRI décrit ce grand registre unifié comme "un lieu commun où convergent la monnaie et d'autres objets symbolisés afin de faciliter l'intégration transparente des transactions et d'initier des types d'arrangements économiques entièrement nouveaux".

L'orientation de ces discussions, explorations et études en cours sur la tokenisation reste tout de même incertaine. De nombreux pays examinent les MNBC, mais seuls quelques-uns ont mis en place ces systèmes. La Chine étant en fer de lance avec des transactions utilisant la MNBC du pays, le yuan numérique chinois, qui ont atteint 1 800 milliards de yuans (249,33 milliards de dollars) en valeur fin juin, selon le gouverneur de la banque centrale du pays, Yi Gang.

Puis au final, ces rapports sont loin de faire de Bitcoin, Ethereum et consorts une pièce de l’engrenage dans le cadre de ces réflexions autour de la tokenisation. En réalité les cryptomonnaies, et bitcoin tout particulièrement, se présentent généralement avec l'absence d'un contrôle central - précisément ce que les banques centrales et les régulateurs cherchent à mettre en place. C'est donc cohérent qu'elles ne soient pas prioritaires dans ces réflexions.

Mais si ces blockchains avaient en réalité déjà prises de l’avance en matière de tokenisation ? Le FMI et la BRI tenteraient-elles de simplement rattraper leur retard sur ces blockchains privées ? Nous détaillerons les cas de tokenisation, sur Ethereum principalement, dans un prochain article, à retrouver très vite dans les colonnes de Zonebourse.