" Les irréductibles du surgelés ", c’est ainsi que l’on se présente chez écomiam, Village du surgelé. " Un village gaulois qui a la prétention d’être un village du surgelé qui résiste aux grands monstres de la distribution pour défendre les intérêts économiques de la filière de production française " affirmait son fondateur Daniel Sauvaget lors d’une conférence en 2018. La filière de production française, Daniel Sauvaget en sait quelque chose, lui qui a dirigé de 1997 à 2013 Tilly Sabco, 2e exportateur de poulet en Europe, sans parvenir à trouver une solution quand les subventions européennes à l’export ont disparu. En tant qu’actionnaire à 100% du volailler, il y a laissé quelques plumes, ce qui ne l’a pas empêché, la cinquantaine passée, de lancer une affaire de distribution qui, petit à petit, grâce au bouche-à-oreille, a fait son nid dans le Finistère avant de s’étendre en Bretagne, et maintenant au Grand Ouest avec un objectif de passer de 22 magasins en 2019 à 110 en 2025 pour un CA passant de 14,7 M€ à 110 M€.

Un concept qui se démarque

Sur un marché du surgelé atone et même très secoué en 2013 par le scandale des lasagnes au cheval (à marque Findus pourtant), la croissance n’est pas évidente, surtout quand on a Picard pour principal concurrent : marque préférée des français, 1100 magasins, 1,42 Md€ de CA en 2019 et une marge opérationnelle de 11.5%. Il s’agit donc de se distinguer. Le modèle Picard et ses produits cuisinés s’est bien implanté en région après avoir misé sur les métropoles, là où écomiam vise en priorité les 200 villes moyennes (20 000 à 100 000 habitants). Avec quels atouts ? De bons emplacements et de bons commerçants, bien sûr, mais pas seulement. Ce visuel de la présentation d’introduction en Bourse résume bien les points clés du concept :

Business Modèle

Ce sont ces choix forts, mis en place uniformément dans tout le réseau écomiam via un modèle de commission-affiliation qui ont permis de développer une relation de confiance avec la clientèle dont la satisfaction, à en croire les 200 avis Google (note moyenne des magasins de 4.7) est excellente sur l’ensemble du réseau. La clientèle apprécie surtout la qualité des produits, la transparence sur leur origine et sur les prix. Le positionnement tarifaire compétitif et constant, ainsi que l’absence d’incitations aux achats d’impulsion, permettent aux clients d’avoir le sentiment d’avoir acheté au juste prix les produits dont ils ont réellement besoin. Ils sont généralement agréablement surpris par le montant de leur ticket de caisse au regard de leur panier. La fidélisation se constate avec la carte de fidélité, mise en place en juin 2019 à la demande des clients et qui est déjà utilisée lors de 55% des passages en caisse. Sur un marché français du surgelé hors GMS supérieur à 2 milliards d’euros (N°1 Picard et n°2 Thiriet, très présent sur la livraison à domicile), le modèle rencontre une demande insatisfaite, très familiale (Daniel Sauvaget rappelle souvent qu’il " vise les grands congélateurs " !) comme le démontre la croissance affichée par le Groupe. Alors que les ventes ont affiché une progression de respectivement +23% et +32% au cours des derniers exercices clos les 30 septembre 2018 et 2019, le chiffre d’affaires devrait connaître une nouvelle phase d’accélération et s’établir au moins à 22 M€ sur l’exercice tout juste écoulé, soit +50%.

Le marché

Un positionnement concurrentiel original sur un marché mature et encombré

Priorité à la croissance, la profitabilité restant à prouver

Côté profitabilité, ce n’est pas encore ça… Hyper croissance oblige, le résultat opérationnel devrait symboliquement passer dans le vert lors de l’exercice clos à fin septembre 2020. Idem pour les fonds propres, quasi-nuls, ce qui limite l’endettement bancaire, que Daniel Sauvaget n’affectionne pas particulièrement : le breton tient à son indépendance. Faute de vouloir passer par l’étape capital investissement, la Bourse arrive peut-être un peu tôt.

 

En effet, le modèle économique n’est abouti que depuis 2018 avec une accélération des ouvertures sur un modèle d’affiliation dans lequel la maison mère porte les stocks et encadre tout, de la marchandise aux prix de vente. Du coup, parmi les 27 magasins existants, très peu ont atteint une maturité qui intervient au bout de 3/4 ans et la croissance purement organique à magasin constant devrait rester supérieure de l’ordre de 10% pendant encore quelques années. Au fur et à mesure, une partie conséquente du parc atteignant son rythme de croisière, le modèle de profitabilité écomiam devrait se dessiner, à savoir :

~1M€ de CA/magasin (parfois 800K€, et 2 M€ dans le meilleur des cas)

35/36% de marge brute

- 21/22% de commission à verser à l’affilié qui porte l’essentiel de l’investissement (~300 K€/magasin)

- 3% de coûts logistiques/transport

- 2% de frais de communication

- les charges (relativement) fixes du siège (~35 employés)

= Ebe < 9%

De sorte qu’avec cette structure de coûts essentiellement variables, l’entreprise familiale doit atteindre d’ici 2025 une marge d’Ebitda de croisière plutôt proche de 7% que des 14% constatés chez Picard. En effet, le roi du secteur a développé un modèle très différent de magasins en propre et en franchise qui s’appuie sur une marge commerciale supérieure d’environ 10 points, mais avec en face des frais de communication et de promotion sans commune mesure.

En déployant son réseau de magasins à l’échelle nationale, la société familiale a pour ambition d’atteindre en 2025 le cap des 110 M€ de chiffre d’affaires, soit un rythme de croissance annualisé de 40% par rapport au 30 septembre 2019 (la croissance du chiffre d’affaires était de 21% et 34% pour les exercices 2018 et 2019 incluant respectivement 4% et 23% de croissance organique). Cet objectif de chiffre d’affaires devrait conduire en 2025, à un résultat d’exploitation de l’ordre de 7 M€. Cette ambition repose sur l’ouverture de 20 nouveaux points de vente par an au cours des 5 prochaines années, portant le réseau à environ 125 points de vente en 2025. A noter qu’écomiam a d’ores et déjà sécurisé au moins 10 ouvertures de magasins pour les 6 premiers mois de l’exercice 2020/2021.

La croissance du réseau

Source : société

Pourquoi la Bourse ?

La question de l’entrée en Bourse de la société se pose d’autant plus naturellement que son modèle économique est peu gourmand en capitaux. En effet, les besoins d’investissement liés à l’extension du réseau de magasin (environ 30 M€ pour 100 magasins) seront portés à 80% par les affiliés, et le BFR du Groupe a vocation à devenir légèrement négatif, finançant ainsi une partie des investissements portés par l’enseigne.

Alors, pourquoi lever une dizaine de millions en Bourse plutôt que de lever 2/3 M€ auprès de capital-investisseurs + 2 M€ de dette bancaire complétés par un autofinancement grandissant avec la maturité du parc ?

Selon nous, la nécessité de renforcer les fonds propres est évidente pour rassurer les fournisseurs et accélérer le développement. La dette financière, d’environ 1,5M€ actuellement, n’est pas la tasse de thé du dirigeant, qui préfère avoir quelques millions de trésorerie nette devant lui au cas où. Il privilégie la flexibilité financière et il a raison, les investisseurs ayant de l’appétit pour son projet. Il est actuellement probablement plus facile (et presque aussi cher) de lever 10M€ que 5M€ en Bourse. Cela élargira la taille de ce tout petit dossier, lui donne de la crédibilité, et augmente le flottant, et donc la liquidité du titre.

Compte tenu de la réplicabilité du concept (il n’y a pas de secret de fabrication ni de brevet), de la force de frappe de Picard et de Grand Frais (qui est en train de redresser Toupargel à grande vitesse) dans un contexte sanitaire porteur (le covid modifie les habitudes d’achat et de consommation), la famille Sauvaget doit sentir qu’il est tant de passer à la vitesse supérieure. Avec près de 10M€ de trésorerie nette après introduction en Bourse, les finances ne seront plus un frein à l’accélération du déploiement du parc et au soutien des affiliés. La supply chain, le marketing digital via les réseaux sociaux, la notoriété (la Bourse en fait partie), la formation, les fonctions IT et finance pourront ainsi être renforcés (recrutement d’un nouvel auditeur enseigne, d’un data analyst et d’un responsable qualité à temps plein).

Modalités de l’opération : une valorisation équivalente au chiffre d’affaires actuel

L’opération d’introduction en Bourse, déjà sécurisée à 91% par les engagements de différents investisseurs institutionnels, se déroule jusqu’au 5 octobre 2020. Elle doit permettre de lever environ 10M€ (maximum 11,5 M€) avec en cas de forte demande la possibilité pour les dirigeants fondateurs, qui contrôlent l’entreprise à 100%, de céder pour 1,7 M€ de titres. Le flottant devrait approcher le tiers du capital.

Sur la base d’un prix d’introduction médian de 10,5€, la capitalisation boursière avoisine les 24 M€ avant IPO, soit une valeur d’entreprise d’environ 25 M€ après l’introduction, pour un CA à fin septembre 2020 d’environ 22M€. La croissance de l’enseigne étant actuellement à deux chiffres, écomiam s’introduit donc sur la base d’une fois son chiffre d’affaires. C’est beaucoup pour un distributeur qui ne gagne pas encore vraiment d’argent, mais c’est raisonnable si l’on croit à la réalisation dans les grandes lignes d’un plan à 5 ans qui doit multiplier le CA par 5 et le résultat par 30.

ON AIME :

  • La dimension éthique (transparence de produits 100% français, respect de la filière, chasse au gaspillage et aux emballages, etc.) d’un projet entrepreneurial et familial ambitieux
  • Un modèle économique peu risqué : investissements très faibles, coûts essentiellement variables
  • Des avis clients extrêmement positifs (note moyenne des avis Google : 4,7/5)

ON AIME MOINS :

  • Un projet sans fonds propres, dont la profitabilité reste à démontrer, et qui arrive un peu tôt en Bourse
  • Le surgelé n’est pas spécialement tendance, hors crise sanitaire qui a renforcé l’attrait des produits bruts et stockables. Le risque sanitaire est toujours présent dans un secteur mature où écomiam n’est qu’en partie positionné sur ce qui est le plus porteur : le bio, la livraison à domicile, le frais et le proche.
  • Des objectifs 2025 trop ambitieux pour justifier une valorisation déjà riche. L’entreprise familiale rencontrera-t-elle le même succès en s’éloignant de ses bases bretonnes ?

Conclusion. Un projet d’entrepreneur familial compréhensible, ambitieux et enthousiasmant qui mérite d’être rejoint, au moins " pour voir " comment l’accélération des ouvertures se passe (et bénéficier d’une économie d’IR de 25%...). Avec l’opportunité de se renforcer un peu plus tard, soit plus haut car tout va bien, soit plus bas car il y aura eu des incidents de parcours, ou tout simplement car le souffle sera retombé comme souvent après les petites IPO…

Calendrier indicatif

Note d’opération : https://www.ecomiam-bourse.com/images/pdf/ecomiam-Note-d-operation-N-20-467.pdf