Répartition et croissance de l’activité par secteurs, en 2022 (source : Mersen) 

Thomas Baumgartener, Mersen a franchi pour la première fois la barre symbolique du milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2022. En revanche, son cours de bourse et son bénéfice par action évoluent à proximité de leurs niveaux d’il y a plus de 20 ans. Quel regard portez-vous sur l’évolution de la création de valeur du Groupe ? 

" Historiquement, le Groupe Mersen était positionné sur des marchés très variés dont certains se sont révélés en déclin ou peu profitables. Cela nous a poussé à faire évoluer notre portefeuille d’activités, le dernier changement significatif remontant à 2015-2016 avec la réduction de 20% à 10% de notre exposition au marché de la chimie. Notre empreinte industrielle a également été revue, en réduisant le poids historique de l’Europe. Nous avons maintenant une répartition équilibrée de nos zones de ventes et de production, avec des parts de marché de 15 à 30% dont la solidité est renforcée par la relation de proximité que nous avons su tisser au fil des années avec notre clientèle pour laquelle nous visons l’amélioration continue des produits. La période post Covid, inflationniste, a confirmé notre capacité à traduire cette relation dans les prix de vente et à maintenir voire augmenter nos niveaux de marge. 

Concernant la mesure de la création de valeur, il faudrait pour être tout à fait juste ajouter les dividendes en espèces et en actions versées ainsi que les BSA à l’occasion des augmentations de capital. Et notre capitalisation boursière a triplé depuis 2003.Cela étant, si l’on se tourne vers l’avenir, Mersen mérite une meilleure valorisation que par le passé compte tenu de sa moindre cyclicité et de son positionnement mondial sur des marchés porteurs. De plus, notre retour sur capitaux employés courant progresse après alors même que nous sommes dans une période d’investissements importants. " 

Investissements industriels et retour sur investissement du Groupe (source : Mersen) 

Mersen vient de lever 100 M€ en fonds propres afin d’investir 400 M€ à horizon 2027 dont 300 M€ sur 2023-2025, à comparer à moins de 100 M€ en 2022. Avec quel objectif de retour sur capitaux employés ? 

" L’ampleur des montants investis est en phase avec la forte demande de nos clients historiques, le plus emblématique étant le contrat long terme de fourniture de graphite et d’autres matériaux high-techs à Wolfspeed, leader des wafers et transistors en carbure de silicium pour la mobilité électrique et l’efficacité énergétiques des systèmes industriels. Ce contrat, qui couronne une coopération de plus de vingt ans avec le groupe américain dans les technologies de fabrication des substrats de semi-conducteurs en Carbure de Silicium (SiC), porte sur une période initiale de cinq ans et pourrait représenter un chiffre d’affaires d’environ 400 M$ pour Mersen. Concernant le retour sur investissement de ces 400 M€, dont 100 M€ en croissance externe, nous visons un ROCE marginal de 12,5 à 15,5% dès 2027, sachant qu’une partie importante des capitaux employés aura une durée de vie bien supérieure à cinq ans. Le levier financier sera activé à hauteur de 300 M€ moyennant le tirage de lignes de crédit à taux fixe contractées dans d’excellentes conditions. La création de valeur devrait donc être au rendez-vous lorsque nous aurons atteint notre objectif de 1,7 Md€ de CA en 2027 pour une marge opérationnelle courante de 11.5/12.5%, contre 10.5/11% attendus en 2023." 

Historiquement, Mersen et sa cinquantaine d’usines dans le monde a dû adapter en permanence son dispositif industriel au gré des cycles. Cela se vérifiera-t-il à l’avenir ou bien les nouveaux marchés garantissent-ils des débouchés plus durables ? 

" Globalement, les contrats que nous avons signés récemment et que nous allons signer prochainement nous apportent une visibilité sans précédent dans l’histoire de Mersen. Notre carnet de commandes s’est d’ailleurs allongé de quelques mois par rapport à son niveau historique. Là encore, le contrat signé avec Wolfspeed, en partie ferme et incluant des paiements en avance, est une belle illustration. Par ailleurs, nos investissements de capacité sont uniquement des agrandissements d’usine, dont certains modulaires, et non des créations. Ces éléments nous permettent d’anticiper 9% de croissance organique annuelle d’ici 2027, tirée par 4 marchés porteurs (Energies renouvelables, Semi-conducteurs Si et SiC, véhicules électriques) dont le poids devrait passer de 27% à 45% entre 2022 et 2027. Cela signifie que ces 4 marchés devraient connaître une croissance annuelle supérieure à 20%, contre 3% annuels pour les autres marchés. " 

Quels types d’acquisitions recherchez-vous dans le cadre du plan 2027 ? Sur quels niveaux de valorisation ? 

" L’histoire de Mersen est jalonnée de rachats qui sont venus renforcer tour à tour notre expertise et nos capacités de production. Globalement, une centaine de millions d’euros seront déployés sur des projets de « bolt-on » que nous avions mis de côté en période Covid où les discussions avec les entreprises ciblées étaient compliquées. Nous cherchons à consolider nos expertises et nos parts de marché géographiques, plutôt hors Europe et notamment en Amérique du Nord. , Pour vous donner une idée de valorisation, les multiples d’acquisition réalisées dans le passé s’échelonnaient entre 5 et 9x l’Ebitda selon les synergies modélisées, qui sont plutôt d’ordre commercial. " 

(Source : Mersen)