L'autorité indienne de surveillance de la concurrence examine les accusations selon lesquelles le groupe français Pernod Ricard se serait entendu avec des détaillants de New Delhi pour accroître sa part de marché, ce qui constitue le dernier casse-tête en date pour le géant des spiritueux sur un marché clé, selon des documents juridiques consultés par Reuters.

Avec des marques telles que Chivas Regal, Glenlivet et la vodka Absolut, Pernod détient une part de 17 % sur un marché des spiritueux qu'il considère comme son deuxième plus grand marché mondial en termes de ventes nettes, mais où il est confronté à des problèmes de licences, de taxes et d'antitrust.

Les dernières accusations figurent dans un document confidentiel déposé en mars sur les pratiques de l'industrie des spiritueux par une personne identifiée uniquement par son prénom, Mohit, qui a l'habitude d'intenter des actions en justice d'intérêt public.

La Commission indienne de la concurrence (CCI) examine l'affaire et peut ordonner une enquête approfondie ou rejeter les accusations si elles ne sont pas fondées, a déclaré une source au fait du dossier qui s'est exprimée sous le couvert de l'anonymat.

Pernod est accusé d'avoir gagné des parts de marché en demandant aux détaillants de la capitale indienne de stocker davantage de ses produits en échange d'une aide à l'obtention de prêts pour l'obtention de licences d'exploitation de magasins, selon les documents déposés.

Reuters a examiné le dossier, qui n'est pas public, conformément aux règles de l'autorité de surveillance.

Dans une déclaration à Reuters, Pernod a indiqué qu'il n'avait pas été informé de la nouvelle affaire antitrust, mais qu'il s'engageait à respecter les lois locales et à "instruire et éduquer ses équipes" pour qu'elles fassent de même.

L'autorité de régulation de la concurrence n'a pas répondu aux questions de Reuters.

Les appels téléphoniques au plaignant sont restés sans réponse.

Les accusations reposent essentiellement sur les conclusions de l'Enforcement Directorate, l'agence indienne chargée de la lutte contre la criminalité financière, qui examine le rôle présumé de Pernod dans une affaire de corruption centrée sur la politique de la ville en matière d'alcool, qui a conduit à l'arrestation d'un responsable de l'entreprise en 2022.

S'appuyant sur les résultats de l'enquête, la plainte de la CCI accuse Pernod d'avoir fourni 24 millions de dollars de garanties d'entreprise à ses banquiers en 2021 afin d'aider les détaillants de la ville à obtenir des prêts. Les détaillants ont ensuite veillé à ce que 35 % du stock de leurs magasins soit constitué de marques de Pernod.

Les conclusions "révèlent clairement que l'objectif de la garantie d'entreprise était une cartellisation de Pernod avec des détaillants sélectionnés pour pousser la marque au détriment d'une concurrence loyale", indique le document de l'affaire.

Parmi les autres déboires de Pernod, on peut citer sa demande infructueuse, depuis plus d'un an, d'une licence de vente au détail pour ses produits à New Delhi.

Elle fait l'objet d'une autre procédure antitrust pour mauvaise conduite dans le sud de l'Inde et conteste une demande d'impôt de près de 250 millions de dollars, pour avoir prétendument sous-évalué les importations.

Pernod a nié à plusieurs reprises tout acte répréhensible dans toutes ces affaires.

La dernière affaire de la CCI porte sur les conclusions de la direction de l'application des lois selon lesquelles le directeur financier intérimaire de Pernod pour l'Inde a consenti, à la mi-2021, à l'émission de garanties d'entreprise pour faciliter l'octroi de prêts aux détaillants de Delhi, et en a informé la directrice financière du groupe, Helene de Tissot, dans un courriel daté du 13 juillet 2021.

Le "soutien" de 24 millions de dollars accordé par Pernod aux soumissionnaires pour les licences de magasins pourrait générer un "avantage" supplémentaire de 15 millions de dollars sur une période de trois ans et la mesure "nous permettra également de contrer la menace des acteurs locaux", selon le courriel.

L'affaire CCI cite également des extraits d'une présentation PowerPoint de Pernod datant de juin 2021 qui mentionnait un plan interne visant à "prendre le contrôle des magasins de détail" à New Delhi. Reuters a déjà fait état de l'e-mail et de la présentation.