Washington (awp/afp) - Le récent rebond de l'inflation aux Etats-Unis apparaît comme un obstacle à une baisse des taux de la banque centrale américaine, a déclaré le président de la Fed de Richmond, Tom Barkin, lors d'un entretien à l'AFP.

"Lorsque nous aurons davantage confiance dans le fait que l'inflation se dirige vers notre objectif, il sera alors approprié de se demander s'il n'est pas temps de recalibrer la politique monétaire", a souligné Tom Barkin.

"Malheureusement, les trois derniers mois n'ont pas été dans ce sens", a ajouté ce président de l'une des 12 antennes régionales de la Fed.

Il y a quelques semaines encore, une première baisse des taux était attendue dès le mois de juin.

Ceux-ci plafonnent depuis juillet à leur plus haut niveau depuis 20 ans, entre 5,25 et 5,50%, entraînant un coût élevé du crédit pour les entreprises et les ménages.

Mais les espoirs des marchés ont fait long feu, et les taux pourraient rester à ce niveau au moins jusqu'en septembre, selon l'estimation de CME Group.

"Nous avons passé les sept derniers mois de l'année dernière à célébrer une inflation de 2% et nous avons eu raison de le faire", mais aussi d'attendre de "gagner un peu plus en confiance avant de décider d'ajuster notre politique", a résumé Tom Barkin, qui dispose en 2024 du droit de vote tournant au sein du comité de politique monétaire de la Fed.

Car ensuite, a-t-il déploré, "au cours des trois derniers mois, (...) nous avons constaté une inflation élevée", de nouveau.

Indépendance

L'inflation, en effet, a rebondi depuis janvier, accélérant à 3,5% sur un an en mars contre 3,2% en février, selon l'indice CPI.

La Fed privilégie une autre mesure, l'indice PCE, qu'elle veut ramener à 2%, et qui est remonté en février à 2,5% sur un an en février, contre 2,4% en janvier. Les données de mars seront publiées à la fin du mois.

Et, à l'approche de l'élection présidentielle du 5 novembre, le calendrier électoral vient se superposer à celui des baisses de taux de la Fed.

Celle-ci est indépendante du pouvoir politique. Mais sa réunion de septembre, qui pourrait lancer le mouvement de baisse des taux, sera la dernière avant l'élection.

Le candidat républicain Donald Trump a ainsi affirmé début février que si le président de la Fed, Jerome Powell, veut abaisser les taux en 2024, c'est pour aider le président démocrate Joe Biden à gagner l'élection.

"Nous tenons beaucoup à notre indépendance", a répondu Tom Barkin, interrogé par l'AFP, soulignant que "l'Histoire a montré, et les études universitaires l'ont confirmé, que la meilleure chose pour une économie est une banque centrale indépendante".

"La meilleure façon de conserver votre indépendance est de bien travailler. Et notre travail, ce sont des prix stables et un emploi maximum", a-t-il ajouté.

Secteurs sensibles

Une baisse plus tardive des taux pénalisera les entreprises et ménages qui comptent sur le crédit pour investir et consommer.

"Il ne fait aucun doute que les secteurs sensibles aux intérêts sont touchés" par les hausses de taux, "mais l'économie dans son ensemble ne semble pas affectée de la même manière", a noté le président de la Fed de Richmond.

"Je pense qu'il faut être ouvert à l'idée que nous ne sommes pas aussi restrictifs que nous le pensions", c'est-à-dire que les taux élevés ne pèsent pas sur l'économie américaine autant que cela était anticipé.

Il table cependant sur un "ralentissement" en 2024 de la croissance de l'économie américaine, qui s'était pourtant montrée bien plus vigoureuse que prévu en 2023, à 2,5%, contre 1,9% en 2022.

Cela faisait plus de 30 ans que les Etats-Unis n'avaient pas eu à faire face à une forte inflation. Mais celle-ci pourrait s'inscrire dans le paysage à moyen terme, avertit Tom Barkin.

En effet, détaille-t-il, le fait que de nombreux pays, à l'instar des Etats-Unis, cherchent à s'affranchir de la Chine pour la production de leurs biens, et à rapatrier la production chez eux, pourrait faire encore grimper les prix "dans les 10 ou 20 prochaines années".

Il cite également, parmi les pressions inflationnistes anticipées, la transition énergétique. Mais appelle néanmoins à "ne jamais sous-estimer le pouvoir de la technologie", qui pourrait "avoir un effet assez désinflationniste", évoquant, entre autres, l'intelligence artificielle.

afp/rp