Issu de la fusion en 2013 du français Vivalis et de l’autrichien Intercell pour donner naissance à un acteur du vaccin intégré, Valneva s’attend à vivre une année 2020 extrêmement riche : résultats de Phase II et signature d’un accord de partenariat pour le vaccin contre la maladie de Lyme, entrée potentielle en Phase III du vaccin contre le chikungunya. Une levée de fonds de plus de 100M€ sur le Nasdaq début 2021 pourrait couronner le tout.

Franck Grimaud, avant d’en venir aux enjeux majeurs de 2020, pouvez-vous faire un point sur les deux vaccins actuellement commercialisés par Valneva, qui assurent sa profitabilité depuis 2018 ?

"La création en 2013 de Valneva avait pour objectif de donner naissance à un acteur intégré du vaccin, ce que nous sommes depuis 2015, année du rachat des droits de distribution de nos deux vaccins pour les voyageurs : Ixiaro, vaccin contre l’encéphalite japonaise, et Dukoral, vaccin contre le choléra. Cela nous a permis d’investir dans notre propre infrastructure de commercialisation et de plus que doubler nos ventes en quatre ans. Nous avons annoncé une prévision de CA 2019 de 125 à 130 M€, contre 103.5 M€ en 2018. Pour ce qui est des perspectives 2020 sur ces deux vaccins, Ixiario, qui n’a pas de concurrent, devrait bénéficier d’une nouvelle commande de la part de l’armée américaine au premier semestre et les ventes de Dukoral devraient résister à l’arrivée d’un concurrent européen compte tenu de l’indication plus large dont bénéficie notre produit au Canada où nous réalisons la majorité de nos ventes. Pour ce qui est de la profitabilité de notre portefeuille de produits, notre prévision de marge brute s’élève à 65% et notre prévision d’EBITDA 2019 à 5 à 10 M€ après comptabilisation en charges de 35 à 40 M€ de R&D. Ce budget R&D a servi essentiellement à financer le développement clinique de nos deux candidats vaccins, celui contre la maladie de Lyme, VLA 15, et celui contre le chikungunya, VLA 1553."  

Concernant VLA 1553, la décision de la FDA est imminente. Quelles seront les enjeux en cas de passage en phase III ?

"Nous allons rencontrer ce 24 février la FDA pour une réunion de fin de Phase II de ce candidat vaccin. Nous saurons dans le mois qui suit si nous pouvons entrer directement en phase III, avec une approbation du vaccin attendue pour la fin 2022. Ce vaccin du voyageur s’adresse à un marché potentiel d’environ 400 M$ sur lequel nous visons au moins 50% de part de marché face à deux candidats concurrents ayant achevé leur phase II (Emergent BioSolutions Inc et Themis Bioscience GmbH NDLR). A noter que nous pensons avoir le seul candidat ne nécessitant qu’une seule injection. La production sera assurée par notre unité écossaise qui produit déjà Ixiaro, et la commercialisation par notre réseau déjà très présent sur les maladies du voyageur. La profitabilité de ce vaccin serait donc supérieure à celle de nos deux vaccins en portefeuille. Concernant les besoins de financement de cette phase III, que nous estimons à 60-80 M€, nous avons sécurisé un emprunt à 6 ans d’un montant de 60 à 85 M$ auprès de fonds américains à un taux situé dans la partie supérieure des taux à un chiffre."

Concernant VLA 15, quelles sont les prochaines échéances et les montants en jeu ?

"Les résultats de la phase II vont s’échelonner de juin à décembre 2020 pour les deux schémas de vaccination que nous avons lancé à l’été 2019. Un succès de cette phase nous permettrait de lancer la phase III. Compte tenu du nombre important de patients recrutés, 16 000, l’approbation ne pourrait intervenir avant 2024-2025. Concernant le financement des développements de phase III pour ce vaccin, compte tenu des besoins estimés à 300 M€, notre objectif est de signer un partenariat en 2020 puis de lever au moins 100 M€ à l’occasion d’une cotation sur le Nasdaq au premier semestre 2021. Le marché potentiel de ce vaccin en Europe et aux Etats-Unis pourrait dépasser le milliard de dollars, sachant qu’il n’y a pas à ce jour d’autre candidat vaccin en développement clinique contre cette maladie qui touche environ 300 000 personnes par an aux Etats-Unis et 200 000 en Europe, dont 7% en garderaient des séquelles durables. A noter que les cas identifiés sont en forte augmentation avec une multiplication par 3 sur 20 ans aux Etats-Unis."

Pourquoi avez-vous décidé de vous introduire sur le Nasdaq ?

"Le Nasdaq est aujourd’hui le marché le plus adapté aux financements de phase III nécessitant plusieurs centaines de millions d’euros de dépenses de développement clinique. La place de Paris vient de traverser deux années particulièrement difficiles sur les sciences de la vie et la profondeur du marché américain est bien supérieure. Ce projet d’introduction, qui a été précédé par la fin de notre cotation à Vienne et un premier placement privé aux Etats-Unis en septembre 2018, devrait nous permettre de lever plus de 100 M€. Une hausse de notre valorisation boursière d’ici la fin de l’année favorisée par un flux de nouvelles majeures faciliterait cette levée."

Actualité oblige : Valneva est-elle concernée d’une façon ou d’une autre par le Covid-19 ?

"Nous sommes bien évidemment concernés par l’épidémie de pneumonie virale qui sévit en Chine mais nous devons nous concentrer pour le moment sur nos deux candidats vaccins contre la maladie de Lyme et le chikungunya qui sont également deux maladies infectieuses extrêmement inquiétantes. Nous pourrions potentiellement à court terme devoir mener deux Phase III en parallèle, ce qui est déjà beaucoup pour une société de la taille de Valneva. Il y a, par ailleurs, déjà près d’une dizaine de vaccins en cours de développement pour traiter ou prévenir le coronavirus. Nous avons, bien évidemment, d’autres candidats vaccins dans le domaine anti-infectieux y compris du voyageur mais ils n’en sont pour l’instant qu’ au stade préclinique et ne mobilise qu’une infime partie de notre budget R&D."

Le rédacteur de cet article est actionnaire de Valneva.