Aux Etats-Unis, les dépenses de consommation représentent la majorité de la production économique du pays (plus de deux-tiers du PIB). Si les ménages ont confiance dans l’économie, ils vont davantage dépenser et investir, ce qui stimulera l’économie à son tour, c’est un cercle vertueux. Si au contraire, les ménagers sont pessimistes, ils vont être davantage prudents sur leurs dépenses et les entreprises devraient réaliser moins de bénéfices. 

Cet indicateur est compilé à partir d'un sondage effectué auprès d'environ 500 consommateurs. Ces derniers sont interrogés sur leur vision de l’avenir économique à court terme (1 an) et moyen terme (5 ans), sur les conditions commerciales et d’achat, ainsi que sur la santé de leurs finances personnelles. 

Voici quelques questions que l’on pose lors de ce sondage : 

  • Diriez-vous qu'à l'heure actuelle, les conditions commerciales sont meilleures ou pires qu'elles ne l'étaient il y a un an?
  • Pensez-vous que dans un an, votre ménage sera mieux financièrement, ou moins bien, ou à peu près pareil qu'aujourd'hui ? 
  • Selon vous, qu'arrivera-t-il aux taux d'intérêt pour emprunter de l'argent au cours des 12 prochains mois ? Vont-ils augmenter, rester les mêmes ou baisser ?
  • Au cours des 12 prochains mois, pensez-vous que les prix, en général, vont augmenter, ou baisser, ou rester là où ils sont actuellement ?

L’indice de confiance des consommateurs du Michigan (MSCI) a été fixé à 100 lors de sa création, le 1er janvier 1960 (il a en réalité été créé bien avant, en 1940, par le professeur George Katona, mais les données fiables ne sont disponibles que depuis 1960). Depuis, il a varié d’un plus haut à 110,1 en mars 2000 alors en pleine bulle boursière des dotcoms à un plus bas atteint très récemment, en 2022, établi à 53,2. 

En effet, le 1er août 2022, l’indice a réalisé un plus bas historique à 53,2. Autrement dit, le pessimisme était à son paroxysme, pire que durant la crise des subprimes en 2008 (plus bas à 57,7 le 1er décembre 2008) ou que le deuxième choc pétrolier de 1979 (plus bas à 53,6 le 1er mai 1980). 

Source : Surveys of consumers - University of Michigan

Regardons maintenant la corrélation avec le S&P 500, l’indice large américain, représentatif de l’économie outre-Atlantique. Qu’a-t-il fait après les pics d’optimiste et les pics de pessimisme sur les mois et les années qui ont suivis ? 

Pour cela, j’ai mesuré la performance du S&P 500 suite aux dix pires pics de pessimisme (index < 60) et dix plus forts pics d’optimisme (index > 105) de l’indice de confiance des consommateurs de l’Université de Michigan. J’ai étudié le retour sur investissement après 6 mois, 12 mois, 18 mois, 2 ans, 3 ans, 5 ans et 10 ans. 

Voici les résultats : 

Source : Zonebourse 

Vous remarquez la même chose que moi ? Le bas du tableau est plutôt rouge (pics d’optimisme) alors que le haut du tableau (les pics de pessimisme) est plutôt vert. En effet, l’indice S&P 500 a largement très bien performé dans les mois et les années qui ont suivi un indice de confiance des ménages américains très bas (< 60) alors que le marché boursier américain a réalisé des performances médiocres (et parmi les pires de l'histoire moderne) après que l’indice de confiance des consommateurs était très haut (> 105). 

Voilà ce que cela donne sur un graphique du S&P 500 depuis 1970. En achetant la peur (index < 60, flèches vertes) et en restant prudent (ou en vendant) l’avidité (index > 105, flèches rouges), vous auriez largement surperformé le S&P 500 et vous auriez des points d'entrée et de sortie tout à fait pertinent sur le long terme. 

Source : Zonebourse 

Il existe un autre indice pour mesurer la confiance des consommateurs : The Consumer Confidence Survey publié par le Conference Board. La mécanique est la même et les conclusions sont similaires au précédent indice du Michigan. Il vaut mieux “acheter la peur et vendre l'avidité” comme le dit Warren Buffett. Historiquement, lorsque le niveau de confiance des consommateurs a été élevé (comme en 1999-2000), le rendement du S&P 500 dans les cinq années suivantes s’est avéré modeste. Et quand le niveau de confiance a été bas, le rendement du S&P 500 dans les cinq années suivantes a été élevé. Plus la population est pessimiste, plus grand est le potentiel à moyen terme des actions. 

Source : The Conference Board

Tout ceci s’explique assez facilement en réalité. Lorsque l’indice de confiance des consommateurs est élevé, le marché est conciliant avec le futur. Les espérances des consommateurs sont élevées dans une économie “ciel bleu” et les attentes des investisseurs sont élevées concernant les prochaines publications des entreprises. Le marché est donc généralement “cher” à ce moment-là, le moral est au beau fixe (en apparence). 

Nous observons d'ailleurs une corrélation entre la cherté du marché (mesuré ici avec le ratio PER du S&P 500) et le niveau de pessimisme ou d’optimisme : 

Sources : Yardeni & Université du Michigan

Et puis soudain, un nuage apparaît : un virus, une guerre, une récession, de l’inflation, des faillites d’entreprise. Et le marché se rend compte que le futur ne sera pas aussi radieux qu’espéré. Le marché n’est cependant pas plus risqué parce vous avez soudain pris conscience d’un risque. Le marché est toujours risqué, incertain et imprévisible. Les risques existaient déjà auparavant mais ils se matérialisent parfois et le marché en prend conscience, ce qui fait baisser les indices boursiers et les indices de confiance des consommateurs par la même occasion. J’aime à dire que “le risque réel est élevé lorsque le risque perçu est faible et le risque réel est faible lorsque le risque perçu est élevé”. Je crois que cette phrase résume bien ce que j’ai voulu montrer dans cet article. 

François Rochon, un autre gérant que j’admire, a dit dans sa lettre annuelle aux actionnaires de Giverny Capital en 2010 : “Si j’étais un stratégiste macro-économique et que je ne pouvais recevoir qu’une seule donnée économique par année pour tenter de prédire la Bourse à court ou moyen terme ce serait celle là ! C’est simpliste sans doute mais lorsque les consommateurs sont pessimistes, la Bourse est basse et les opportunités de s’enrichir sont nombreuses. Lorsqu’ils sont optimistes, la Bourse est élevée et une petite pause est probablement à venir.”. 

Vous ne serez pas récompensé différent du marché si vous agissez de concert avec la foule. Il faut vous distinguer, vous élever, et parfois être contrariant avec le plus grand nombre. Vous n’avez pas raison ou tort parce que les autres sont d’accord ou non avec vous. Vous avez raison quand votre raisonnement s’avère éventuellement juste. Dans le monde du placement boursier, le courage devient la vertu suprême après avoir en main suffisamment de jugement et de connaissance. Alors agissez en conséquence.