par Saikat Chatterjee et Saqib Iqbal Ahmed

LONDRES/NEW YORK, 28 décembre (Reuters) - L'appréciation du dollar, qui a fait de la devise américaine l'un des paris les plus rémunérateurs cette année pour les investisseurs, sera confrontée à de nombreux vents contraire en 2019.

L'indice du dollar, calculé en référence à un panier d'autres grandes devises, plafonne depuis un plus haut de dix-huit mois atteint à la mi-décembre au terme d'un rally spectaculaire amorcé à la mi-avril.

Une valorisation désormais élevée, l'essoufflement de Wall Street, le tarissement des rapatriements de trésoreries parquées à l'étranger par les grandes entreprises américaines et la possibilité que la Réserve fédérale (Fed) ne procède pas à autant de hausses de taux que prévu sont autant de facteurs susceptibles de peser sur le billet vert l'année prochaine.

La dernière enquête de Reuters auprès de stratèges sur le marché des changes montre qu'ils s'attendent d'ailleurs en moyenne à ce que la devise américaine termine l'année 2019 5% en dessous des niveaux auxquels elle l'aura débutée.

Les positions nettes à l'achat du billet vert des investisseurs sur les marchés dérivés sont pourtant proches de leur plus haut historiques.

L'enquête mensuelle de Bank of America Merrill Lynch auprès des investisseurs institutionnels montre d'ailleurs que la hausse du dollar est passé devant les valeurs technologiques les plus en vogue, réunies sous l'acronyme des FAANG (Facebook, Apple, Amazon, Netflix et Google), comme le pari le plus populaire du moment.

Mais les exemples récents ne manquent pas d'engouements aussi vifs que décevants, du bitcoin, aux valeurs technologiques sans oublier le dollar dont les investisseurs pariaient massivement sur la baisse à la fin 2017.

"En termes de positionnement, les conditions d'une forte progression du dollar ne sont pas réunies à moins d'un réel affaiblissement de la croissance dans le reste du monde et d'une économie américaine qui resterait vigoureuse", prévient Eugene Philalithis, gérant chez Fidelity International.

Pour ce qui est de l'économie américaine, les dernières données sur les créations d'emploi ou le marché immobilier résidentiel montrent qu'après dix ans de croissance ininterrompue, la reprise perd de son élan.

L'inversion de la courbe des taux constitue aussi un possible signal d'une entrée prochaine en récession.

Et si la Fed a une nouvelle fois relevé ses taux directeurs en décembre et annoncé qu'elle gardait le cap du resserrement monétaire bien qu'à un rythme un peu moins soutenu, les contrats à terme sur les taux courts peignent un tableau très différent, n'anticipant au mieux qu'une hausse de taux l'année prochaine voire aucune.

Le niveau de valorisation du dollar est aussi un obstacle à une nouvelle phase de hausse. Même avant le rallye amorcé en avril, la monnaie américaine était surévaluée par rapport à sa moyenne sur dix ans en termes de taux de change effectif réel (REER). Il se traite actuellement 12% au-dessus de cette moyenne de long terme.

D'autres devises comme la livre sterling et certaines grandes monnaies émergentes sont en revanche nettement sous-évaluées.

La livre turque ou le réal brésilien sont ainsi 20% environ en dessous de leur moyenne sur dix ans en termes de REER.

Si autant de facteurs plaident en faveur de la baisse du dollar, pourquoi les investisseurs continuent-ils à se positionner à la hausse?

La théorie du "sourire du dollar", élaborée par Stephen Jen, un ex-stratège de Morgan Stanley, peut donner une explication de ce paradoxe.

Selon cette théorie, le dollar s'apprécie dans les phases d'aversion au risque, comme celle que connaissent les marchés en ce moment, les investisseurs privilégiant les actifs sûrs et liquides. Il se déprécie ensuite avec l'affaiblissement de la croissance avant de s'apprécier à nouveau avec la reprise de l'économie.

Stephen Jen, qui est désormais le responsable des investissements du fonds spéculatif Eurizon SLJ, estime qu'être cash en dollar est le meilleur pari pour commencer l'année 2019.

Mais les nuages s'amoncellent aussi sur l'économie mondiale. Les investisseurs n'ont jamais été aussi pessimistes sur ses perspectives depuis la crise financière de 2008, selon l'enquête de BofA Merrill Lynch.

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(avec Sujata Rao, Marc Joanny pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)