Paris (AFP) -- Sept survivants ou familles de victimes d'une sanglante attaque jihadiste à Palma (Mozambique) en mars 2021 ont déposé plainte pour "homicide involontaire et non-assistance à personne en danger" contre TotalEnergies, qui menait alors un méga-projet gazier dans la région.

Le groupe pétrolier français, qui s'appelait encore Total à l'époque, est accusé d'une série de négligences et de ne pas avoir assuré la sécurité de ses sous-traitants, a expliqué à l'AFP Me Henri Thulliez, avocat des plaignants.

Ces derniers sont trois survivants et quatre ayants-droit de deux victimes. Ils sont de nationalités sud-africaine et britannique.

L'attaque de Palma, revendiquée par le groupe Etat islamique (EI), avait débuté le 24 mars 2021, duré plusieurs jours et fait un nombre encore indéterminé de victimes à ce jour dans la population locale et parmi les sous-traitants de TotalEnergies.

Maputo n'a fourni qu'un bilan d'une trentaine de victimes, mais selon un journaliste indépendant, Alexander Perry, qui a enquêté pendant cinq mois à Palma entre novembre 2022 et mars 2023, le bilan s'élève à 1.402 civils décédés ou disparus, dont 55 sous-traitants.

Plusieurs d'entre eux s'étaient réfugiés dans un hôtel à la sortie de la ville, l'Amarula Lodge, qui fut assiégé plusieurs jours par les jihadistes. Au moins sept personnes ont été tuées en tentant de s'enfuir en convoi.

Total menait alors un méga projet, Mozambique LNG, pour exploiter un énorme gisement de gaz naturel, et était implanté dans la péninsule d'Afungi, à une dizaine de km du centre de Palma.

L'attaque a entraîné la suspension de ce projet représentant un investissement total de 20 milliards de dollars. Le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, a récemment indiqué qu'il espérait le relancer avant la fin de l'année.

- 'Le danger était connu' -

Les plaignants accusent Total d'"avoir fait preuve de négligence en matière d'évaluation des risques, en contradiction avec les déclarations publiques à l'époque de Patrick Pouyanné qui avait assuré que la sécurité était la priorité de Total", a expliqué Me Thulliez.

La plainte s'appuie notamment sur deux rapports de sociétés de consulting en matière de risque, faits a posteriori, et qui ont mis en lumière l'absence de mesures de prévention.

"Le danger était pourtant connu, plusieurs villages avaient été attaqués avant l'attaque de Palma, et la menace jihadiste était réelle", souligne Me Thulliez.

En 2019, une entreprise concurrente de TotalEnergies, Exxonmobil, avait d'ailleurs renoncé à investir dans le projet et rapatrié son personnel.

Pour ce qui est de la "non-assistance en danger", Total est accusé d'avoir refusé de fournir du carburant à une société militaire privée sud-africaine, DAG, qui avait commencé à évacuer des gens de l'Amarula Lodge par hélicoptère. Elle a dû stopper les évacuations faute de carburant, indique Me Thulliez.

L'attaque minutieusement préparée sur Palma, ville portuaire de 75.000 habitants, a marqué une intensification majeure dans une guérilla lancée en 2017 par des groupes jihadistes, connus localement sous le nom d'al-Shabab.

Les combats ont fait depuis plusieurs milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés dans cette province de Cabo Delgado, pauvre mais riche en gaz naturel.

Depuis juillet 2021, des milliers de soldats du Rwanda et de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) ont été déployés pour soutenir l'armée mozambicaine, et ont depuis aidé à reprendre le contrôle d'une grande partie de Cabo Delgado.

Il s'agit de la deuxième plainte au pénal visant le géant pétrolier français en quelques jours. Le 2 octobre dernier, quatre associations de défense de l'environnement ont déposé plainte contre le groupe et son projet pétrolier EACOP en Tanzanie et en Ouganda pour "climaticide".

Le groupe est accusé d'atteintes involontaires à l'intégrité de la personne, destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui de nature à créer un danger pour les personnes, et homicide involontaire.

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October 10, 2023 02:49 ET (06:49 GMT)