Par Julien Marion et Valérie Venck,

Agefi-Dow Jones

PARIS (Agefi-Dow Jones)--En plein crise de gouvernance, Atos enchaîne les contre-performances boursières. Après avoir perdu 11% lundi en raison de spéculations sur un isolement de ses activités historiques de services informatiques au sein d'une entité juridique séparée, le cours de Bourse de l'entreprise de services numériques plonge de plus de 20% mardi matin en réaction à la confirmation de ce projet et à l'annonce du départ prochain de son directeur général, Rodolphe Belmer.

A 11h45, l'action Atos abandonnait 20,7% à 14,91 euros, accusant la plus forte baisse de l'indice SBF 120. Signe des difficultés accumulées par le groupe ces derniers mois, elle abandonne 60% depuis le début de l'année et 72% sur un an.

Atos a confirmé mardi compter se séparer en deux sociétés distinctes, une décision stratégique qui conduira au départ de son directeur général d'ici à la fin septembre. Alors que plusieurs médias évoquaient récemment des divergences stratégiques et des tensions entre le conseil d'administration et le directeur général d'Atos, Rodolphe Belmer a justifié son départ mardi par le fait que "la position de 'group CEO'" était vouée à devenir "superflue".

Lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes, il a jugé "normal" et "sain" qu'il y ait des débats au sein d'un conseil. Le conseil d'administration "a pris une décision, sa décision est souveraine, elle s'impose et le rôle du [directeur général] et de la société est d'exécuter" cette stratégie, a-t-il déclaré.

Rodolphe Belmer a pris les rênes d'Atos au début janvier et a annoncé en février une réorganisation destinée à améliorer les performances commerciales du groupe et à renouer avec la croissance du chiffre d'affaires. Cette réorganisation s'articulait autour de trois lignes de métier - Tech Foundations, Digital, Big Data et Sécurité - et de quatre régions pilotées par un centre d'excellence commerciale.

Introduction en Bourse d'Evidian d'ici à la fin 2023

Le projet de séparation en deux entités annoncé mardi prévoit le regroupement des activités historiques de gestion d'infrastructures de centre de données au sein d'un nouvel Atos et la création d'une nouvelle société, baptisée Evidian, qui rassemblerait les activités liées à la transformation numérique ainsi que celles de Big Data et Sécurité (BDS). Atos estime que sa scission pourrait être finalisée au second semestre 2023, avec une introduction en Bourse d'Evidian d'ici à la fin de cette même année.

Les actionnaires d'Atos conserveraient 70% du capital d'Evidian. Le produit de la mise sur le marché des 30% restants permettrait de financer les coûts de restructuration du périmètre restant d'Atos, évalués à 1,1 milliard d'euros, a indiqué Rodolphe Belmer. Au total, Atos évalue ses besoins de financement à environ 1,6 milliard d'euros pour la période 2022-2023, jusqu'à ce que la séparation soit effective.

La séparation d'Atos doit lui permettre "de se concentrer sur sa logique qui est de maximiser la génération de cash-flow" dans une activité en déclin, tandis qu'Evidian "pourra consacrer toutes ses ressources pour financer son développement et sa croissance pour rester en tête de course en termes d'innovation", a précisé le dirigeant.

Une projet de transformation ambitieux

Une transformation stratégique de cette ampleur constitue toutefois un projet ambitieux dans un contexte macroéconomique incertain, préviennent les analystes de la banque américaine Citi, qui relèvent l'importance du financement requis et les implications non financières de la restructuration. "Nous saluons l'ambition mais restons prudents", indiquent-ils, en conservant leur recommandation "neutre" et leur objectif de cours de 25 euros pour le titre.

De son côté, Grégory Ramirez, analyste chez Brian, Garnier & Co. estime que ce projet risque d'être "douloureux".

En effet, la marge opérationnelle du nouvel Atos, négative de 1,1% en 2021, ne redeviendrait positive qu'en 2025 avant de dépasser 5% en 2026. Cette nouvelle entité va mettre en place un plan de redressement, prévoyant une stabilité du chiffre d'affaires en 2025 et un retour à la croissance à partir de 2026. L'année dernière, le nouvel Atos a réalisé un chiffre d'affaires de 5,4 milliards d'euros, en recul organique de 12%.

Evidian vise pour sa part une croissance organique moyenne de 7% sur la période 2022-2026 et une marge opérationnelle de 12% en 2026. Les activités regroupées au sein de ce pôle ont réalisé en 2021 un chiffre d'affaires de 4,9 milliards d'euros, une croissance organique de 5% et une marge opérationnelle de 7,8%. Evidian compte investir 400 millions d'euros au cours des cinq prochaines années pour accélérer son développement.

Pour diriger ces deux nouvelles entités, Atos a nommé deux directeurs généraux délégués, Nourdine Bihmane et Philippe Oliva, qui prendront respectivement la tête du nouvel Atos et d'Evidian. Si Nourdine Bihman a occupé de nombreuses fonctions chez Atos au cours des 20 dernières années, Philippe Oliva a intégré la société en avril, au poste nouvellement créé de directeur commercial groupe. Il occupait auparavant les mêmes fonctions chez Eutelsat, l'opérateur de satellites que dirigeait Rodolphe Belmer jusqu'à la fin 2021.

Atos a par ailleurs annoncé des cessions d'actifs non essentiels, issus principalement du périmètre d'Evidian, d'un montant total de 700 millions d'euros. Atos a aussi annoncé mardi avoir cédé la totalité de sa participation dans Worldline. Cette sortie du capital de la société de paiements a engendré un produit net de 220 millions d'euros.

-Julien Marion et Valérie Venck, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: ECH

(Joshua Kirby, Dow Jones Newswires, a contribué à cet article)

Agefi-Dow Jones The financial newswire

(END) Dow Jones Newswires

June 14, 2022 06:03 ET (10:03 GMT)