Le ROIC, l'indicateur des dirigeants visionnaires

En 2019, un analyste questionnait le CFO de Nestlé au sujet de son intention d'intégrer davantage le ROIC dans les barèmes liés aux rémunérations des dirigeants de l'entreprise. Celui-ci répondit alors que le ROIC constituait effectivement une métrique appropriée pour le haut management sur le long terme. En 2022, c'est le fabricant suisse de produits laitiers Emmi qui introduisait cet indicateur de performance dans son cockpit managérial.

Mais alors, que signifie cet acronyme et pourquoi revêt-il autant d'importance aux yeux des dirigeants de sociétés ? Le ROIC est le rendement sur capital investi (return on invested capital en anglais) et correspond donc au profit opérationnel après impôts (net operating profit after tax, NOPAT) divisé par le capital investi (invested capital). Il mesure le rendement qu'une société génère avec l'argent investi, indépendamment de la structure du capital, permettant ainsi une comparaison efficace entre sociétés. Le numérateur, le NOPAT, correspond au bénéfice avant intérêts et impôts, ajusté d'éléments comptables. Le dénominateur, soit le capital investi, peut être vu comme les actifs déployés pour la génération du NOPAT. Ainsi, la complexité du ROIC se trouve dans les éléments considérés dans le capital investi. La priorité peut être mise sur certains de ses composants comme le besoin en fonds de roulement ou les dépenses d'investissement. De manière générale, le ROIC devra être supérieur au coût du capital afin de dégager de la valeur sur investissement.

Les secteurs champions du ROIC

L'analyse sectorielle illustrée ci-après indique quels sont les secteurs affichant les meilleurs taux de rendement sur les capitaux investis. Notons que pour des raisons de simplification, le coût du capital et les ajustements comptables n'ont pas été pris en compte.

Sources : BCGE, Bloomberg


En tête se trouvent l'informatique, la consommation discrétionnaire, la santé et la consommation de base. Ces secteurs possèdent des avantages compétitifs de long terme : des actifs immatériels différenciés, tels des marques soutenues par une clientèle fidèle, autorisant un fort pouvoir sur les prix et une marge brute élevée, ou des brevets, protégés et supportés par l'innovation. De nombreuses sociétés de ces secteurs détiennent des parts de marché dominantes qui les protègent des nouveaux concurrents ou opèrent dans des marchés oligopolistiques avec de fortes barrières à l'entrée. La qualité ayant son prix, nous constatons que les sociétés capables de générer un meilleur rendement sur leur capital investi sont valorisées par le marché à un multiple plus élevé, soit le rapport entre la valeur d'entreprise (EV) divisée par le capital investi (IC).

Sources : BCGE, Bloomberg


Pour un investisseur, le ROIC en tant qu'outil de valorisation permet d'identifier les sociétés sous-valorisées, situées en-dessous de la droite de régression, et qui pourraient réhausser leur ROIC et ainsi augmenter leur valorisation boursière. De l'autre côté du miroir, vouloir lier la rémunération et la contribution des dirigeants au ROIC est à présent bien compréhensible quand on considère la nature de leur rémunération.

Une aide pour décrypter la stratégie

Au-delà d'être un outil de sélection de valeurs boursières, le ROIC peut aussi aider à la compréhension de la stratégie d'une société et de ses avantages. En effet, deux parties composent le ROIC : d'une part, la marge opérationnelle comme mesure de profitabilité (ratio NOPAT/Sales) et d'autre part, le ratio de rotation des actifs comme efficience capitalistique (ratio Sales/Invested Capital).

Le premier élément, peut être vu comme un avantage du produit, le second comme un avantage de production. Cette décomposition permet d'analyser les vecteurs de valeur par industrie et individuellement par société.

Sources : BCGE, Bloomberg


Sur la droite du graphique, les industries disposent d'un avantage produit. Elles offrent des biens et services fortement margés à forte valeur ajoutée. On y retrouve par exemple le luxe, les semi-conducteurs, les boissons, la pharma et l'informatique. Certaines disposent également d'un avantage de production plus ou moins élevé, dû à un effet de taille ou à une situation dominante. Dans le quadrant inférieur gauche, les avantages stratégiques sont moindres : les produits ménagers sont peu différenciés et leur valeur perçue est moindre comparée à un sac à main de luxe. Ils sont de surcroît péjorés par une élasticité prix élevée : si leur prix augmente, les consommateurs s'en détourneront au profit de produits moins chers.

Bien plus qu'un simple indicateur

Mesurable et incitatif à l'accomplissement d'objectifs communs, le concept de ROIC permet de déceler les sociétés disposant d'avantages compétitifs différentiateurs. En outre, il fournit un cadre d'analyse et de sélection de valeurs tout en donnant un aperçu de l'orientation stratégique des entreprises. Enfin, c'est l'importance de la vision à long terme qui est primordiale, celle-ci permet d'allouer les ressources judicieusement pour permettre à la stratégie de fleurir. Les dirigeants visionnaires l'ont déjà compris, puisqu'ils instaurent des métriques de long terme comme le ROIC dans leur cockpit managérial.

Raphaël Membrez

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