Un héritage riche :

Cet héritage débute avec la création de Fougerolle en 1844, une entreprise familiale de travaux publics. Son créateur Philippe Fougerolle a participé à la finalisation du canal du Nivernais de 1822 à 1824, dont les travaux furent stoppés soixante ans plus tôt à cause de la Révolution Française. Son investissement dans la conception de ce canal l’incite à créer vingt ans plus tard son entreprise de travaux publics.

Parallèlement, se développe en 1863 la Fondation de Quillery, créée par le maçon éponyme, sur fond de modernisation de Paris chapeautée par le Baron Haussmann.

En 1924 est fondée la SAE (Société Auxiliaire d'Entreprises Électriques et de Travaux Publics) par Gino Valatelli.

Des nombreux ouvrages d’envergure sont le fruit de projets menés par ces entreprises. On peut notamment citer le port de Dakar (1927), le premier tronçon de l’A13 (1938), le terminal 1 de l’aéroport Paris-Charles-De-Gaulle (1974) ou encore le palais omnisports de Paris-Bercy (1984).

Site Web Eiffage

L’union en 1993 entre la SAE et Fougerolle donne naissance au Groupe Eiffage, et le rajout de la société Quillery six ans plus tard fait naître Eiffage Construction, spécialisé dans le BTP. Depuis, et avec le rachat de nombreuses entreprises, le Groupe s’est beaucoup développé et diversifié, acquérant du savoir-faire précieux dans de nouvelles activités. Parmi elles l'exploitation autoroutière (rachat APRR en 2005), le génie électrique, industriel et énergétique (Fusion Forclum - Norelec en 1999, Clemessy en 2009), la construction de routes, de rails, l’immobilier, la concession… La liste est longue. 

Le groupe Eiffage se divise aujourd'hui en 4 branches qui comprennent 8 corps de métiers :

  • Branche Construction qui comprend Eiffage Construction, Eiffage Immobilier et Eiffage Aménagement
  • Branche Infrastructure avec Eiffage Route, Eiffage Génie Civil et Eiffage Métal 
  • Branche Energie Systèmes avec Eiffage Energie Systèmes
  • Branche Concessions avec Eiffage Concessions et Concessions autoroutières en France

La direction est assurée depuis 2016 par Benoît de Ruffray. 

Le modèle d'affaires : 

Eiffage est un groupe unique qui génère ses revenus au travers de deux activités bien distinctes.

D’un côté, la partie contracting où Eiffage conçoit, construit et entretient des biens et ouvrages dans une optique de court et moyen terme. Parmi les projets notables on peut mentionner la rénovation de l’Hôtel Dieu à Lyon mais aussi la construction de la centrale solaire de Cestas (plus grande centrale solaire d’Europe) ou des bureaux Floresco à Saint-Mandé, qui accueillent actuellement les équipes de Ubisoft.

De l’autre côté, la partie Concessions oú Eiffage finance tout ou partie d’un projet, le réalise et l’exploite pour un nombre donné d'années en reversant une part du résultat d’exploitation à la collectivité mandataire ou à l'État. La branche Concessions est uniquement dédiée à ce type de projets. On peut notamment citer le Stade Pierre Mauroy à Lille dont le contrat se termine après 35 ans d’exploitation, ou bien le viaduc de Millau après 78 ans d’exploitation.

Viaduc de Millau, construit et exploité par le Groupe Eiffage

C’est de cette dernière activité qu’Eiffage tire la majeure partie de ses profits. Pour l’année 2019, la part des Concessions dans le résultat d’exploitation atteint presque 73 % avec une marge de près de 50 % du CA de cette branche, contre seulement 3,6 % de marge moyenne pour les trois autres branches.

Répartition de l’EBIT selon les branches. Source : Résultats annuels 2019 (Les valeurs sont exprimées en M€)

Cette proportion paraît impressionnante au vu de la répartition du CA total selon les branches. Il s’élevait à 18,143 Mds € en 2019.

Répartition du CA 2019 selon les branches. Source : Résultats annuels 2019 

L’activité du groupe se concentre à 95% en Europe (73.5% France, 21.5 % hors France) et 5% hors Europe.

Analyse Financière et concurrentielle: 

Pour cette analyse, nous allons d’abord faire un rappel capital ; à cause de la crise sanitaire et des multiples confinements en 2020, les activités du groupe Eiffage et de ses concurrents ont été fortement réduites, ce qui explique les chutes de résultats.

Eiffage est une entreprise solidement structurée avec une situation financière saine. Le chiffre d’affaires de l’entreprise augmente graduellement depuis 2018 (sauf 2020 évidemment) pour passer de 16,5 Mds € en 2018 à 18,2 Mds € en 2021 (+ 10,3 %). Cette hausse du chiffre d’affaires ne se traduit cependant pas en une hausse du résultat d’exploitation qui perd 2,3 % sur la période (1,857 Mds € en 2018, 1,814 Mds € en 2021).

La dette de l’entreprise est très stable depuis 2018 et stagne entre 10 Mds € et 11 Mds €. Ramenée à l’EBITDA, cette dette paraît élevée au regard de la concurrence mais reste tout de même raisonnable de par la nature des activités du Groupe Eiffage, et les analystes prévoient une baisse constante de ce ratio au fil des années.

Ce qui confère à Eiffage une finance saine est sa part d’activité dans les concessions. Ce type d’activité dégage une rentabilité élevée et des revenus fixes assurés pour plusieurs décennies. Cela permet à Eiffage de bénéficier de la meilleure marge opérationnelle parmi ses concurrents (entre 10 % et 11%), surpassant Vinci en 2020 qui fut très impacté à cause de ses exploitations d’aéroports. Cette marge opérationnelle devrait croître pour retrouver ses niveaux d’avant Covid en 2022.

Eiffage en bourse et perspectives d’avenir:

Aujourd’hui cotée à près de 90 €, l’action Eiffage s’est écroulée durant la crise sanitaire puisqu’elle est passée de 111€ à 58€, perdant près de 50% de sa valeur. Depuis, elle peine à retrouver ses niveaux précédant cette chute et ce malgré des résultats sensiblement équivalents à ceux de 2019.
Ces derniers mois, les analystes n’ont cessé de revoir à la hausse leurs prévisions de CA pour 2021, 2022 et 2023 et ont également émis des révisions positives concernant le BNA pour ces exercices. De plus, le Groupe Eiffage publie très fréquemment au-dessus des attentes des analystes.

Eiffage présente un ratio VE/EBITDA de 6,37, bien moindre que celui de Vinci et légèrement en dessous de sa moyenne sur 11 ans (6,9). Rappelons que ce ratio permet de mesurer la valorisation d’une entreprise (VE = capitalisation boursière + dette financière nette de trésorerie) par rapport au résultat opérationnel avant provisions et amortissements. Plus ce ratio est élevé, plus l’entreprise est bien valorisée, voire chère selon ses résultats et inversement.

Ce ratio nous paraît assez faible au vu des finances saines du groupe et des perspectives de croissance qui ne sont certes pas époustouflantes, mais qui sont bien réelles. Eiffage semble donc légèrement sous-valorisée, et cela se traduit par un PER à 12,5 inférieur à son PER moyen des treize dernières années (13,3).

Le consensus composé de 17 analyses est à l’achat avec un objectif de cours moyen fixé à 107.2€. 

A travers cette analyse nous observons qu'Eiffage présente donc des perspectives d’avenir plutôt sereines et que le groupe risque de connaître encore de belles années dans le paysage de la construction en France et en Europe.

L'auteur de l'article est actionnaire de l'entreprise à titre personnel.