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Les ventes de jeux vidéo et de consoles ont encore terminé l'année 2008 en forte croissance. Le marché américain a par exemple augmenté de 23% pour finir au-delà de 21 milliards de dollars. Lors des premiers remous de la crise financière, analystes et professionnels s'accordaient tous à dire que l'industrie du jeu vidéo était «recession-proof».  Effectivement, malgré sa courte histoire, l'industrie du jeu vidéo n'a jamais souffert lors d'une crise économique. L'évolution globale du marché sur fin 2008 semble confirmer cette tendance.

Malgré cela, nous assistons depuis quelques mois à des licenciements massifs, des fermetures de studios et des déclarations alarmistes sur la situation financière de certains éditeurs. THQ a ainsi annoncé le licenciement de 24% de ses effectifs, EA 11% ce qui inclut la fermeture de 12 studios, Ensemble Studios (développeur des célèbres Age of Empires) a fermé ses portes. La liste est longue. De nombreux licenciements sont mis sur le dos de cette bonne vieille crise, du besoin de se restructurer pour faire face à une baisse de consommation des ménages… Les cours de bourse des éditeurs se sont écroulés et peinent à se relever. On peut donc finalement se demander si cette industrie résiste si bien à la crise et ce que 2009 nous réserve.

La première donnée tangible est l'évolution globale des ventes de jeux. Elle fut très bonne sur 2008, y compris sur le dernier trimestre qui est une période clé pour notre industrie. Et rien ne semble pointer vers une baisse des ventes en global. Celles-ci sont tirées vers le haut par les consoles de Nintendo que sont la Wii et la DS et un essoufflement lié à la crise est possible étant donné que ce sont les consoles les plus «grand public», c'est-à-dire avec une audience qui n'est pas constituée de hardcore gamers. Le public Wii est considéré le plus à même de freiner sa consommation en jeux vidéo contrairement aux hardcore gamers qui eux ne ralentissent pas leur consommation dans ce genre de période. Le manque de «visibilité» sur l'attitude que vont avoir ces nouveaux joueurs crée une position attentiste de la part des éditeurs vis-à-vis du lancement de nouveaux projets ou la finalisation de certains. Moins de projets signifie moins de développeurs (ou de studios) donc des licenciements et des fermetures.

Evidemment, cet attentisme n'est pas la seule résultante du manque de visibilité sur la consommation d'une certaine tranche du public. Après tout, les ventes sont globalement en hausse, cela devrait rassurer. Il faut alors prendre en compte une donnée qui est très rarement mise en exergue en dehors de l'industrie. : il y a trop de jeux qui sortent (et particulièrement à Noël). Sur le dernier trimestre 2008, près de 1000 jeux étaient annoncés (certains finiront reportés mais peu). La place en rayon étant limitée, les éditeurs doivent se battre pour y placer leurs titres. Par conséquent, même si les chiffres macro sont bons, de nombreux éditeurs ont pris le bouillon lors des derniers mois. Les ventes sont de plus en plus concentrées sur le Top 10 et le fait qu'un éditeur doive payer sa production (de 5 à 10 euros l'unité selon la plateforme) que celle-ci se vende ou non fait que certains ont pas mal perdu pendant la période de Noël. Sur les plateformes next-gen, les problèmes sont encore décuplés par des budgets de développement exorbitants. 

Ce n'est pas un phénomène nouveau dans l'industrie et il n'a rien à voir avec la crise. C'est le cycle de vie des consoles qui veut cela et il semblerait que l'on ait du mal à tirer des leçons du passé. Mais avec une industrie plus grosse en valeur et en volume que lors du cycle précédent, les enjeux sont plus importants et les échecs encore plus retentissants.

L'impact de la crise financière se fait alors sentir. En effet, auparavant, les éditeurs (et non les studios) pouvaient généralement se refinancer assez aisément sur les marchés ou auprès des banques. Quand le robinet se ferme pour des raisons extérieures à notre industrie, cela complique le financement des projets à venir. Les éditeurs deviennent alors encore plus sélectifs, tuent des projets, en démarrent moins et cela accentue donc encore le fait que moins de développeurs sont nécessaires d'où à nouveau des licenciements et des fermetures de studio. Ainsi, là où il y a un an, trouver un développement pour un développeur sur la Nintendo DS était relativement aisé, cela est devenu le parcours du combattant aujourd'hui. Les éditeurs se réfugient sur quelques «valeurs sûres» du développement avec qui ils sont habitués à travailler. Même si une société comme Activision n'a pas de problèmes financiers, ses dirigeants préfèrent anticiper et donc suivre ce mouvement de sélection accrue des projets. Ils ont ainsi annoncé l'abandon (ou la vente à d'autres éditeurs) de projets pourtant bien avancés tels que le prochain Chroniques de Riddick, Brutal Legend et d'autres.

Donc 2009 devrait être une année difficile pour les studios de développement. Moins de besoin de la part de leurs clients potentiels, moins de clients accentue la compétition pour les quelques projets qui restent. Les premiers à tomber sont généralement les gros studios indépendants mono-projet, et à la recherche de leur prochain développement. En France, ceux-ci sont rares et on ne devrait pas voir d'hécatombe chez les principaux indépendants français (peut-être à une ou deux exceptions prêts). La situation chez les plus petits qui se spécialisaient dans la Wii ou la DS risque d'être un peu plus compliquée mais pas désespérée si ceux-ci savent tirer avantage de leur faible burn-rate. Pour les éditeurs de petite et moyenne taille, la situation risque de continuer à se tendre. Nombre d'entre eux avaient misé énormément sur la DS (faibles coûts de développement, gros marché) et se retrouvent dans une situation délicate maintenant que les chiffres de ventes par titre sont plus faibles. Nous retrouvons le phénomène Nintendo GBA où le marché a été tellement saturé de titres (dont beaucoup de mauvais) qu'actuellement, seul Nintendo et les produits avec des licences fortes mondialement peuvent s'en sortir.

2009 devrait donc voir moins de titres sortir mais cela pourrait s'avérer bénéfique pour tout le monde sur le moyen terme. Les ventes globales continueront certainement de croitre et si cette réduction du nombre de titres se confirme, la rentabilité de tous devrait s'améliorer.

- 17 Février 2009 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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