Après de longues années d’investissements, Poujoulat voit les planètes s’aligner cette année. Sa branche « bois » peine à répondre à la demande, alors que la branche « métal », après des années de restructuration et d’investissement produits, voit ses ventes portées aussi bien par la rénovation que le neuf dans le bâtiment. Même l’activité cheminées industrielles, en pertes ces dernières années, bénéficie de la reprise des investissements industriels en France et en Europe. Entretien.

Frédéric Coirier, les prix du bois et de l’énergie ont pris une place inédite dans l’actualité cette année. Quelles sont les conséquences pour votre Groupe ?

" La hausse de 30% de notre chiffre d’affaires semestriel à fin septembre s’explique en très grande majorité par un effet volume. Nous avions beaucoup stocké en 2020, ce qui nous a permis d’amortir l’impact de la hausse générale des matières premières, notamment de l’acier dont le prix a presque doublé. Nous avons commencé à revoir nos prix à la hausse au printemps, avec une accélération prévue en décembre. De telle sorte que sur 2021, nos prix auront augmenté de 10 à 15% en fonction des produits pour les conduits et de près l’ordre de 10% pour le bois énergie. Nos prix d’achat dans la branche bois énergie sont du même ordre, mais il faut les mettre en perspective : ils ne font que rattraper la baisse qui avait eu lieu en plein Covid et, par rapport à il y a 10 ans, les prix sont relativement stables. Il y a une déconnexion entre les prix des produits connexes de bois et le bois de construction, qui lui s’est envolé. L’énergie bois reste donc extrêmement compétitive. "

Périmètre d’activité du Groupe Poujoulat (source : rapport annuel 2020.21 )

Comment évoluent les réglementations et les aides gouvernementales dans votre secteur en France et ailleurs en Europe ?  

 "Nous évoluons en France et ailleurs en Europe dans un cadre législatif durablement favorable compte tenu des problématiques de prix d’énergie, d’indépendance énergétique et de décarbonation des bâtiments et des industries. Tous nos segments d’activité, dans toutes les zones géographiques où nous évoluons, sont bien orientés, avec une visibilité inédite à 18 mois. Dans la branche « métal », 80% de notre activité est réalisée dans la rénovation où les carnets de commandes sont pleins, alors que le neuf sera porté en 2022 par le fort rebond des permis de construire. Nous bénéficions de la hausse de 40% des investissements industriels en France et les industries énergivores vont devoir poursuivre ces efforts d’investissement compte tenu de prix de l’énergie qui rendent la biomasse très compétitive et des objectifs de décarbonation. Enfin, dans la rénovation des bâtiments, le gouvernement français n’en restera pas là. Pour ce qui est du bois énergie à proprement parler, après avoir fixé un objectif de remplacement de 50% des foyers ouverts par des inserts, une campagne de communication de l’Ademe sur la qualité des combustibles est annoncée. Il serait peu surprenant que des normes de qualité voient le jour sur le marché des combustibles."

Qu’apporte l’acquisition de 100% de la société Bois Bûche Centre Atlantique ?

" Cette société rachetée cet été et déjà bien intégrée au Groupe appartenait à l’ONF et à une famille. Elle compte une dizaine de salariés et produit aujourd'hui près de 30 000 stères de bois de chauffage à usage domestique pour un CA profitable de l’ordre 3M€. Exploitant forestier par ailleurs, BBCA complète l’approvisionnement en bois de notre usine voisine Bois-Factory 36, filiale d’Euro Energies. Notre capacité totale de production de bois bûche certifié s’élève ainsi à 400 000 stères d’ici 18 mois, contre 250 000 aujourd’hui.

Par ailleurs, dans la région Grand Est, nous avons mis en place un partenariat avec un scieur en prenant 25% de la coentreprise Lorraine Pellet. Ce projet, lancé il y a 18 mois, renforce nos approvisionnements et nos marques dans la région. Elle doit permettre d’atteindre une production de 75 000 tonnes de pellets à horizon 18 mois. "

Exemples de profondeur de gamme énergie bois chez Poujoulat (source : société)

Poujoulat a beaucoup investi lors de la dernière décennie, mais ses marges se sont effritées. Quel est le potentiel de marge opérationnelle pour chacune de vos trois activités ?

 " Nous n’avons pas fini d’investir. Nous pourrions vendre plus de 300 000 stères de bois bûches cette année si nos capacités de production le permettaient. Nous allons donc poursuivre cette année et les suivantes nos efforts d’investissement à hauteur d’une quinzaine de millions annuels. Pour ce qui est de la profitabilité, après un exercice 2020/2021 perturbé par la Covid, nous allons récolter les fruits de nos efforts de productivité et de la montée en charge de nos capacités de production. Les tensions inflationnistes et les délais d’approvisionnement allongés sont relativement bien gérés à ce jour grâce à la relation forte que nous avons entretenu historiquement avec nos fournisseurs. Aussi, que ce soit dans la branche « métal » ou dans la branche « bois », nos marges devraient fortement progresser sur l’exercice. Quant au potentiel de marge d’EBIT à moyen terme, nous devrions pouvoir approcher les 10% dans les deux branches."

Raphaël Girault est actionnaire de la société Poujoulat.