Un groupe d'investisseurs de la major pétrolière française TotalEnergies demande à l'entreprise de séparer les fonctions de directeur général et de président du conseil d'administration, ce qui, selon eux, pourrait accélérer sa désaffection pour les combustibles fossiles.

"La séparation des fonctions pourrait améliorer le dialogue avec le conseil d'administration [...] sur les questions de transition climatique et assurer un meilleur équilibre des pouvoirs à un moment où de nombreux investisseurs estiment que la stratégie de transition de TotalEnergies n'est pas assez ambitieuse", indique la résolution qui sera proposée à l'assemblée générale annuelle de la société le 24 mai.

La proposition a été présentée par 19 investisseurs internationaux détenant environ 20 millions d'actions TotalEnergies, ainsi que par le groupe d'investisseurs suisses Ethos Foundation et le Forum français pour l'investissement durable (FIR).

Cette initiative remet en cause la position dominante de Patrick Pouyanne, qui a occupé les fonctions de directeur général et de président de la cinquième compagnie pétrolière mondiale cotée en bourse pendant près de dix ans, menant une stratégie d'augmentation de la production de pétrole et de gaz tout en développant les énergies renouvelables.

M. Pouyanne est candidat à un nouveau mandat de trois ans lors de l'assemblée générale annuelle.

"En France, la gouvernance de l'entreprise relève légalement de la compétence du conseil d'administration... et il est probable que le conseil d'administration ne considère pas comme recevable une telle résolution", a déclaré un porte-parole de TotalEnergies.

Ces dernières années, les investisseurs soucieux du climat ont accru la pression sur les principales compagnies pétrolières et gazières du monde pour qu'elles réduisent leurs émissions de carbone et abandonnent la production de combustibles fossiles.

TotalEnergies n'envisage pas de réduction majeure des émissions de ses produits d'ici à 2030.

Lors de l'assemblée générale annuelle de l'année dernière, 30 % des investisseurs de TotalEnergies ont voté en faveur d'une réduction plus rapide des émissions, contre la recommandation de l'entreprise.

"Nous avons vraiment l'impression que ces investisseurs n'ont pas été entendus par le conseil d'administration", a déclaré Vincent Kaufmann, directeur d'Ethos Fund.

"Il y avait une question sur l'opportunité de voter contre le renouvellement du mandat de M. Pouyanne, mais nous voulions que ce soit constructif et non pas une attaque frontale, c'est pourquoi il s'agit d'un sondage consultatif sur ce que devrait être le meilleur modèle de gouvernance", a ajouté M. Kaufmann.

Quatorze sociétés cotées à l'indice français CAC 40 ont scindé les rôles de président et de directeur général depuis 2016, tandis que 12 ont toujours un seul PDG/président.

Le président du conseil d'administration a le pouvoir de fixer l'ordre du jour et de filtrer les demandes des investisseurs, indique la résolution, ajoutant qu'en 2022, le conseil d'administration dirigé par M. Pouyanne a refusé de soumettre au vote une résolution relative au changement climatique sur un point technique qui a fait l'objet de nombreux débats.

Selon les règles de TotalEnergies, l'administrateur indépendant principal, qui est censé identifier les conflits d'intérêts et faire contrepoids à la double position de Pouyanne, peut être révoqué à tout moment par un vote du conseil d'administration.

Jacques Aschenbroich, administrateur indépendant principal de TotalEnergies, a défendu le mois dernier le double rôle de direction de Pouyanne comme étant "le plus approprié pour faire face aux défis et aux spécificités du secteur de l'énergie" en raison de "l'unité de commandement" qu'il procure à Pouyanne dans les négociations avec les pays et d'autres entreprises.