Washington (awp/afp) - Face au rebond de l'inflation, plus question d'entamer bientôt la baisse des taux: la Réserve fédérale américaine (Fed) devrait les maintenir mercredi à leur niveau actuel, et avertir de nouveau qu'ils pourraient rester élevés plus longtemps que prévu.

L'inflation semblait sur la bonne trajectoire pour rejoindre progressivement son objectif de 2%. Mais depuis janvier, elle est repartie à la hausse.

Par conséquent, la baisse des taux tant attendue est repoussée, et ne devrait pas avoir lieu avant septembre, anticipent désormais les analystes et acteurs du marché.

La Fed maintient "sa position, comme si elle faisait une pose de yoga. Ils doivent maintenir les taux, au moins au niveau actuel, à mon avis, ou ils risquent une reprise de l'inflation", a commenté mercredi Nela Richardson, cheffe économiste de la firme de conseil aux entreprises ADP, lors d'une conférence téléphonique après la publication des chiffres de l'emploi privé.

La réunion du comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed a débuté mardi matin et repris mercredi "à 09H00 (13H00 GMT) comme prévu", a précisé à l'AFP un porte-parole de la Fed s'achèvera mercredi à la mi-journée.

Le comité annoncera ses décisions et intentions dans un communiqué publié à 14H00 (18H00 GMT), et Jerome Powell tiendra une conférence de presse trente minutes plus tard.

La banque centrale américaine devrait maintenir ses taux inchangés, au plus haut depuis plus de vingt ans, entre 5,25 et 5,50%, fourchette dans laquelle ils se trouvent depuis juillet.

Cela a pour effet de maintenir à un niveau élevé les taux d'intérêts des prêts immobiliers, cartes de crédit, prêts pour acheter une voiture... afin d'empêcher les prix de continuer à flamber.

"Besoin de plusieurs mois de bonnes nouvelles"

Les marchés étaient pourtant, il y a peu, pleins d'espoir de voir les taux commencer à baisser en juin. Ils misent désormais plutôt sur septembre, ou même novembre, selon l'estimation de CME Group.

"La Fed aura besoin de plusieurs mois de bonnes nouvelles en matière de croissance des salaires et d'inflation", note Nancy Vanden Houten, économiste pour Oxford Economics.

L'inflation s'est élevée en mars à 2,7% sur un an, selon l'indice PCE privilégié par la Fed - celui qu'elle souhaite ramener à 2% -, et à 3,5% selon l'indice CPI.

Ce rebond montre une situation opposée à celle de l'Europe, où le net ralentissement de l'inflation conduit la Banque centrale européenne (BCE) à envisager une baisse des taux dès juin.

Le marché de l'emploi aussi reste trop tendu au goût de la Fed. Les chiffres officiels d'avril seront publiés vendredi, mais les entreprises du seul secteur privé ont créé 192.000 emplois en avril, selon l'enquête mensuelle ADP/Stanford Lab publiée mercredi. Moins qu'en mars, mais plus que prévu.

"La tendance est à un meilleur équilibre (du marché du travail) (...), mais nous ne pouvons pas nous attendre à ce que chaque mois reflète cet équilibre", a encore souligné Nela Richardson.

Pour enfoncer le clou, l'indice du coût de l'emploi s'était montré au premier trimestre bien plus élevé qu'attendu, "suggérant que la décélération des salaires s'est arrêtée, au moins temporairement", relève Krishna Guha, économiste pour Evercore, société de conseil en investissements.

Cession d'actifs

Pas de baisse des taux prochaine, donc. Faut-il pour autant craindre une nouvelle hausse? Jerome Powell "n'exclura pas (cette) possibilité", selon Krishna Guha.

En l'absence d'évolution des taux, et de mise à jour des prévisions économiques, tous les regards seront tournés mercredi vers le bilan de la Fed. Jerome Powell avait indiqué fin mars que la Fed allait "très bientôt" commencer à réduire moins vite le volume de ses actifs.

Cela marque un début d'assouplissement, puisque ces cessions de titres, qui ont réduit le portefeuille de la Fed de 1.500 milliards de dollars, ont été un autre outil de resserrement de la politique monétaire.

Nancy Vanden Houten s'attend à ce que la Fed annonce mercredi "qu'elle commencera" le mouvement "plus tard ce trimestre".

"A partir de juin, nous anticipons que la Fed réduira de moitié le volume des bons du Trésor qu'elle retire chaque mois de son bilan, pour le ramener à 30 milliards de dollars", détaille-t-elle.

Et l'élection présidentielle de novembre sera également dans les esprits, bien que la Fed soit indépendante du pouvoir politique. Le scrutin, qui verra s'affronter le président démocrate Joe Biden, et son prédécesseur républicain Donald Trump, se tiendra la veille de la réunion de la Fed.

afp/rp