Zurich (awp) - Créant la surprise, la Banque nationale suisse (BNS) a lancé la ronde des assouplissements monétaires tant attendus par les marchés. Déclarant victoire dans sa lutte contre l'inflation et devançant notamment la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE), l'institut d'émission helvétique a abaissé son taux directeur d'un quart de point de pourcentage à 1,5%.

La décision "tient compte de l'atténuation de la pression inflationniste et de l'appréciation du franc en termes réels enregistrée l'année écoulée", a souligné jeudi la banque centrale helvétique, estimant que "la lutte contre l'inflation au cours des cinq derniers semestres a été efficace". Cet abaissement du taux directeur "soutient la croissance", a ajouté la BNS, insistant qu'elle "reste par ailleurs disposée à être active au besoin sur le marché des changes".

L'objectif n'était pas de devancer d'autres instituts monétaires, mais de prendre une décision au "bon moment" pour la Suisse, a relevé devant la presse réunie à Zurich le président sortant de la BNS, Thomas Jordan. Il s'agit d'assurer les "conditions monétaires adéquates", a assuré le Biennois qui quittera la banque centrale helvétique à fin septembre, alors que depuis juin 2023 les prix à la consommation n'ont cessé de reculer en Suisse, ceux-ci s'inscrivant désormais largement dans l'objectif de stabilité de 0% à 2% défendu par la BNS.

Reculant en Suisse de 1,7% en décembre à 1,3% en janvier et 1,2% en février, le renchérissement est nettement inférieur aux 2,6% et 3,2% affichés en février respectivement dans la zone euro et aux Etats-Unis. Après cinq resserrements monétaires opérés dès juin 2022, qui ont vu le taux directeur de la BNS passer de -0,75% à +1,75% en juin 2023, la BNS avait opté fin septembre dernier pour un premier statu quo monétaire, réitéré en décembre.

Vers une hausse modérée de la croissance

Et en matière de prix, la BNS envisage l'avenir dans l'optimisme. Attendue jusqu'alors par la BNS à 1,9% cette année, l'inflation devrait refluer à 1,4%, le ralentissement du renchérissement de certaines catégories de biens s'étant révélé plus marqué que prévu. Pour 2025, l'institut d'émission anticipe un taux de 1,2%, contre 1,6% lors de son dernier examen de la situation économique et monétaire.

Mais la BNS n'en baisse pas pour autant la garde et continuera de surveiller de près l'évolution des prix, "l'incertitude demeurant relativement forte", a averti Thomas Jordan. L'institut se veut aussi relativement optimiste pour la croissance économique helvétique, compte tenu d'une faible demande extérieure et de la vigueur du franc, tablant sur une hausse du produit intérieur brut (PIB) d'environ 1% en 2024, contre une fourchette de 0,5% à 1,0% auparavant.

Surpris dans leur majorité, les économistes reconnaissent quant à eux une certaine logique à la démarche de la BNS. Dans son évaluation, l'institut d'émission a accordé plus de poids aux faibles chiffres de l'inflation qu'aux raisons d'attendre, observe chez UBS Alessandro Bee. Un pas que les experts attribuent aussi à l'appréciation réelle du franc. La situation difficile du secteur suisse des exportations a constitué un argument supplémentaire en faveur de la baisse des taux d'intérêt et d'un franc suisse plus faible à l'avenir, écrit ainsi Karsten Junius, chez Safra Sarasin.

Le pas franchi par la BNS n'a pas tardé à produire ses premiers effets sur la devise helvétique, celle-ci fléchissant nettement face au dollar et à l'euro. Vers 12h40, la monnaie unique s'appréciait de 0,6% à 0,9742 franc, soit le niveau de juillet 2023, et le billet vert de 0,7% à 0,893 franc, au plus haut depuis le début de l'année.

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