En septembre, elle s'est retrouvée parmi les plus de 2000 victimes "inexpérimentées" spoliées par la plateforme, selon la police. "Beaucoup de mes camarades de classe et amis ont investi à fond" dans ces actifs, a indiqué à des journalistes Jenny - un nom d'emprunt - qui a perdu une somme à "six chiffres" en dollars de Hong Kong (100'000 dollars de Hong Kong équivalent à environ 11'500 francs suisses). "Nous n'avions jamais pensé que ce serait une arnaque", a-t-elle affirmé.

Le scandale JPEX a débouché sur 11 arrestations dans la ville cette semaine pour "complot en vue de fraude", avec des pertes pour les victimes dépassant 165 millions d'euros. La chute de JPEX vient entacher l'adoption par Hong Kong des actifs numériques, en révélant des lacunes juridiques trois mois seulement après l'entrée en vigueur d'une réglementation imposant aux Bourses crypto d'obtenir une licence et de respecter les normes de protection des investisseurs.

Le gendarme boursier local (SFC) a averti la semaine dernière que la plateforme prétendait à tort avoir une licence et présentait des caractéristiques suspectes, telles que des rendements mirobolants. La police a mené lundi des perquisitions dans 20 lieux, dont des entreprises et des domiciles privés, saisissant de l'argent liquide, du matériel informatique et des sacs à main de luxe.

Les enquêteurs se penchent sur les liens de JPEX avec des influenceurs et des boutiques de crypto-actifs, qu'ils soupçonnent de collusion pour gonfler la valeur des actifs et tromper les clients sur le statut légal de la Bourse. "Les victimes avaient souvent peur de rater une bonne occasion et croyaient impulsivement aux publicités", a déclaré l'inspecteur de police Kung Hing-fun, qualifiant l'ampleur de la fraude de "choquante". JPEX - dont le siège est à Dubaï selon son site internet - a qualifié ces mesures d'"injustes" et de "biaisées". La Bourse n'a pas répondu aux multiples sollicitations de l'AFP.

"Acteurs voyous"

Le commerce des cryptomonnaies est interdit en Chine. Mais Hong Kong, qui dispose de sa propre réglementation financière, a reçu le feu vert de Pékin pour devenir une plaque tournante d'échanges d'actifs numériques. Les régulateurs américains ont, eux, sévi sur le secteur après l'implosion de la Bourse crypto FTX l'année dernière, qui a fait perdre des milliards de dollars aux investisseurs et déclenché une crise de confiance dans ces actifs.

Pour Kristi Swartz, avocate spécialiste des fintechs au cabinet DLA Piper, Hong Kong est confrontée à un exercice d'équilibre difficile car elle veut attirer des entreprises du secteur des crypto tout en installant des garde-fous pour protéger les investisseurs. Le système de licences, adopté en juin, cible les Bourses mais exclut les courtiers en crypto-actifs qui disposent de magasins physiques, une "lacune", selon l'avocate.

Les régulateurs ont "peut-être été un peu durs" avec JPEX, estime-t-elle, "mais je pense que c'est le bon message". "C'est un domaine où il y a beaucoup d'acteurs voyous." Certains courtiers s'allient à des influenceurs pour attirer les clients en promettant des gains rapides et organisent des sessions de formation où les clients potentiels, comme Jenny, sont soumis à de fortes pressions pour investir.

"Signal d'alarme"

Il est temps "de renforcer et d'étendre notre régime de licence et de supervision aux magasins de courtage de cryptomonnaies", au vu du marketing "agressif" de ces boutiques, a indiqué à l'AFP, Clara Chiu, ex-responsable des licences du SFC.

Le scandale "pourrait être un signal d'alarme" pour les autorités, estime Carlton Lai, responsable de la recherche sur la blockchain et les cryptomonnaies chez Daiwa Capital Markets. Davantage de réglementation est nécessaire, notamment pour éviter le blanchiment d'argent, mais il sera difficile de réguler les influenceurs, note-t-il.

Malgré ses problèmes, JPEX a dévoilé mercredi un "plan de dividendes" qui permet à ses utilisateurs de voter, et d'investir, dans l'avenir de l'entreprise. "Même face à une telle oppression et à ce traitement injuste, notre plateforme continuera à fonctionner comme d'habitude", annonce-t-elle sur son site.

afp/al