Bernard Chapon, comment avez-vous vécu ces six derniers mois inédits pour la filière bois énergie ?

" Dans un contexte de croissance régulière de la demande de granulés, le contexte géopolitique qui a privé une grande partie de l’Europe de l’importation de la Russie, de la Biélorussie et de l’Ukraine s’est traduit par une crise de l’offre et une envolée des prix. En effet, l’équilibre entre l’offre et la demande en France repose sur la capacité d’importation de certains acteurs français qui se sont retrouvés cette année en difficulté pour servir leurs clients, certains ayant même cherché à se sourcer auprès de nous. De notre côté, nous avons continué de produire en continu en fonction des capacités de fourniture de connexes de bois de la part de nos scieries partenaires et en fonction de nos capacités de stockage très importantes. Un phénomène comparable s’étant produit au niveau de notre approvisionnement en matières premières, avec des prix multipliés par deux depuis un an, nous avons choisi d’augmenter progressivement nos prix. Nous l’avons fait en août et en octobre pour une hausse totale de moins de 20%, et le 1er janvier à hauteur de 8%. Pour autant, à 5.30 € TTC le sac de 15kg départ d’usine aujourd’hui, nous restons sans doute l’acteur le moins cher de France par rapport à des prix actuels autour de 8/9€, contre 14/15€ il y a quelques mois. C’est notre déontologie et la pérennité de la filière qui était en jeu. Nous le savons d’autant plus que nous sommes par ailleurs importateur/installateur d’équipements."

Comment voyez-vous la suite en termes de demande et de prix des granulés ? Avez-vous noté une baisse de la demande d’appareils de chauffage ces derniers mois ?

" C’est difficile à dire compte tenu des circonstances géopolitiques. Les tarifs de marché pourraient se stabiliser sur les niveaux actuels compte tenu de la hausse des coûts des intrants, que ce soient les produits connexes issus de la 1ere transformation du bois qui constituent notre matière première ou les coûts d’énergie et de transport qui entrent dans le prix de revient. Cela restera à confirmer à l’approche de la prochaine saison hivernale. Chez Cogra, nous ne prévoyons pas de nouvelle hausse avant l’automne. Concernant les appareils de chauffe (poêles et chaudières), après avoir senti une légère déstabilisation fin 2022, la demande est redevenue soutenue et nos plannings de pose sont pleins jusqu’à la fin de l’année 2023."

Avec 200 000 tonnes de capacité de production annuelle, Cogra est un des tous premiers producteurs français de granulés de bois (source : Cogra)

Quelles sont les capacités de production et de stockage de Cogra ? Comment gérez-vous le risque d’approvisionnement en matières premières ?

" Notre 3e usine, mise en route au 1er trimestre 2021, monte progressivement en puissance en fonction des capacités d’approvisionnement, avec un potentiel de production annuel de 200 000 tonnes au total pour le Groupe auquel il convient d’ajouter notre capacité de stockage de près de 45 000 tonnes. L’approvisionnement en sciures et copeaux de bois est directement lié à l’activité de notre quarantaine de scieries partenaires, certaines étant présentes au capital de Cogra. Notre capacité à les libérer tous les jours de leurs produits connexes au prix du marché est notre meilleure garantie de continuité d’approvisionnement. La matière première dans le respect de la sylviculture française, c’est à dire l’exploitation rationnelle de la forêt, est plus que jamais le nerf de la guerre sur notre marché : cela doit être pris en compte pour envisager la construction de nouvelles capacités de production de granulés en France. "

Comment comptez-vous croitre dans les prochaines années ?

" Nous allons poursuivre la montée en puissance de notre dernière usine en nous appuyons sur des fournisseurs dont nous veillons à la pérennité économique et environnementale. Nous maintenons une veille active sur les sites de production qui pourraient être à reprendre. Sur la vente et l’installation d’équipements, nous sommes freinés par la pénurie de main d’œuvre. Dans ce contexte, nous cherchons en permanence à adapter nos opérations pour renforcer nos activités. "

Compte de résultat semestriel de Cogra (source : CP Cogra du 13/2/23)

Vous avez publié de très bons résultats semestriels. Pouvons-nous tabler sur des résultats similaires au second semestre ?

" Selon les aléas climatiques au printemps, se rapprocher de 50 M€ de chiffre d’affaires est envisageable. Le plus important pour nous sera surtout de sécuriser notre fonctionnement et nos niveaux de résultat. Nous visons un niveau d’EBITDA annuel supérieur à 15%, niveau que nous devrions pouvoir pérenniser compte tenu de l’avance tarifaire accumulée et de contrats d’électricité qui nous garantissent, au minimum pour cette année, un maintien de ce poste de charges autour de 7/8% du prix de revient. Enfin, la vente au comptoir partout où nous sommes implantés destinée aux particuliers avec cette année la mise en place de réservation en ligne pour enlèvement sur sites est un facteur de soutien à notre marge brute. "

Cogra devrait afficher à la fin de l’exercice un bilan quasi désendetté. L’heure est-elle venue de verser un dividende ?

" Notre priorité reste de défendre notre modèle de développement rentable tout en maintenant notre outil à un niveau constant, ce qui nécessite 700 à 800 K€ d’investissement annuel. Nous réfléchissons à verser un dividende, mais ce ne sera probablement pas pour cette année car nous restons circonspects et souhaitons nous tenir prêt à saisir toute opportunité qui se présenterait. "

Actionnariat au 31/12/2022 (source : société)

L'Auteur est actionnaire de la société à titre personnel.