Vue sous un prisme positif, la première manière revient à saluer l’excellente capacité de Daimler Trucks à augmenter ses prix. Les volumes écoulés sont quasi inchangés — 526 053 véhicules vendus en 2023, contre 520 291 l’année précédente — mais le chiffre d’affaires bondit de 10%. 

Comme son ancien parent Mercedes-Benz, discuté la semaine dernière dans cette rubrique, Daimler Trucks joue de son échelle industrielle, de la qualité de sa franchise et de la montée en gamme de son catalogue pour exercer un réel pricing power.  

Cette réussite est d’autant plus notable que le constructeur eut à affronter un effet de change défavorable en 2023, causé par l’affaiblissement du dollar face à l’euro, ainsi qu’une pression inflationniste sur tous les segments de sa chaîne d’apprivoisements—qu'il est parvenu à juguler.

Vue sous un prisme moins positif, la seconde manière revient à souligner que le management anticipe un ralentissement des ventes en 2024, avec une baisse des volumes comprise entre 3% et 7%. Il indique cependant projeter un chiffre d’affaires et un profil de marges constant ; de nouvelles hausses de prix sont donc à prévoir. 

A ce titre, le cash-flow libre issu des activités manufacturières sera sans doute plus élevé l’année prochaine grâce aux réductions du besoin en fonds de roulement. Comme Mercedes-Benz — qui détient toujours un tiers du capital de Daimler Trucks — rappelons toutefois que c’est surtout via ses activités de crédit que le constructeur gagne réellement de l’argent. 

Avec un portefeuille d’emprunteurs commerciaux principalement actifs dans les activités de logistique et très exposés à la conjoncture, ce modèle rend les résultats forcément très vulnérables à un retournement de cycle. C'est bien entendu ce qui a pesé sur sa valorisation tout au long de l'année écoulée.

Cela étant dit, la performance financière est en l’état satisfaisante, en tout cas très supérieure à celle d’un comparable direct comme Traton — séparé de Volkswagen deux ans avant que Daimler Trucks ne soit séparé de Mercedes-Benz. Malgré les craintes de récession et les anticipations du management, il n’y a eu aucun signe de ralentissement en 2023.

Au contraire : les commandes ont atteint un pic, les inventaires ont tourné à un niveau record, et le cycle de conversion en cash n’a jamais été aussi court.

Suite à ces développements, et là encore à l’instar de ce que fait son parent, Daimler Trucks entend augmenter son dividende. Celui-ci passerait de €1.30 à €1.90 par action, mais resterait très bien couvert. En parallèle, le constructeur poursuit son programme de rachats d’actions, déjà entamé à hauteur d’un quart à des niveaux de valorisation moyens qui oscillent autour de huit ou neuf fois les profits. 

Suite au bond de l’action vendredi, la capitalisation boursière du moment repasse au-dessus du seuil de dix fois les profits, en plus d’assurer un rendement sur dividende pro forma de 4.2% — si l’augmentation du dividende est approuvée lors de la prochaine assemblée générale. 

Les investisseurs tentés d’entrer à ce cours devront garder à l’esprit que le cycle de renouvellement d’équipements est possiblement arrivé à un pic. Les plus optimistes d’entre eux rappelleront néanmoins que l’on murmure cela depuis des années, et qu’entre-temps Daimler Trucks a déjà doublé son profit par action.