La recharge électrique est une industrie encore en chantier, mais stratégique dans le cadre de la transition énergétique en cours. L'offre n'est plus balbutiante comme c'était le cas quelques années en arrière, mais l'écosystème n'est pas encore stabilisé. Il se divise entre les gros acteurs historiques, des outsiders déjà bien structurés et des jeunes pousses dont le taux de mortalité est assez élevé. Le marché, lui, existe : la courbe de pénétration du véhicule électrique est amenée à croître plus vite que celle des bornes de recharge, ce qui est à la fois un problème d'infrastructure majeur et une source d'opportunités. Tesla l'avait, une fois de plus, compris avant les autres, comme l'illustre l'actualité récente : General Motors et Ford vont payer leur rival pour permettre à leurs véhicules d'accéder à réseau de "superchargeurs" du Californien.

Une borne Kempower
Une borne Kempower (Source Société)

Dans cet univers aux frontières encore floues, Kempower fait partie des outsiders déjà bien en place, capables de fabriquer et de fournir des équipements et des solutions de recharge rapide pour véhicules électriques. L'offre de la société va de la traditionnelle borne pour véhicule particulier aux chargeurs pour utilitaires et même jusqu'aux marchés en devenir de ce qui ne roule pas, comme le navire électrique. Elle comprend aussi une couche logicielle, la maintenance et la gestion de l'énergie. En revanche, Kempower n'est ni installateur, ni opérateur du système. Les pays nordiques constituent naturellement le premier terrain de jeu de l'entreprise, qui profite ainsi de l'avance prise par la région en matière de décarbonation. Comme nombre de ses compatriotes, Kempower a privilégié l'expansion locale de ses capacités de production autour de son siège de Lahti.

Focus sur la recharge rapide

Le groupe se concentre sur les bornes de recharge rapide à courant continu (DC), c’est-à-dire proposant a minima 50 kW de puissance. Les utilisateurs de véhicules électriques le savent bien, la charge rapide c'est l'avenir. En tout cas en dehors du domicile ou du lieu de travail. La société estime que le nombre de bornes DC devrait progresser en moyenne de 26% par an jusqu'à 2030, pour passer de 234 000 à environ 1,6 million en Europe et aux Etats-Unis. Cette expansion s'appuiera sur le réseau pour véhicules particuliers, mais plus encore sur l'essor des flottes de bus et de véhicules de fret. A titre illustratif, Kempower équipe depuis l'été dernier le plus gros dépôt de bus électriques de Scandinavie, capable de recharger 121 véhicules. L'implantation aux Etats-Unis, prometteuse, est un puissant relais de croissance.

Ambitions
Objectif : être parmi les 5 principaux acteurs du secteur sur certains marchés et certaines zones géographiques en 2030 (Source CMD 2023 Kempower)

Compte tenu d'une histoire relativement récente, le recul sur les performances financières est limité. Pour autant, la société a franchi le cap de la rentabilité au niveau du résultat d'exploitation dès 2021, avant d'améliorer ses performances l'année dernière en signant un premier bénéfice net de 3,6 M€, sur un chiffre d'affaires de 104 M€. Une performance d'autant plus solide que la période était encore marquée par des pénuries de composants. Kempower consomme toujours des liquidités, ce que nous enseigne un free cash-flow négatif. Mais la situation devrait changer dès 2025, date à laquelle la génération de trésorerie devrait commencer à être confortablement positive. A plus court terme, les ventes devraient s'établir cette année entre 240 et 270 M€, pour une marge opérationnelle située entre 5 et 10%. Les objectifs ont été relevés en avril dernier, après un solide début d'année.

Kempower prévoit de quintupler ses revenus entre 2022 et 2025, ce qui permettra au FCF de passer en territoire positif (Design Zonebourse)

Le Finlandais pense être en mesure de dégager 750 M€ de chiffre d'affaires par an au plus tôt en 2026 et au plus tard en 2028, tout en visant 10 à 15% de marge opérationnelle. Cela ramènerait probablement le multiple de bénéfices (PER) dans la région 20 à 25 fois, contre des niveaux stratosphériques actuellement. La qualité du modèle économique, renforcée par l'adossement au groupe familial Kemppi, n'a en effet pas échappé aux investisseurs, qui aiment ce genre de petit industriel bien géré. Si le groupe suit le plan de développement qu'il s'est tracé, il est peut-être encore temps de prendre le train en marche, en gardant à l'esprit que le secteur reste en construction.