Evidemment, invoquer Microsoft dans une rubrique sur l'innovation numérique peut paraître au mieux un peu osé, au pire incongru. Avec sa casquette d'ancêtre du secteur, le groupe de Redmond semble vivre dans l'indifférente opulence de la rente héritée de sa mainmise sur l'informatique et la bureautique mondiales depuis plusieurs décennies. Mais ce serait oublier un peu vite qu'il faut disposer d'une capacité d'adaptation considérable pour tenir à distance une concurrence féroce. D'ailleurs, si Microsoft nous intéresse aujourd'hui, c'est parce que l'entreprise est au cœur du virage vers l'intelligence artificielle que l'Humanité semble vouée à prendre.

Sécuriser l'accès à une technologie de rupture

Microsoft, c'est un peu plus de 2000 milliards de dollars de capitalisation boursière et l'équivalent du PIB de la Slovénie en bénéfice net annuel. Une vraie machine à générer des liquidités, dont le modèle économique est bien connu mais qui cherche à se diversifier.

Période Fiscale : Juni 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026
Chiffre d'affaires 1 125 843 143 015 168 088 198 270 211 915 244 824 280 491 322 517
EBITDA 1 54 641 65 755 81 602 97 843 103 555 130 517 146 849 170 940
Résultat d'exploitation (EBIT) 1 42 959 52 959 69 916 83 383 89 694 109 039 122 564 142 399
Marge d'exploitation 34,14 % 37,03 % 41,59 % 42,06 % 42,33 % 44,54 % 43,7 % 44,15 %
Résultat Avt. Impôt (EBT) 1 43 688 53 036 71 102 83 716 89 311 107 219 121 219 141 389
Résultat net 1 39 240 44 281 61 271 72 738 72 361 88 131 99 255 115 651
Marge nette 31,18 % 30,96 % 36,45 % 36,69 % 34,15 % 36 % 35,39 % 35,86 %
BNA 2 5,060 5,760 8,050 9,650 9,680 11,81 13,37 15,68
Free Cash Flow 1 38 260 45 234 56 118 65 149 59 475 69 963 80 536 96 521
Marge FCF 30,4 % 31,63 % 33,39 % 32,86 % 28,07 % 28,58 % 28,71 % 29,93 %
FCF Conversion (EBITDA) 70,02 % 68,79 % 68,77 % 66,59 % 57,43 % 53,6 % 54,84 % 56,46 %
FCF Conversion (Résultat net) 97,5 % 102,15 % 91,59 % 89,57 % 82,19 % 79,39 % 81,14 % 83,46 %
Dividende / Action 2 1,840 2,040 2,240 2,480 - 2,898 3,213 3,559
Date de publication 18/07/19 22/07/20 27/07/21 26/07/22 25/07/23 - - -
1USD en Millions2USD
Données Estimées

Le plus gros investissement récent, si l'on écarte la saga Activision Blizzard dont l'issue est incertaine, a été réalisé dans OpenAI, la maison-mère du désormais célèbre Chatbot ChatGPT. Microsoft, qui avait déjà payé un ticket précoce de 1 Md$, a remis 10 Mds$ sur la table pour "s'assurer que ces avantages sont largement partagés avec le monde", comme les communicants du groupe ont cherché à l'exprimer dans un grand élan de marketing universaliste. En réalité, il s'agit surtout de sécuriser un accès privilégié à une technologie de rupture. Microsoft met ses liquidités et ses énormes capacités de calcul au service d'OpenAI sur la base d'un partenariat exclusif, en échange de quoi il jouit des développements commerciaux générés par l'IA.

Un quinqua encore mordant

Pour le moment, le secteur fourbit ses armes en donnant au commun des mortels de petites lucarnes sur la somme des possibles : ChatGPT, Bard, Midjourney, DALL-E et consorts permettent de se frotter à ce nouvel univers… En arrière-plan, des milliers d'ingénieurs planchent sur le coup d'après. Des dizaines de milliers de développeurs cherchent des martingales. Et des centaines de milliers d'utilisateurs s'enthousiasment ou se désespèrent pour ce qu'ils découvrent. Microsoft, pour sa part, lance des galops d'essais. En utilisant sa combinaison navigateur / moteur de recherche Edge / Bing, qui revient sur le devant de la scène après avoir longtemps vécu dans l'ombre de Chrome et de Google. Ou en intégrant de nouvelles fonctionnalités à sa suite bureautique Office. Des tests concrets qui ne passent pas inaperçus, au point d'avoir provoqué un branle-bas de combat chez les géants de la Silicon Valley, qui ont soudainement pris conscience de l'avance que semble avoir accumulé le – presque – quinquagénaire.

Question
Réponse décevante et fort peu machiavélique

Le nouveau western

Il est trop tôt à ce stade pour juger des retombées financières potentielles, mais elles semblent considérables. Pour les investisseurs qui sont tentés par l'aventure de l'intelligence artificielle, Microsoft présente trois avantages essentiels. Primo, c'est une entreprise qui a les reins extrêmement solides et qui peut investir lourdement. Secundo, elle a pris une longueur d'avance en étant au bon endroit au bon moment, grâce à son flair ou à sa chance, voire plus vraisemblablement à une combinaison des deux. Tertio, elle dispose des outils et du réseau de distribution capables d'assurer un déploiement effectif et rapide de solutions basées sur cette technologie.

Des atouts qui paraissent essentiels pour évoluer sereinement dans un univers qui s'apparente à un nouveau Far-West. Les défis posés par l'intelligence artificielle sont débattus depuis longtemps, mais ils n'ont jamais été aussi concrets que depuis 2023 parce que le grand public a pu y goûter. Il y a tant de zones d'ombre qu'il serait fastidieux de les citer toutes. Les tentatives de régulation et les questions de propriété intellectuelle vont très vite se poser. Auront-elles voix au chapitre face au rouleau-compresseur ? Nous parlons ici de l'intelligence artificielle, pas de Microsoft. Quoi que.