Acteur mondial réalisant près de 19 Mds€ de chiffre d’affaires, Rexel a su s’imposer sur un marché très fragmenté grâce à un très grand nombre d’acquisitions (54 rachats depuis 2010) et à une offre de produits abondante, qui va des câbles aux solutions d’éclairage, en passant par le chauffage, les pompes à chaleur ou les solutions de ventilation. En tout, le groupe propose plus de 20 000 références. Rexel estime détenir entre 6% et 7% des parts de ce marché à l'échelle mondiale, ce qui le classe parmi les plus gros acteurs du secteur, derrière des groupes comme son compatriote Sonepar ou l'américain Wesco.

Le chiffre d’affaires est réparti en trois marchés distincts. Le tertiaire (écoles, hôtels, établissements de santé, etc) représente 46% du chiffre d’affaires. Le marché industriel 28% et enfin le résidentiel 26%. Géographiquement, Rexel est très présent en Europe où il réalise 50% de ses ventes. Les Etats-Unis et le Canada comptent pour 42% du chiffre d’affaires, complété par l'Asie avec 8% du total. 

Rexel est un acteur mondial de la distribution électrique pour les entreprises (source : Rexel)

Merci les pénuries !

Financièrement, Rexel sort du meilleur exercice de son histoire. La marge nette a frôlé 5%, alors qu'elle dépassait rarement 1,5% jusque-là. Les ventes de 2022 ont atteint 18,7 Mds€, en hausse de 36,5% par rapport à 2019, année hors impact Covid. Côté bilanciel, la situation est favorable : les free cash-flow, bien que parfois irréguliers, sont moins volatils que les bénéfices et permettent de distribuer un dividende confortable et d’anticiper un programme de rachat d’actions d’environ 400 M€ d’ici 2025. Enfin, l’endettement reste maîtrisé, malgré les nombreuses acquisitions mentionnées plus haut. Il représente 2,2 fois l’EBITDA, en baisse depuis 3 ans. Cela s’explique par le fait que la croissance externe s’accroche essentiellement à des acquisitions de petite taille, parfois compensées par des cessions. Précisons que Rexel a fait un passage éclair par le Private Equity : un consortium de fonds a acquis la société à la famille Pinault en 2005 avant de la réintroduire en 2007 après une longue série d’acquisitions.

Le groupe a retrouvé la croissance après plusieurs années de stagnation (source : Zonebourse)

La stratégie actuelle vise à se recentrer sur les activités au meilleur potentiel et les plus rentables, tout en poursuivant une croissance externe ciblée. Le programme de désinvestissement est ainsi porté dans une fourchette comprise entre 200 et 500 M€ d’ici 2025. Les ambitions de croissance sont portées dans une fourchette entre 4% et 7% par an pour la même période, avec, encore, un apport non-négligeable de croissance externe qui devrait représenter jusqu'à 2 Mds€ de ventes additionnelles. 

Rexel et son principal concurrent coté, l’américain Wesco (source : Zonebourse)

Plus beau, mais moins en vue

Rexel connaît une situation assez paradoxale en bourse. La société affichait des multiples de valorisation peu engageants sur la dernière décennie au regard de ses marges faibles et fluctuantes et de son lourd endettement. Depuis 2019, la situation s'est considérablement améliorée. Grâce aux efforts de rationalisation interne, qui ont été dopés par les conditions favorables créées par le boom post-pandémie associé aux diverses pénuries de matériel. De quoi donner au groupe un pouvoir de fixation des prix, pricing power, exorbitant par rapport à son historique. Le marché en a pris conscience et le titre est monté en flèche au cours des trois dernières années mais, c'est là le paradoxe, moins vite que la pente des résultats. Par conséquent, les multiples de valorisation sont relativement faibles si l'on se fie au PER et à la trajectoire du free cash-flow. Ou au rendement du dividende, qui ressort actuellement à 5,3% sur la base du coupon de 1,20 EUR versé en mai dernier.

Dit autrement, Rexel est plus solide et plus rentable qu'il ne l'était avant le covid, mais moins bien valorisé. Le parcours du rival américain Wesco est d'ailleurs à peu près identique. Les acteurs de la distribution spécialisée évoluent sur des marchés généralement concurrentiels et affichent des marges faibles. Les investisseurs ont depuis quelques années tendance à leur appliquer une "décote de désintermédiation", au motif que les évolutions technologiques risquent de faire disparaître à terme ces intermédiaires du paysage, pour les remplacer par une relation directe entre le producteur et l'utilisateur. Pour couronner le tout, l'activité dédiée au résidentiel de Rexel (un quart des revenus) se retrouve en concurrence frontale avec des sites marchands spécialisés (ManoMano) voire de grands généralistes (Amazon). 

Pour réussir à l'avenir, Rexel doit donc prouver sa capacité à maintenir les dynamiques entrevues ces trois dernières années et renforcer son expansion en ligne. Le pari n'est pas insensé malgré les menaces précitées : le marché sur lequel le groupe évolue bénéficie d'un moteur interne solide, lié à l'amélioration de l'efficacité énergétique et l'équipe qui a mené le retournement est toujours aux commandes. Et puis tout bien pesé, les finances et les ratios du Rexel 2023 sont plus séduisants que ceux du Rexel 2018.

Rexel et Wesco vs MSCI WORLD (source : Zonebourse)