BERLIN/PARIS (dpa-AFX) - La coalition des "feux de signalisation" se déchire sur le poker des chars Leopard 2, mais le chancelier allemand Olaf Scholz continue de se murer dans le silence. Après le sommet franco-allemand de Paris, il n'a toujours pas indiqué quand il prendrait sa décision sur la livraison de chars de combat allemands à l'Ukraine, ni de quoi elle dépendrait. Le président français Emmanuel Macron n'a pas exclu la livraison de chars de combat Leclerc, mais n'a pas non plus voulu s'engager pour l'instant. Pendant ce temps, à Berlin, les politiciens de la coalition se sont mutuellement adressé de graves reproches.

Marie-Agnes Strack-Zimmermann, membre du FDP, a qualifié de "catastrophe" la communication du chancelier sur la question des chars et a mis en garde contre une sous-estimation de la brutalité russe. "Dans l'est de l'Ukraine, ce n'est pas le ballet du Bolchoï qui danse le "Lac des cygnes"", a-t-elle déclaré samedi lors d'un congrès du parti régional à Bielefeld. "Il y a des soldats qui tuent, violent, enlèvent et bien d'autres choses encore - ils torturent aussi".

Mützenich accuse Strack-Zimmermann de "souffle coupé"

Le chef du groupe parlementaire SPD, Rolf Mützenich, a rejeté en termes très vifs les accusations de la présidente de la commission de la défense : "Mme Strack-Zimmermann et d'autres nous parlent d'un conflit militaire. Les mêmes qui demandent aujourd'hui de faire cavalier seul avec des chars de combat lourds réclameront demain des avions ou des troupes", a-t-il déclaré à l'agence de presse allemande. "Une politique en temps de guerre en Europe ne se fait pas dans le style des rituels d'indignation ou avec un souffle coupé, mais avec clarté et raison".

Scholz et le SPD ont également reçu la pression de l'autre partenaire de la coalition, les Verts. Le président de la commission des affaires européennes du Bundestag, Anton Hofreiter (Verts), a déclaré aux journaux du Funke-Mediengruppe (lundi) qu'il fallait commencer "immédiatement" à former les soldats ukrainiens au Leopard, afin d'éviter tout nouveau retard.

Hofreiter qualifie d'"erreur considérable" les hésitations à Ramstein

Lors de la conférence sur l'Ukraine qui s'est tenue vendredi à Ramstein, l'Allemagne n'avait pas encore pris de décision concernant la livraison de chars de combat dans la zone de guerre, malgré la pression considérable exercée par les alliés. Le gouvernement allemand n'a pas non plus encore donné d'autorisation de livraison à d'autres pays pour les chars produits en Allemagne. Hofreiter a déclaré à ce sujet : "L'Allemagne a fait une erreur considérable à Ramstein et a ainsi perdu encore plus de réputation. Cela doit maintenant être corrigé rapidement".

Les alliés ont également maintenu la pression sur Scholz. Les ministres des Affaires étrangères des pays baltes ont demandé à l'Allemagne de livrer des chars Leopard à l'Ukraine. "C'est nécessaire pour stopper l'agression russe, aider l'Ukraine et rétablir rapidement la paix en Europe", a écrit samedi sur Twitter le ministre letton des Affaires étrangères Edgars Rinkevics, au nom, dit-il, de ses homologues estonien et lituanien. Le ministre britannique des Affaires étrangères, James Cleverly, a déclaré dimanche à la BBC : "Rien ne me ferait plus plaisir que de voir les Ukrainiens équipés de Leopard 2".

La Pologne ne veut pas "rester les bras croisés pendant que l'Ukraine se vide de son sang"

Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a annoncé qu'il livrerait des chars Leopard à l'Ukraine si nécessaire, même sans l'accord de l'Allemagne. Il a déclaré dimanche à l'agence de presse PAP : "Nous n'allons pas rester les bras croisés pendant que l'Ukraine se vide de son sang. L'Ukraine et l'Europe gagneront cette guerre, avec ou sans l'Allemagne". S'il n'y a pas d'accord rapide avec l'Allemagne, la Pologne formera une "coalition plus petite" avec d'autres pays. Ces pays commenceraient alors à livrer certains de leurs chars Leopard à l'Ukraine sans l'accord de l'Allemagne.

Le "Süddeutsche Zeitung" a rapporté que les Etats-Unis étaient également irrités par l'attitude allemande. Le conseiller à la sécurité du président américain Joe Biden, Jake Sullivan, aurait appelé le conseiller du chancelier, Jens Plötner, pour protester. Au sein de l'administration américaine, la protestation est décrite comme violente, écrit le journal.

Scholz affirme : "seulement en étroite coordination".

A Paris, Scholz n'a pas précisé s'il ferait dépendre la livraison des Leopard 2 de celle des M1 Abrams américains. "Nous n'agissons qu'en étroite coordination", a-t-il simplement affirmé. Macron a déclaré : "En ce qui concerne les Leclerc, rien n'est exclu". Mais la mise à disposition de ces chars de combat ne doit pas envenimer le conflit, affaiblir notre propre capacité de défense et doit constituer un soutien réaliste et efficace à l'Ukraine.

Les États-Unis ne pensent pas que la mise à disposition de leurs Abrams soit judicieuse pour des raisons pratiques. Les chars américains doivent d'abord être transportés de l'autre côté de l'Atlantique, leur entretien est plus coûteux et ils consomment trop de carburant, disent-ils. Les chars consomment du kérosène, un carburant utilisé dans les avions, et non du diesel comme les Léopards et de nombreux véhicules ukrainiens.

La Russie met en garde contre une "tragédie d'ampleur mondiale".

Le chef du parlement russe Viatcheslav Volodine a mis en garde contre une possible "tragédie d'ampleur mondiale" en cas de livraison de chars de combat à l'Ukraine. "La livraison d'armes d'assaut au régime de Kiev conduira à une catastrophe mondiale", a écrit dimanche M. Volodine sur sa chaîne du service de messagerie Telegram. La Russie utilisera des "armes encore plus puissantes" si les États-Unis et les pays de l'OTAN livrent à Kiev des armes qui pourraient être utilisées pour reconquérir des territoires /mfi/DP/jha.