Il faut remonter six mois en arrière, jusqu'en octobre 2023, pour retrouver deux séances consécutives de baisse de plus de 1% pour le S&P500. Vendredi, l'indice large américain a cédé 1,46%. Hier, il a encore perdu 1,2%. Cette baisse de 2,6% en deux séances le ramène deux mois en arrière, à une époque où les investisseurs débattaient encore pour savoir si la banque centrale américaine allait réduire ses taux quatre ou cinq fois cette année. Désormais, la question à 1 million de dollars est plutôt de savoir si les taux baisseront en 2024. C'est une vision certes un peu pessimiste, mais elle fait son chemin. D'où l'abattement qui s'est emparé des marchés actions, qui semblent se résigner à un scénario moins favorable, en tout cas un scénario où l'argent serait moins abondant, puisque des taux élevés signifient qu'il y a moins de liquidités en circulation. Donc qu'il faut être plus sélectif dans ses investissements. Donc que la frange la plus risquée des actifs a tendance à être délaissée.

Comme je l'écris un peu trop souvent faute de meilleure idée, le marché action comprend vite, mais il faut lui expliquer longtemps. Le marché obligataire, lui, avait déjà compris. Le rendement de la dette américaine à deux ans a flirté avec 5% hier, avant une relative accalmie. Le 10 ans est à 4,61%, ce qui constitue une zone-clef, selon notre tautologue maison, Yves Sanquer. Attention, je ne dis pas qu'Yves pratique la tautologie, juste qu'il est notre Monsieur taux. En d'autres termes, les marchés comprennent que les taux directeurs américains vont rester plus haut, plus longtemps que prévu. Oui, je sais, ça fait des mois que les banquiers centraux le disent. Mais jusqu'à présent, ça n'avait pas empêché les actions de monter. Rien ne dit qu'elles ne s'en accommoderont pas, d'ailleurs, mais elles commencent à être sérieusement lestées, ce qui rend l'ascension plus pénible.

La montée des tensions géopolitiques est peut-être la goutte d'eau qui a fait déborder le vase de la tolérance des investisseurs. Je m'explique. Les financiers sont conscients que l'inflation américaine est sur une ligne de partage depuis quelques semaines, avec la possibilité de poursuivre sa décrue, avec quelques soubresauts acceptables, ou au contraire de donner des signes de reprise. Or cet équilibre fragile est en train d'être testé. Par la situation au Proche-Orient, qui maintient les cours du pétrole à haut niveau et qui renchérit le transit des marchandises. Ou plus récemment par les restrictions sur les métaux russes, qui vont réduire l'offre et donc, mécaniquement, avoir un effet sur les prix.

Hier à Wall Street, les indices ont donné l'impression qu'ils allaient faire ce qu'ils font le mieux depuis le début de l'année : faire taire les prophètes de malheur en effaçant illico leurs pertes de la séance précédente. Et puis la séance est partie en vrille. Les vétérans du marché se méfient de ces journées qui démarrent au plus haut et se terminent au plus bas : c'est le signe d'une nervosité malsaine. A ce stade, je suis obligé de parler du VIX, grosso modo deux semaines après avoir développé une théorie en vogue sur les marchés selon laquelle il ne serait plus aussi pertinent que par le passé, à cause du jeu de produits dérivés détournés. C'est le privilège des commentateurs boursiers et autres charlatans dans mon genre : on peut écrire tout et son contraire du moment qu'on met du conditionnel un peu partout. Le VIX donc, c'est l'indice de la peur. Même s'il est censé marcher moins bien qu'avant (notez l'usage du "censé", alternative efficace au conditionnel), il est monté à 19 points, le bougre, du jamais vu depuis octobre dernier (la date de la dernière double baisse de 1% du S&P500, si vous avez bien suivi). Donc le marché est un peu nerveux, mais vous l'aviez déjà constaté.

Enfin pas tant que ça en Europe, puisque le STOXX Europe 600 a terminé en légère hausse hier. Lui aussi il comprend vite, mais il faut lui expliquer longtemps. En réalité, les indices européens évoluaient bien plus haut avant que la séance américaine ne démarre. Puis ils ont un peu suivi, à distance, la glissade de Wall Street. Ce qui les a sauvés, c'est qu'ils ont fermé à 17h30, avant que New York ne se gaufre définitivement. Du coup, vous vous en doutez, la préouverture européenne est assez moche ce matin.

Les investisseurs auraient pu être rassurés par la publication d'un PIB chinois du 1er trimestre plus vigoureux que prévu. Pékin a en effet communiqué une croissance annuelle de 5,3% là où les économistes voyaient 4,8%. Un dépassement miraculeux dans la mesure où les composantes sur les ventes de détail et la production industrielle étaient moins élevées que prévu. Il est dû en partie à l'investissement public, qui a largement dépassé un investissement privé atone. Dans le détail, la performance n'est donc pas folle, ce que semble corroborer le parcours des actions chinoises ce matin. 

Pour apporter un peu de positif dans ce tableau qui m'a l'air sombre à la relecture, il va falloir se tourner vers les publications d'entreprises. LVMH apportera sa pierre à l'édifice, mais seulement ce soir post-clôture. Le géant français du luxe va-t-il rassurer sur les perspectives du secteur, notamment sur le marché chinois ? Verdict autour de 17h45. Ce matin, Ericsson et Sika sont sur le pont en Europe. UnitedHealth, Johnson & Johnson, Bank of America et Morgan Stanley seront les têtes d'affiche américaines à la mi-journée. Les cambistes surveillent toujours le yen, qui a touché un pic de faiblesse vieux de 34 ans face au dollar américain, ce qui suscite toujours des rumeurs d'intervention de la BOJ.

Sur les marchés Orientaux, tout le monde baisse ce matin. Le Nikkei 225 japonais, l'ASX200 australien et le Hang Seng de Hong Kong lâchent plus de 1,5%. La chute dépasse 2% en Corée du Sud et à Taiwan. L'Inde et la Chine continentale tiennent mieux le choc en reculant de 0,5% environ. Les indicateurs avancés européens sont baissiers. A Paris, le seuil symbolique des 8000 points du CAC40 est à risque.

Le CAC40 perd 1,6% à 7915 points peu après l'ouverture. Le SMI recule de 1,2% à 11 259 points et le Bel20 lâche 1,2% à 3810 points.

Les temps forts économiques du jour

Les investisseurs vont garder un œil sur le sondage ZEW de confiance des investisseurs allemands (11h00). Aux Etats-Unis, les permis de construire et les mises en chantier (14h30) seront suivis de l'utilisation des capacités et de la production industrielle (15h15). Tout l'agenda ici.

L'euro recule à 1,0612 USD. L'once d'or a rebondi à 2386 USD. Le pétrole est ferme, avec un Brent de Mer du Nord à 90 USD le baril et un brut léger américain WTI à 85,37 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans attient 4,61%. Le bitcoin se négocie 62 600 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Acerinox : JP Morgan passe de surpondérer à souspondérer avec un objectif de cours réduit de 12 EUR à 8,80 EUR.
  • Admiral Group Plc : RBC Capital passe de pondération de marché à surperformance avec un objectif de cours relevé de 2600 GBX à 3400 GBX.
  • Air France-KLM : Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 19 à 12 EUR.
  • Alpha Services And Holdings : Goldman Sachs passe d'acheter à neutre avec un objectif de cours réduit de 2,11 EUR à 1,95 EUR.
  • Aperam : JP Morgan maintient sa recommandation de souspondérer avec un objectif de cours réduit de 26,60 à 25,70 EUR. Morgan Stanley maintient sa recommandation de pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 30 à 27 EUR.
  • ASML : Deutsche Bank maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 880 à 1000 EUR.
  • AstraZeneca Plc : Deutsche Bank passe de vendre à conserver avec un objectif de cours relevé de 9500 GBX à 10500 GBX.
  • Barry Callebaut : Stifel passe d'une recommandation de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 1400 CHF à 1600 CHF.
  • Bilfinger : AlphaValue/Baader Europe passe d'accumuler à acheter avec un objectif de cours relevé de 50,70 EUR à 56,90 EUR.
  • Chemometec : Nordea Bank dégrade sa recommandation de vendre à conserver.
  • EQT Ab : Autonomous Research passe de neutre à sousperformance avec un objectif de cours relevé de 266,07 SEK à 279 SEK.
  • Kesko Oyj : Inderes passe d'alléger à accumuler avec un objectif de cours relevé de 17 à 18 EUR.
  • Logitech International : Deutsche Bank dégrade sa recommandation de conserver à vendre avec un objectif de cours de 60 CHF.
  • Renault : Goldman Sachs maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 45 à 51 EUR.
  • Roche Holding Ag : Morgan Stanley maintient sa recommandation de souspondérer et relève l'objectif de cours de 250 à 260 CHF.
  • SGS : JP Morgan passe de neutre à surpondérer avec un objectif de cours de 96 CHF.
  • Soitec : Deutsche Bank maintient sa recommandation d'achat et réduit l'objectif de cours de 200 à 155 EUR.
  • Spie : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 28 à 33 EUR.
  • Ssab Ab : JP Morgan passe de surpondérer à neutre avec un objectif de cours réduit de 103 SEK à 78 SEK.
  • The Navigator Company : Bestinver Securities passe de vente à achat avec un objectif de cours relevé de 3,15 EUR à 6,30 EUR.
  • Vat Group : Deutsche Bank maintient sa recommandation de conserver et relève l'objectif de cours de 360 à 420 CHF.
  • Veolia Environnement : Citigroup maintient sa recommandation de surperformance et relève l'objectif de cours de 34,10 EUR à 34,80 EUR.
  • Voestalpine : JP Morgan passe de neutre à souspondérer avec un objectif de cours réduit de 25,90 EUR à 22,20 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Stellantis fera des arbitrages à la fin 2024 sur ses capacités futures dans l'électrique.
  • Siemens AG, Fortress et Wabtec en lice pour l'acquisition de l'unité de signalisation d'Alstom aux Etats-Unis.
  • Engie acquiert deux unités de production de biométhane aux Pays-Bas.
  • Amundi va fusionner Amundi US avec Victory Capital, en prenant 26,1% du capital de l'Américain.
  • Forvia cède sa filiale Hug Engineering au groupe belge Ogepar.
  • Vallourec place 820 M€ d'obligations 2032.
  • Seb boucle un placement privé de dette de 150 M€ à 5% sur 12 ans, pour améliorer le profil de sa dette.
  • Les obligataires d'Atos fusionnent pour présenter un plan de restructuration commun.
  • Letenda va équiper ses bus électriques avec les systèmes de batteries Forsee Power.
  • Sidetrade va racheter SHS Viveon AG, une société allemande leader dans les logiciels Order-to-Cash.
  • Acticor Biotech présentera les résultats cliniques de son étude de phase II/II ACTISAVE dans le traitement de l’AVC au congrès l’ESOC 2024.
  • Algreen annonce l’entrée en négociations exclusives avec Lumiliite en vue de la cession de sa participation dans sa filiale SA NAKA.
  • Planisware lance son introduction en bourse sur Euronext Paris.
  • Les principales publications du jour : Virbac, Thermador, Altheora, Sidetrade, Broadpeak

Dans le vaste monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres, sauf pour les échanges post-séance aux Etats-Unis, qui reflètent normalement bien la tendance)

  • Beiersdorf relève ses prévisions de chiffre d'affaires pour 2024 grâce à un bon premier trimestre.
  • Ericsson publie un bénéfice d'exploitation ajusté meilleur que prévu au T1.
  • Hays affiche une baisse de 14% de ses honoraires nets trimestriels.
  • Lufthansa réduit ses prévisions à cause des grèves de son personnel.
  • Sika affiche une hausse de 13,8% de ses ventes au premier trimestre et confirme ses objectifs annuels.

Annonces importantes (et moins importantes)                                                                                                                                                                                

En Europe

  • DS Smith et International Paper lancent une fusion en titres.
  • Eni pourrait vendre 1,3 Md€ de participations dans ses unités de biocarburants et de bioplastiques d'ici la fin de l'année, selon Reuters.
  • DR. Martens annonce le départ de son PDG Kenny Wilson cette année, remplacé par son directeur de la marque, Ije Nwokorie.
  • Superdry lance un plan de restructuration et annonce une augmentation de capital.
  • EasyJet suspend ses vols à destination et en provenance de Tel Aviv.
  • Rheinmetall signe un protocole d'intention pour une usine de munitions en Lituanie.

En Amériques

  • Lockheed Martin remporterait le contrat de défense antimissile de 17 Mds$ du Pentagone, selon Reuters.
  • Microsoft devrait annoncer un investissement de 1,5 Md$ dans G42 (intelligence artificielle) aujourd'hui, selon le NYT.
  • Boeing estime qu'aucune usure n'a été constatée sur les anciens 787, en amont du témoignage d'un dénonciateur.
  • Adobe explore un partenariat avec OpenAI pour ajouter des outils vidéo d'IA.
  • Tesla se sépare de plusieurs hauts dirigeants en relation avec son usine géante au Texas.
  • Les Etats-Unis vont lancer une procédure antitrust contre Live Nation, selon le WSJ.
  • Wintrust rachète la banque régionale Macatawa.
  • Regeneron se défend contre la plainte du ministère de la justice concernant la manipulation des prix des médicaments.
  • Piedmont Lithium obtient un permis d'exploitation minière en Caroline du Nord.
  • EDF, Matrix Energia et le fonds d'investissement Phoenix ont présenté des offres pour la privatisation du producteur brésilien d'électricité EMAE.
  • MercadoLibre embauchera 6500 personnes au Brésil en 2024.

En Asie Pacifique

  • Samsung Electronics obtient 6,4 Mds$ de subventions pour la production de puces au Texas.
  • ByteDance, la maison-mère de TikTok, a trompé le régulateur dans l'enquête sur les paiements, selon The Information.

Les principales publications du jour : UnitedHealth, LVMH, Johnson & Johnson, Bank of America Corporation, Morgan Stanley, PNC Financial, J.B. Hunt, Vale, Omnicom, United Airlines, Sika, Beiersdorf, EricssonTout l’agenda ici.

Lectures