Certaines des plus grandes banques canadiennes ont admis pour la première fois que leurs efforts de financement liés au climat ne réduiraient pas nécessairement la croissance des émissions, après des années de pression de la part des défenseurs du climat pour que les banques soient plus transparentes quant à leurs revendications en matière d'objectifs climatiques.

Les banques canadiennes, considérées comme l'un des principaux bailleurs de fonds pour les combustibles fossiles dans le monde, s'attirent depuis des années les critiques des défenseurs du climat et des investisseurs, qui affirment qu'elles utilisent le financement lié au développement durable (FDD) uniquement pour prétendre réduire leur empreinte carbone, au lieu de prendre des mesures significatives dans ce sens.

Dans leurs derniers rapports annuels sur le climat, publiés la semaine dernière, de nombreuses banques canadiennes se sont engagées à consacrer des milliards de dollars au financement durable pour décarboniser les secteurs à forte émission, tout en soulignant les difficultés majeures qui les empêchent d'atteindre leurs objectifs.

La Banque de Nouvelle-Écosse, la CIBC et la Banque TD ont fait remarquer que leurs objectifs en matière de financement durable n'allaient pas nécessairement freiner la croissance des émissions.

"La question pour les régulateurs sera de savoir s'il suffit aux banques d'insérer ces brefs avertissements dans leurs rapports ESG ou si elles doivent mieux informer leurs investisseurs et le public que ces énormes chiffres financiers qu'elles présentent comme verts ne s'ajoutent pas nécessairement aux réductions d'émissions", a déclaré Matt Price, directeur exécutif d'Investors for Paris Compliance.

En janvier, le groupe a exhorté les organismes de réglementation des valeurs mobilières à enquêter sur les grandes banques canadiennes en raison de leurs déclarations relatives au climat et de leurs informations trompeuses présumées.

La plainte a donné aux défenseurs du climat plus de poids dans leur lutte, qui s'inscrit dans le cadre d'un mouvement international plus large en faveur de la responsabilité des entreprises en matière de climat.

M. Price a déclaré que les dernières révélations n'étaient pas encore suffisantes pour éviter la nécessité d'une enquête. Il a noté que la Banque TD, par exemple, s'appuie toujours sur son initiative de financement durable de 500 milliards de dollars canadiens, sans les qualificatifs qu'elle utilise ailleurs, ce qui, selon lui, est trompeur.

Le Canada est le quatrième producteur mondial de pétrole et le secteur de l'énergie contribue à hauteur de 5 % au PIB du pays. Malgré l'influence du secteur pétrolier sur l'économie, le gouvernement fédéral a fixé des objectifs ambitieux en matière d'émissions, notamment en incitant les entreprises du secteur à réduire leurs émissions de 38 % par rapport aux niveaux de 2019 d'ici à 2030.

La Banque de Nouvelle-Écosse a accordé un total de 132 milliards de dollars canadiens depuis 2018 pour atteindre son objectif de 350 milliards de dollars canadiens de financement lié au climat d'ici 2030, mais a déclaré que les projets liés au climat "peuvent ou non conduire à des réductions des émissions globales".

Meigan Terry, responsable en chef de la durabilité et de la communication de la banque, a déclaré qu'elle visait "à être transparente et à favoriser une compréhension claire" de son objectif de financement lié au climat.

La CIBC s'est fait l'écho d'un discours similaire, déclarant que "le financement durable peut impliquer des activités vertes éligibles... mais ne freine pas nécessairement la croissance de leurs émissions absolues".

D'autres grandes banques ont également souligné les difficultés à atteindre les objectifs climatiques.

La Banque Royale du Canada, première banque du pays, a déclaré que l'objectif de limiter les températures mondiales à 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux préindustriels serait un défi majeur et que seulement 2 % de ses clients ont des plans alignés sur cet objectif.

Les plans de la banque pour cette année comprennent le triplement des prêts pour les projets d'énergie renouvelable à 15 milliards de dollars et l'augmentation des prêts pour l'énergie à faible teneur en carbone à 35 milliards de dollars d'ici 2030.

La TD a déclaré que l'impact des émissions de gaz à effet de serre de ses activités commerciales qui sont admissibles à l'objectif de 500 milliards de dollars canadiens en matière de développement durable et de décarbonisation ne peut être "mesuré de façon fiable à l'heure actuelle".

Dans un rapport récent, le groupe de réflexion InfluenceMap a indiqué qu'entre 2020 et 2022, les cinq grandes banques ont régulièrement augmenté leur exposition au financement des combustibles fossiles pour atteindre une moyenne de 18,4 % en 2022, contre 15,5 % en 2020. Ce chiffre est à comparer à une moyenne de 6,1 % pour les grandes banques américaines et de 8,7 % pour les banques européennes au cours de la même période.

Plusieurs banques mondiales se sont engagées à financer des "émissions nettes nulles" d'ici à 2050, mais elles ont suscité les doutes de nombreux investisseurs en raison de l'absence d'objectif défini.

Les régulateurs américains et européens s'inquiètent de plus en plus de l'écoblanchiment, qui consiste pour les entreprises à exagérer leurs références en matière d'environnement. (Reportage de Nivedita Balu à Toronto, édition de Nick Zieminski)