* Les USA interdisent les importations de pétrole et gaz russes

* L'UE travaille à une réduction rapide de sa dépendance

* Moscou menace de couper le gaz à l'Allemagne

* Kiev affirme que l'offensive russe est ralentie

* Les civils autorisés à quitter la ville assiégée de Soumy (.)

par Steve Holland et Pavel Polityuk

WASHINGTON/LVIV, Ukraine, 8 mars (Reuters) - Le président américain Joe Biden a annoncé mardi que les Etats-Unis interdisaient les importations de pétrole et de gaz russes, une décision majeure dans le cadre des efforts des Occidentaux pour accentuer la pression internationale contre le président russe Vladimir Poutine face à l'invasion sanglante de l'Ukraine.

"La Russie pourrait continuer à accentuer ses avancées avec un coût horrible, mais une chose est déjà claire: l'Ukraine ne sera jamais une victoire pour Poutine. Poutine pourrait être capable de prendre une ville, mais il ne sera jamais en mesure de contrôler le pays", a dit Joe Biden devant des journalistes à la Maison blanche.

Jusqu'alors, le secteur énergétique de la Russie, premier exportateur mondial de pétrole et de gaz naturel, avait été épargné par les sanctions occidentales, ce qui n'avait pas empêché une flambée sans précédent des cours du brut sur les marchés mondiaux, qui s'est encore amplifiée avec l'annonce de Washington.

Une décision similaire a été prise par la Grande-Bretagne, qui a fait savoir qu'elle arrêterait ses importations de produits pétroliers russes d'ici la fin de l'année. Par ailleurs, la major britannique Shell a annoncé qu'elle renonçait à acheter du pétrole russe.

S'ils ne semblent pas prêts à prendre une mesure aussi radicale, alors que 40% de leurs importations de gaz viennent de Russie, les pays de l'UE entendent réduire eux aussi rapidement leur exposition. Un plan présenté mardi par la Commission européenne juge possible une réduction des deux tiers des importations de gaz russe dès cette année et leur fin "bien avant 2030".

A Moscou, le vice-Premier ministre Alexandre Novak a menacé de fermer le robinet du gazoduc Nord Stream 1 qui alimente l'Allemagne et prédit que le prix du baril de pétrole atteindrait 300 dollars (contre 125 mardi et moins de 100 avant l'invasion de l'Ukraine) en cas de sanctions.

Le ministre allemand de l'Economie, Robert Habeck, lui a répondu en assurant que Berlin était prêt à faire face à une telle mesure de rétorsion, tout en promettant de diversifier les sources d'énergie de l'Allemagne "à la vitesse d'une Tesla", par allusion à la construction en deux ans par la société américaine d'une giga-usine de batteries près de Berlin.

PREMIÈRES ÉVACUATIONS DE CIVILS

Pendant que la pression sur Moscou s'accentue, un couloir humanitaire a été ouvert mardi pour permettre l'évacuation des habitants de Soumy, une ville située au nord-ouest de Kharkiv, assiégée et bombardée par l'armée russe depuis plusieurs jours.

Le gouverneur de Soumy, Dmitro Tchivitsky, a déclaré dans une vidéo que les premiers bus avaient quitté la ville dans la matinée à destination de Poltava, plus à l'ouest, et que les handicapés, les femmes enceintes et les orphelins étaient prioritaires.

Un conseiller du président ukrainien, Kirilo Timochenko, a indiqué dans l'après-midi qu'un second convoi transportant des civils avait pu quitter la ville.

Des civils ont aussi quitté Irpin, une banlieue de Kiev proche de la ligne de front qui avait subi dimanche d'intenses bombardements.

"La ville est pratiquement en ruines et dans le quartier où je vis, on dirait qu'il n'y a pas une seule maison qui n'ait pas été bombardée" a dit une jeune mère de famille portant un bébé dans une couverture, sa fille marchant à côté d'elle.

"C'est hier que les bombardements ont été les plus durs, les éclairs et le bruit faisaient tellement peur... Tout l'immeuble tremblait."

Les autorités ukrainiennes ont en revanche accusé l'armée russe d'avoir bombardé un convoi qui devait évacuer des habitants de Marioupol, où des centaines de milliers de personnes sont privées d'eau et d'électricité et soumises à d'intenses bombardements depuis une semaine.

Le ministère russe de la Défense, cité par les agences russes, a affirmé de son côté que Kiev n'avait accepté qu'un seul des dix "couloirs humanitaires" que Moscou avait proposé d'ouvrir - dont certains auraient conduit les civils ukrainiens en Russie et en Biélorussie.

DEUX MILLIONS D'UKRAINIENS ONT QUITTÉ LE PAYS

L'invasion russe, que Moscou présente comme une "opération spéciale", a déjà conduit deux millions d'Ukrainiens (sur une population de 44 millions) à fuir leur pays, a déclaré sur Twitter le Haut-Commissaire des Nations unies aux réfugiés, Filippo Grandi.

L'Onu a fait état d'un bilan provisoire de 474 civils tués depuis le début de l'assaut le 24 février. Un responsable de la police ukrainienne a déclaré mardi qu'au moins 27 civils avaient été tués dans des frappes russes sur Kharkiv au cours des dernières 24 heures.

L'Ukraine a affirmé mardi que l'avancée des troupes russes était ralentie et son ministère de la Défense a annoncé que le général Vitali Guerassimov, premier commandant adjoint de la 41e armée russe, avait été tué au combat lundi, précisant qu'il s'agissait du deuxième général russe à trouver la mort depuis le début de l'invasion, le 24 février.

Le ministère russe de la Défense a annoncé de son côté la destruction de près de 900 chars et véhicules blindés du camp adverse, ainsi que 84 drones.

Les pays occidentaux, jugeant que le plan initial russe misant sur une offensive rapide pour renverser les autorités à Kiev a échoué, pensent que Moscou a infléchi sa stratégie pour se préparer à des sièges longs de plusieurs grandes villes ukrainiennes.

Le principal convoi militaire russe parti en direction de Kiev est toujours bloqué au nord de la capitale tandis que dans le sud du pays, les forces de Moscou progressent le long des côtes de la mer Noire et de la mer d'Azov.

Un haut responsable du Pentagone a déclaré que le président Vladimir Poutine avait désormais déployé sur le terrain près de 100% des plus de 150.000 soldats massés près des frontières de l'Ukraine avant le début de l'opération. Selon la CIA, entre 2.000 et 4.000 soldats russes ont été tués depuis le début de l'offensive.

Parallèlement au durcissement des sanctions visant la Russie, les discussions se poursuivent entre grandes puissances occidentales et asiatiques: mardi, le président chinois, Xi Jinping, s'est entretenu en visioconférence avec son homologue français, Emmanuel Macron, et le chancelier allemand, Olaf Scholz.

Xi Jinping a apporté son soutien à l'action de la France et de l'Allemagne pour un cessez-le-feu en Ukraine, a assuré l'Elysée à l'issue de cet entretien.

Le président ukrainien, Volodimir Zelenski, qui a été ovationné par les membres du Parlement britannique à qui il s'est adressé par lien vidéo, a également fait savoir qu'il restait en dialogue constant avec Emmanuel Macron pour discuter de la question des couloirs humanitaires.

(Steve Holland à Washington et Pavel Polityuk à Lviv, avec les bureaux de Reuters; version française Bertrand Boucey, Marc Angrand, Tangi Salaün et Jean Terzian, édité par Sophie Louet et Jean-Stéphane Brosse)