Francfort (awp/afp) - La pression inflationniste diminue en Europe mais la Banque centrale européenne veut plus de gages avant d'assouplir sa politique monétaire et de baisser ses taux d'intérêt maintenus jeudi à un niveau record.

Le taux sur les dépôts, qui fait référence, reste à son plus haut historique de 4%, comme depuis octobre, a décidé l'institution à l'issue de la réunion du Conseil des gouverneurs.

Les marchés sont toujours à l'affût d'indices sur le calendrier des futurs assouplissements.

Longuement interrogée par la presse jeudi, la présidente de la BCE Christine Lagarde n'a pas dévoilé son jeu : "nous progressons bien vers notre objectif d'inflation" mais "nous ne sommes pas suffisamment confiants" sur la dynamique des prix, a déclaré la Française.

De manière sibylline, elle a assuré que le Conseil des gouverneurs n'a "pas du tout" discuté d'une baisse des taux, mais qu'il a "tout juste" commencé à parler du "repli de sa position restrictive", soir le coût élevé du loyer de l'argent qui freine l'économie.

En termes de calendrier, la Française a, sans le dire explicitement, ouvert la voie à une éventuelle réduction des taux en juin, déclarant que la BCE en saura "un peu plus en avril", et "beaucoup plus en juin" pour nourrir son tableau de bord économique.

Les marchés ont récemment aussi repoussé leurs attentes sur juin.

C'est le moment où il y aura assez données "soit pour confirmer que la bête inflationniste a vraiment été maîtrisée, soit pour indiquer une nouvelle pression à la hausse sur les prix", commente Carsten Brzeski, chez ING Bank.

La BCE a abaissé jeudi sa prévision d'inflation pour 2024 en zone euro, la voyant reculer à 2,3% sous l'effet de l'impact plus faible des prix de l'énergie. L'institution s'attend désormais à ce qu'elle atteigne son objectif de 2% en 2025.

La banque centrale veut encore s'assurer que cette tendance est durable.

Tournant en juin ?

Après avoir été divisée par trois entre le record de 10,6% atteint en octobre 2022 et l'automne 2023, l'inflation évolue de façon plus hésitante.

Elle a ralenti à 2,6% en février, moins qu'anticipé et l'inflation dite sous-jacente, c'est-à-dire sans les prix très volatils de l'énergie et de l'alimentation, a ralenti à 3,1% en février, toujours bien au-dessus des 2%.

La BCE ne veut pas relâcher l'effort et risquer de compromettre les effets de sa campagne de resserrement monétaire sans précédent menée depuis juillet 2022 pour maîtriser la flambée des prix causée par la guerre russe en Ukraine.

En augmentant les coûts d'emprunt à un rythme inédit, la demande de crédits a été freinée, affectant la consommation et l'investissement des entreprises comme des ménages.

Revers de cette politique: l'économie de la zone euro stagne depuis près d'un an et demi et des économistes jugent que l'institution pèche par excès de prudence, risquant de compromettre un rebond de l'activité.

Dans ces nouvelles projections macroéconomiques dévoilées jeudi, la BCE a abaissé sa prévision croissance du PIB pour la zone euro en 2024 à 0,6% contre 0,8% précédemment. Elle table sur 1,5% l'an prochain, comme en décembre, et sur 1,6% en 2026, contre 1,5% auparavant.

Salaires

La banque centrale américaine, qui se réunira les 19 et 20 mars, devrait adopter la même attitude prudente, après que son président Jerome Powell a déclaré mercredi que l'évolution sur le front de l'inflation "n'est pas assurée".

Mais quoi que fasse sa grande soeur américaine, la BCE agira en étant "indépendante", a martelé Mme Lagarde.

L'institution surveille de près "les pressions sur les prix intérieurs" qui "restent fortes, en partie à cause de la forte croissance des salaires", comme souligné jeudi.

Après trois ans durant lesquels les prix ont grimpé plus vite que les salaires, un rattrapage s'effectue au fil des négociations sociales dans les entreprises et branches professionnelles.

Ces revendications sont particulièrement vives en Allemagne où une nouvelle grève paralyse jeudi les transports ferroviaires et aériens.

afp/rp