La perspective d'une politique monétaire punitive qui touche à sa fin aux Etats-Unis suffit au bonheur des investisseurs. Ils continuent à cacher sous le tapis le fait que les valeurs bancaires poursuivent leur chemin de croix, étrillées par une perte de confiance qui, curieusement, n'affecte pas vraiment l'appétit pour le risque. Peut-être parce que les marchés sont persuadés que les autorités monétaires seront toujours là pour eux. Janet Yellen, la cheffe du Trésor US, n'y est pas étrangère après un petit rétropédalage qui va bien. L'avant-veille, elle avait cassé la hausse en mille morceaux en disant qu'il n'y aurait pas de garantie globale des dépôts aux Etats-Unis. Hier, elle a édulcoré son propos en indiquant que les déposants seraient soutenus en cas de crise. En attendant, le guichet d'urgence mis en place par la Fed pour garantir la liquidité des établissements financiers américains tourne fort, signe qu'il y a un réel besoin. Il tourne d'ailleurs fort aussi pour les prêts aux banques centrales étrangères. Ce qui fait dire à un éditorialiste de Reuters ce matin que la Fed est vraiment le prêteur en dernier ressort de la planète. Les marchés actions américains sont à l'aise avec ça : le Nasdaq a encore repris 1,3% hier, pour une septième hausse sur les neuf dernières séances. Le S&P500 était moins gaillard, lesté par des banques qui ont limité ses gains à 0,3%. Les parcours européens étaient plus disparates mais généralement assez proches de l'équilibre, hormis à Londres où le FTSE 100 a perdu 0,9% alors que la Banque d'Angleterre a encore dû donner un gros tour de vis à ses taux à cause d'une inflation qui reste galopante outre-Manche.

Marre d'entendre parler de taux directeurs qui montent et de banques qui baissent ? Vous êtes au bon endroit avec la chronique du vendredi, qui tente régulièrement d'aborder des sujets financiers sous un angle parfaitement inutile mais tout à fait instructif. Thématique du jour : "dis-moi qui tu es, je comprendrai rien à ce que tu fais". Ça mérite une anecdote. Quand je travaillais sous d'autres cieux, nous avions coutume de collectionner les bons mots ou les commentaires consternants lancés dans la salle de rédaction sous le hashtag #entenduàlarédac. Objectivement, ça ne volait pas très haut la plupart du temps, mais c'était souvent drôle, parfois inattendu et très rarement assez fin. Je n'ai pas perpétué cette tradition chez Zonebourse, même si j'y ai importé le "mur de la honte", dont je vous parlerai une autre fois.

Il n'empêche, les échanges que nous avons au bureau mériteraient parfois leur place dans un petit panthéon local, sur une échelle allant de la brève de comptoir de fin d'apéro à la réflexion d'une profondeur rare. Mais je ne vais pas vous parler d'extrêmes aujourd'hui, mais plutôt d'une phrase que j'aie entendue il y a quelque temps et qui m'a donné l'idée du jour. Je ne sais plus qui dans l'équipe a dit en voyant que la Société de la Tour Eiffel avait publié ses résultats "je ne savais pas que la Tour Eiffel était cotée".

Ce à quoi je rétorquai "évidemment que non, abruti", car je pratique un management bienveillant, mais direct. "Ben pourquoi ça s'appelle comme ça alors ?" a poursuivi l'impertinent, que je choisis de crucifier par un habile "est-ce que Shell vend des coquillages et Orange des agrumes, à ton avis ?". Eh oui, parce qu'en bourse comme ailleurs, l'habit ne fait pas toujours le moine. Citons quelques exemples, qui montrent quand même que les patronymes ont quand même parfois des liens avec ce qu'ils sont censés représenter :

  • Tour Eiffel est une société foncière qui possède des immeubles de bureaux en Île-de-France. Mais à la décharge de mon collègue, c'est effectivement la société créée en 1889 par Gustave Eiffel pour construire et exploiter la Tour, jusqu'à la perte de sa gestion en 1979 au terme de la concession, au profit de la ville de Paris.
  • Shell un groupe pétrolier qui a effectivement commercialisé des coquillages et des objets d'art orientaux à la fin du XIXe siècle, avant de devenir la multinationale que l'on connaît.
  • Orange était un opérateur télécom britannique racheté par France Telecom, qui a fini par adopter son nom, plus reconnaissable comme marque globale. Le nom Orange avait été retenu parce que la couleur était vive et dynamique, tout en étant un terme simple pour symboliser "la clarté et la simplicité des produits et services", ce qui n'a longtemps pas été, vous en conviendrez, la marque de fabrique des offres du groupe.
  • Rubis est une entreprise française spécialisée dans le stockage et la distribution de produits pétroliers et chimiques. Le nom "Rubis" a été choisi pour évoquer la couleur rouge vif et pour symboliser la passion et l'énergie de la société dans son domaine d'activité, ai-je appris ce matin.
  • Caterpillar est un fabricant d'engins de chantier, dont le nom, qui signifie chenille, est hérité des premiers tracteurs produits par l'entreprise, qui imitaient la façon de se déplacer de la chenille. Ah, tiens, l'occasion de placer un clip un peu déjanté, quand Robert était encore "fit".
  • Apple n'est pas une petite coopérative agricole, contrairement à ce que pensait Forrest Gump, mais un géant des produits électroniques. L'origine du nom est un sujet de controverse de ce que j'ai compris, mais il semblerait que ce soit juste parce que Steve Jobs aimait les pommes.
  • Il existe plein d'autres sociétés dont le nom est révélateur d'une histoire et pas forcément de l'activité de l'entreprise : Carrefour, Amazon, Vinci, Puma, Chargeurs, Tesla… mais ce sera pour une autre fois. Pour d'autres thématiques de ce genre, voici une chronique qui parlait de noms latins de sociétés, une autre qui citait des entreprises cotées dont le nom correspond à un lieu et une troisième avec des tickers évocateurs.

Pour revenir sur des sujets beaucoup moins intéressants, la séance du jour sera marquée par la publication des indicateurs d'activité PMI des grandes économies, dans leur version préliminaire. C'est le Japon qui a essuyé les plâtres avec une activité manufacturière en contraction, mais un peu moins dégradée que prévu. Les données sur la zone euro sont attendues à 10h00 et celles des Etats-Unis à 14h45. Des Etats-Unis où les investisseurs auront pris connaissance à 13h30 des commandes de biens durables de février. En parallèle, se tient pendant deux jours un sommet de l'UE qui promet quelques tensions entre la France et l'Allemagne sur des questions clefs, pendant que Christine Lagarde va s'employer à rassurer les dirigeants européens sur l'économie du vieux continent.

En Asie-Pacifique, l'ambiance est plus morose qu'en Occident, avec des replis relativement faibles un peu partout à l'heure où ces lignes sont écrites. Le Japon et l'Australie terminent la semaine en baisse modérée, pendant que la Chine continentale et Hong Kong cèdent également un peu de terrain. La situation n'est pas meilleure en Corée du Sud. L'Inde évolue autour de l'équilibre. Les indicateurs avancés européens sont baissiers, mais les "futures" américains regardent vers le haut. Le CAC40 perdait 0,59% juste sous les 7100 points à l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

Pour clore la semaine, les indicateurs PMI Flash de mars des principales économies seront égrenés tout au long de la journée. Il faudra aussi suivre les commandes de biens durables aux Etats-Unis (13h30). Tout l'agenda ici.

L'euro reperd du terrain à 1,0834 USD. L'once d'or attient 1991 USD. Le pétrole se stabilise, avec un Brent de Mer du Nord à 75,79 USD le baril et un brut léger américain WTI à 69,89 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans a reculé à 3,38%. Le bitcoin évolue autour de 28 300 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • BMW : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 95 à 99 EUR.
  • Cegedim : Portzamparc reste à conserver avec un objectif relevé de 19,10 à 19,50 EUR.
  • Compagnie Financière Richemont : Oddo BHF reste neutre avec un objectif de cours relevé de 134 à 140 CHF.
  • EssilorLuxottica : Bernstein reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 185 à 180 EUR.
  • Eurofins : Redburn passe d'acheter à conserver.
  • Guillemot : In Extenso passe d'acheter à neutre en visant 8,23 EUR.
  • Hunting : J.P. Morgan passe de neutre à surpondérer en visant 350 GBp.
  • Intercos : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 13 à 16 EUR
  • Kering : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 565 à 655 EUR.
  • Korian : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 32 à 7,50 EUR.
  • Landis+Gyr : UBS reste neutre avec un objectif de cours relevé de 63 à 67 CHF.
  • Medacta : UBS reste neutre avec un objectif de cours réduit de 108 à 104 CHF.
  • Norsk Hydro : Handelsbanken reprend le suivi à conserver.
  • Orior : Crédit Suisse passe de neutre à surperformance en visant 90 CHF.
  • Partners Group : Julius Bär reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 1300 à 1100 CHF.
  • Sanofi : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 100 à 150 EUR.
  • Tecan : Deutsche Bank démarre le suivi à l'achat en visant 461 CHF.
  • Technip Energies : J.P. Morgan passe de surpondérer à neutre en visant 20,40 EUR.
  • UBS : Jefferies passe d'acheter à conserver en visant 20 CHF.
  • Volkswagen : Stifel passe d'acheter à conserver en visant 149 EUR.

En France

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Esker : le bénéfice net 2022 croît de 25%. Le groupe attend cette année un chiffre d’affaires en croissance de 12 à 14% avec une rentabilité stable.
  • Virbac : confirme ses objectifs pour 2023 après avoir atteint ses prévisions en 2022.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Renault voit des synergies avec Nissan dans 11 pays européens pour la recharge.
  • STMicroelectronics versera un dividende de 0,24 USD par action au titre de 2022.
  • Thales lance un nouveau hub de défense afin de renforcer les capacités des forces armées de Singapour.
  • Moody's abaisse la note Casino à "Caa1", avec perspective négative.
  • Nacon sort "Le Seigneur des Anneaux : Gollum" le 25 mai.
  • Sogeclair fait évoluer sa gouvernance.
  • Alan Allman Associates crée un 4ème pôle d’expertise avec l’acquisition de 9 sociétés spécialisées en marketing digital.
  • Obiz accompagne Cogedim dans la création de son "Club Client" (programme d'avantages et de fidélisation).
  • Le matériel de Gaussin éligible des subventions pour l'achat et la location de véhicules propres au Canada.
  • Le petit coin de la dilution : Europlasma signe un nouveau programme d'OCEANE-BSA avec Alpha Blue Ocean, doublé d'une attribution gratuite de BSA aux actionnaires.
  • Elles ont publié / Elles doivent publier : Cegedim, La Française de l'Energie, IT Link, Wallix, Acticor, Archos

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Accenture va procéder à la suppression de 19 000 emplois.
  • UBS souhaite conclure le rachat du Credit Suisse d'ici avril et propose des mesures de fidélisation pour conserver les banquiers du Credit Suisse en Asie. Par ailleurs, UBS et Credit Suisse font partie de l'Enquête américaine sur l'évasion des sanctions à l'encontre de la Russie.
  • La Deutsche Bank conclut un accord à l'amiable dans le cadre du procès Kingate avant le procès.
  • L'action de la Deutsche Bank baisse après l'explosion des CDS de l'établissement.
  • TUI lance une augmentation de capital de 1,8 Md€.
  • ABB va racheter 1 Md$ de ses propres actions.
  • Boeing ferait l'objet d'une Enquête de la part du Pentagone en raison de manquements présumés en matière d'habilitation de sécurité.
  • Vodafone a scellé son partenariat de coentreprise avec Oak Holdings pour la prise de contrôle de Vantage Towers.
  • Block, secoué par Hindenburg Research, songe à une réplique judiciaire.
  • Nyxoah boucle un placement privé de 15 M$.
  • Les principales publications du jour : Meituan, Deutsche Wohnen, Smiths Group, Secunet, EquasensTout l'agenda ici.

Lectures