J'avais prévu de vous parler aujourd'hui d'un sujet un peu léger et de la relative insouciance dans laquelle évoluent les marchés actions en dépit des vents contraires du moment, mais il a fallu que je change mes plans en catastrophe. En allumant mon PC ce matin, je constate en effet que les indices américains ont décroché assez lourdement, de 1,85% par exemple pour le S&P500. Comme je les avais vus hier autour de 19h00 à peu près à l'équilibre, mon pouvoir de déduction hors du commun m'a fait imaginer qu'il s'était passé quelque chose. Je me suis d'abord dit "ah ben ça y est, les marchés actions ont mis le temps à comprendre mais ils ont logiquement pris peur après les dernières annonces sur la politique monétaire. Du coup les rendements obligataires ont dû monter en flèche". Et là, pas du tout : les rendements de la dette US ont au contraire lourdement décroché, ce qui cadrait assez mal avec mon scénario cousu de fil blanc. Flûte. Il restait la thèse d'un événement négatif suffisamment inquiétant pour avoir déstabilisé Wall Street.

Et de fait, le coupable s'appelle SVB Financial. SVB, c'est pour Silicon Valley Bank, un établissement réputé pour financer les entreprises technologiques et innovantes de plusieurs secteurs. Le cours de la banque est passé hier de 267 à 106 USD, soit un plongeon de 60%. Ainsi la capitalisation a fondu de 15,8 à 6,3 Mds$ en quelques heures. Sans trop entrer dans les détails, SVB est dans une position délicate qui la force à lever des fonds. Surtout, pour compenser la baisse de ses dépôts, elle a dû vendre un gros portefeuille d'obligations totalisant 21 Mds$, mais avec une perte de 1,8 Md$. Le sauve-qui-peut des investisseurs sur la séance d'hier illustre la confiance du marché dans l'établissement, d'autant qu'il s'agit du second acteur de cet univers financiaro-technologique à se retrouver à genoux après Silvergate quelques jours plus tôt.

L'effondrement de SVB a entraîné quelques institutions beaucoup plus réputées, et d'un tout autre calibre, dans sa chute : -16% pour First Republic, -13% pour Charles Schwab, -6% pour Wells Fargo et Bank of America ou -5% pour JPMorgan Chase. Cette levée de bouclier s'explique par les causes des tracas de la banque californienne : la valorisation de son portefeuille obligataire. La hausse rapide des taux a en effet rongé la valeur de cette poche (rappelons ici que la valeur d'une obligation baisse quand son rendement monte), créant des pertes latentes souvent considérables. C'est un sujet qui revient de façon récurrente depuis quelques mois, mais qui a tendance à être évacué sous le tapis d'un bon coup de balai. En exposant sa fragilité, SVB a en quelque sorte ouvert la boîte de Pandore. Le mouvement de panique constaté hier (-4% pour l'indice sectoriel de la finance à Wall Street) s'explique par une conjonction de facteurs, que je vais résumer de façon un peu simpliste :

  • Effet de surprise : les banques étaient généralement considérées par les investisseurs depuis quelques temps comme des bénéficiaires de la hausse des taux, au moins jusqu'à un certain point.
  • Effet on-ne-nous-dit-pas-tout : le thème de la fragilité de pans cachés de la finance est toujours affleurant en période d'incertitude économique.
  • Effet psychologique : la chute boursière de SVB est tout à fait spectaculaire.
  • Effet mémoire : la crise financière de 2008 et ses effets dominos restent présents dans les esprits.

Cette actualité a donc presque réussi à chasser du paysage le seul rendez-vous que les investisseurs avaient prévu d'honorer aujourd'hui, leur rencontre avec les données sur l'emploi de février aux Etats-Unis. Cette statistique était censée déterminer, au moins à court terme, si la Fed allait relever ses taux de 50 points de base lors de sa réunion du 22 mars, ou si elle allait pouvoir se contenter d'un tour de vis plus faible. Le débat n'a pas disparu pour autant, mais la chute des rendements obligataires montre que le marché est brutalement et sévèrement préoccupé par autre chose. Reste à savoir si c'est un feu de paille ou si la ferme brûle.

Changeons de registre avec quelques nouvelles du jour. Les Etats-Unis et l'Union Européenne discuteraient d'un accord commercial sur les technologies propres, selon le Financial Times, alors que le tapis rouge déroulé par Washington aux entreprises du secteur ulcère Bruxelles. En Chine, Xi Jinping a été réélu à la présidence du pays par les parlementaires.

En Asie Pacifique, tous les marchés reculent dans le sillage de Wall Street. Le Japon perd 1,7%, la Chine continentale, l'Inde et la Corée du Sud environ 1%. Hong Kong abandonne plus de 2,5% et l'Australie, plombée par son large contingent de financières, boucle la dernière séance de la semaine sur une baisse de 2,3%. Les indicateurs avancés européens sont nettement baissiers. Le CAC40 revient à 7200 points à l'ouverture, en perdant 1,9%.

Les temps forts économiques du jour

Tout tournera donc autour de l'emploi américain cet après-midi. Tout l'agenda ici.

L'euro se négocie 1,0590 USD. L'once d'or remonte à 1828 USD. Le pétrole reste sous pression, avec un Brent de Mer du Nord à 81,06 USD le baril et un brut léger américain WTI à 75,20 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans chute à 3,82%. Le bitcoin reste proche de 21 800 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Admiral : Deutsche Bank passe d'acheter à conserver en visant 2150 GBp.
  • Bank of Ireland : AlphaValue passe de vendre à alléger en visant 10,70 EUR.
  • Deutsche Post : JP Morgan reste à souspondérer avec un objectif de cours relevé de 31,50 à 34,20 EUR.
  • Eurobank : Citigroup passe de neutre à acheter en visant 1,60 EUR.
  • HeidelbergCement : UBS reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 66 à 75 EUR.
  • HelloFresh : JP Morgan reste à souspondérer avec un objectif réduit de 21 à 17 EUR.
  • Holcim : UBS reste neutre avec un objectif de cours relevé de 51 à 63 CHF.
  • Hugo Boss : Deutsche Bank passe d'acheter à conserver en visant 68 EUR.
  • Kion : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération en ligne environ 38 EUR.
  • Legrand : J.P. Morgan passe de surpondérer à neutre en visant 93 EUR.
  • Logitech : AlphaValue reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 71,30 à 64,50 CHF.
  • Nestlé : Kepler Cheuvreux reste à l'achat avec un objectif relevé de 130 à 135 CHF.
  • Schneider Electric : J.P. Morgan reprend le suivi à surpondérer en visant 185 EUR.
  • VAT Group : RBC passe de surperformance à performance de marché en visant 280 CHF.
  • Vinci : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 105 à 120 EUR.
  • Volution : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 470 à 490 GBp.
  • Zalando : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 26 à 35 EUR.
  • Zealand Pharma : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 260 à 290 DKK.

En France

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Casino : les résultats 2022 sont mauvais, mais l'actualité du jour concerne surtout l'accord avec Terract.
  • Spie : les résultats 2022 sont en vive hausse. Les marges devraient continuer à progresser cette année.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Michelin est en pourparlers avec un acteur local pour le rachat de ses actifs russes.
  • ArcelorMittal rachète l'entreprise brésilienne CSP pour un montant de 2,2 Mds$.
  • Casino et Teract signent un accord exclusif pour la fusion de leurs activités de vente au détail en France.
  • Jacques Richier remplacera Léon Bressler à la tête du conseil de surveillance d'Unibail.
  • Bénéteau, Mersen et Voltalia vont entrer dans le SBF120, que quitte McPhy. Air France-KLM entre dans le CACNext20.
  • Colas va déployer son service ANAIS au Royaume-Uni.
  • Toosla lève 3,6 M€ M€ à 2,35 EUR par action.
  • Exail Technologies pilote le projet QKISS.
  • Prodways lance une résine pour le marché dentaire.
  • Dior lance son partenariat opérationnel avec Lucibel.
  • Nouveau délai pour le dépôt des offres de reprise de la société Navya.
  • Biosynex retire des bouillottes de la vente.
  • Le petit coin de la dilution : Delta Drone tire une tranche d'ORNAN.
  • Ils ont publié aussi / ils sont sur l'agenda : Savencia, Gaumont, Bassac, Technicolor, Stef, Verimatrix, Tour Eiffel, Samse, SQLI

Dans le monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Daimler Truck : prévoit une hausse de son bénéfice en 2023 et verse son premier dividende.
  • Leonardo : dépasse ses prévisions de commandes et propose un dividende de 0,14 EUR.
  • Oracle : le titre perd 4% après la séance dans le sillage de la publication de ses résultats trimestriels.
  • Safilo : les ventes nettes sont supérieures à 1 Md€ en 2022.
  • The Gap : le titre décroche de 8% après la séance et la publication de résultats décevants.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • La banque SVB Financial s'effondre de 60% à Wall Street et tétanise le secteur.
  • Vodafone et Three UK finalisent un accord pour créer le plus grand opérateur de téléphonie mobile de Grande-Bretagne.
  • Le retour de l'électrique chez Nissan est freiné par les problèmes de production de l'Ariya.
  • Mercedes veut commencer à construire des bornes de recharge électrique en Allemagne en 2023.
  • Roche reçoit un premier avis favorable de la FDA pour Polivy.
  • Apple lance l'application Apple Music Classical en pré-commande.
  • Les principales publications du jour : Daimler Truck, Spie, Rlx Technology, Sectra, Bodycote, CasinoTout l'agenda ici.

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