Raphaël Moreau, pouvez-vous nous rappeler le fonctionnement et la logique de la gestion en sous-portefeuille de Sextant PME ?

"La gestion en sous-portefeuilles, spécificité d’Amiral Gestion, repose sur la prise de décision libre de l’individu et bénéficie de la force du collectif. Les actifs des fonds sont répartis en plusieurs sous-portefeuilles, chacun étant géré en parfaite autonomie par l’un des gérants-analystes de l’équipe. Tous les cas d’investissement émis sont étudiés et débattus, parfois critiqués mais jamais censurés. À l’issue de ce processus, chacun est libre d’investir ou non dans son sous-portefeuille selon ses propres convictions ou de suivre les idées défendues par l’un de ses collègues. Ce mode de gestion favorise le partage et le débat d’idées, l’autonomie de chacun, le développement des idées les plus contrariantes, la concentration des plus fortes convictions et la bonne diversification du fonds."

Les résultats sont probants à en croire le classement du fonds à 3, 5 et 10 ans…

"Ces dernières années ont été marquées par deux krachs : celui du printemps 2020 lié à la crise sanitaire et celui du printemps dernier lié au conflit en Ukraine. Notre attitude lors de ces deux périodes a été différente. En 2020, le portefeuille a beaucoup tourné car nous avons détecté des anomalies très fortes sur le marché. Je pense notamment à l’évolution du comportement des consommateurs avec un report de la consommation vers des secteurs bien particuliers comme le commerce en ligne. A ce titre, nous avons été portés par des acteurs du e-commerce comme Westwing, home24 et Hellofresh. Par ailleurs, la baisse était peu discriminante dans un premier temps, touchant presque autant la société de services informatiques Aubay que Voyageurs du Monde. Nous avons donc opéré de nombreux arbitrages, au-delà de notre habitude historique de renouveler tous les ans environ une ligne sur trois. A l’inverse en 2022, nous avons jugé trop dangereux de parier sur des scénario qui relèvent davantage de la géopolitique, matière par nature instable, sachant que le législateur peut venir biaiser le jeu économique à tout moment, par exemple en taxant les surprofits tout en venant au secours des entreprises énergivores. Notre portefeuille a donc peu bougé depuis le début de l’année et notre critère de sélection principal chez Amiral Gestion, la valorisation des entreprises, nous a relativement protégé dans la baisse."

Un fonds qui se distingue surtout dans les marchés baissiers(Source : Quantalys)

Comment se compose le portefeuille aujourd’hui ?

"Le portefeuille a la particularité d’être investi pour les deux tiers dans des valeurs en situation de trésorerie nette positive. Cela tient à la fois au fait que globalement les entreprises sont aujourd’hui peu endettées dans l’ensemble après une crise covid qui a renforcé leur trésorerie (limitation des investissements en croissance interne et externe compte tenu du manque de visibilité et de la retenue sur le versement de dividendes compte tenu des plans de soutien) et à notre volonté d’éviter les bilans tendus dans un contexte de hausse des taux et de dégradation de la conjoncture. C’est ce qui nous a conduit à alléger Saf-Holland. Le portefeuille est aujourd’hui investi pour un peu plus de la moitié dans des dossiers GARP (NDLR : croissance à prix raisonnable) dont, en France, Gérard Perrier, SES Imagotag, Lectra … et pour une petite moitié dans des sociétés value car imparfaites comme Jacquet Metals, Crit, Groupe Guillin, Aurès ou Akwel. Certaines de ces sociétés sont très cycliques mais cela ne nous pose pas de problème fondamental dans la mesure où elles ont un bilan suffisamment robuste pour traverser une récession prolongée."

Principales lignes du fonds à fin octobre (Source : Amiral Gestion)

Vous êtes très attentifs à la valorisation des entreprises chez Amiral Gestion. Où en sommes-nous en ce qui concerne l’univers des petites valeurs ?

"L’historique de valorisation relative et absolue des indices de petites valeurs montre que cet univers évolue actuellement sur des niveaux extrêmement faibles, que l’on regarde les ratios de PER ou de capitalisation boursière rapportée aux capitaux propres pour lisser l’effet des cycles économiques. Même si ce désintérêt pour la classe d’actifs pourrait se prolonger encore quelques trimestres, je suis très optimiste pour les performances des cinq prochaines années. En effet, quand la confiance reviendra, les petites valeurs devraient amplifier la reprise. La période actuelle me fait penser aux années qui ont suivi l’éclatement de la bulle des valeurs technologiques en 2000 et plus encore aux années 1970. Suite à une période qui avait largement profité aux valeurs de croissance, le krach a redistribué les cartes et ce sont les petites valeurs qui étaient ensuite sur le devant de la scène. Entre 1975 et 1980, les petites valeurs américaines ont progressé en moyenne de 42% par an."

Principales lignes du fonds à fin octobre (Source : Amiral Gestion)

Que pensez-vous des offres publiques qui se sont multipliées dernièrement comme il y a deux ans après le krach covid ?

"Je vois ces opérations opportunistes de la part des familles fondatrices comme une confirmation que les valorisations sont attractives. Ces opérations représentent plutôt un risque pour nous car elles plafonnent nos espérances de gain. Autant l’opération sur Manutan offre une belle porte de sortie et le franchissement de seuil de notre société de gestion sur ce titre s’inscrit uniquement dans le cadre d’un arbitrage en vue d’une sortie de cote à 105€, autant ces opérations proposent souvent une prime. Il faut alors patienter ou batailler pour obtenir un relèvement de prix comme nous l’avons fait sur Groupe Open début 2022."

Quels achats récents pouvez-vous nous partager ?

"Nous avons renforcé Lectra dernièrement. Nous avions rentré ce dossier lors du rachat de son concurrent américain et n°2 mondial, Gerber. Avec un peu de recul, il s’avère que le plan de synergies devrait largement dépasser les prévisions initiales exposées par Lectra, n°1 mondial des machines de découpe de textile. Nous apprécions par ailleurs la résilience de ce dossier dont la seule activité récurrente couvre la quasi-totalité des coûts fixes annuels du groupe. Nous avons également entré TFF, leader mondial de la tonnellerie. Ce dossier fait son retour en portefeuille après de nombreuses années d’investissement de diversification dans le Bourbon qui commencent à payer, avec un redressement des marges qui nous semble encore sous-estimé par les investisseurs. Par ailleurs, nous pensons que le chiffre d’affaires réalisé sur le vin va battre les attentes des analystes. Ces deux phénomènes devraient permettre un fort redressement du retour sur capitaux employés."

Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures et ne sont pas constantes dans le temps

Pour compléter la lecture, je vous invite à lire Small Caps – Les derniers choix des stars de la gestion