Franck Gayraud, pouvez-vous nous rappeler en quelques mots l’histoire et le positionnement d’Arcure ?

Fin 2009, j’ai cofondé Arcure avec Patrick Mansuy – lequel vient de prendre du recul tout en restant au Conseil - en rachetant une technologie au CEA afin de développer une caméra détectant les piétons par intelligence artificielle. Il s’agissait déjà d’éviter les accidents, au départ sur le marché des travaux publics. Nous avons rapidement vendu des produits en France et à l’export. Jean-Gabriel, qui a comme les autres dirigeants d’Arcure un profil d’ingénieur dans l’aéro-défense, nous a rejoint en 2013 pour développer la fonction commerciale. Notre effectif a évolué petit à petit pour se stabiliser aujourd’hui légèrement au-dessus de 70 personnes. Je vis aux Etats-Unis où j’ai développé les ventes après un passage au Royaume-Uni. 81% de nos ventes au premier semestre 2023 ont été réalisées à l’international, dont un quart aux Etats-Unis. 

(source : société) 

Quelles sont les spécificités de votre produit et la concurrence à laquelle vous devez faire face ?

Nous nous positionnons en spécialiste de l’intelligence artificielle appliquée au traitement d’image. Sans usine, nous commercialisons nos solutions associant des capteurs de vision et des algorithmes d’IA dans des engins industriels en environnement exigeant. De façon plus large, nous souhaitons apporter à nos clients - concessionnaires, OEM et utilisateurs finaux - l’autonomie et la digitalisation des véhicules industriels et sécuriser la coactivité entre les hommes et les machines. Nos principaux concurrents, quoique n’ayant pas un produit aussi abouti que le Blaxtair Origin, vont du fournisseur chinois de caméras aux OEM, comme Toyota qui a fait développer une solution peu satisfaisante au Japon. 

Si votre caméra intelligente, Blaxtair Origin, est supérieure techniquement, que vous manque-t-il pour qu’elle s’impose comme la norme du marché ?

Les phases de décisions sont longues pour que l’on aboutisse à une généralisation de l’adoption à tous les véhicules et toutes les géographies des clients. Le prix est un facteur non négligeable, c’est pourquoi nous diminuons par deux le coût de revient à chaque génération de produit. Nous enrichissons continuellement nos produits, ajoutant des capteurs et des solutions logicielles de plus en plus complètes, permettant par exemple de détecter et faire réagir la machine de façon adaptée quelle que soit la posture et l’éloignement des piétons environnants. 

Jean-Gabriel Pointeau, le premier semestre témoigne d’un décollage puissant des ventes de Blaxtair. Est-ce un phénomène pérenne ?

La croissance de 55% que nous avons enregistré au 1er semestre a été portée par un effet de base favorable post Covid. Notre clientèle est déjà variée et la demande des utilisateurs finaux, souvent de grands industriels comme des leaders mondiaux de l’acierie de l’automobile ou des matériaux de construction, est très concrète. Il nous faut maintenant augmenter notre taux de pénétration, actuellement de l’ordre du pour mille. Notre carnet de commandes, environ 4 M€, n’a jamais été aussi élevé. Nous avons signé de nombreux partenariats et sommes actuellement en discussions avec ces grands industriels ainsi qu’avec les OEM qui présentent les plus forts potentiels en Europe et en Amérique du Nord. A court terme, nous espérons réaliser un 2e semestre semblable au 1er, soit une croissance à deux chiffres sur l’ensemble de l’année 2023. En 2024, nous visons un chiffre d'affaires de l'ordre de 20M€, soit un doublement par rapport à 2021. 

Compte de résultat semestriel simplifié (source : société) 

Votre cours de Bourse est au plus bas depuis votre introduction sur le marché en 2019. Savez-vous s’il y a un actionnaire important qui pèse sur le titre ? Est-ce qu’après avoir pris du recul sur l’opérationnel, Patrick Mansuy a vocation à moins peser dans le capital ?

En effet, la baisse du cours est un motif d'insatisfaction et je vous confirme que nous avons constaté la sortie non coordonnée sur le marché de certains blocs probablement liée à la décollecte subie par certains fonds. Nous observons en 2023 une multiplication par 4 des échanges sur Euronext par rapport à 2022, cette liquidité accrue est une excellente nouvelle. Concernant Patrick Mansuy, il n a pas réduit ses parts et il ne nous a pas exprimé son souhait de réduire ses parts au capital (actuellement de l'ordre de 14% pour la famille Mansuy), ce qui peut se comprendre compte tenu de la faiblesse actuelle du cours."

Comment projetez-vous l’entreprise dans les prochaines années ? Aurez-vous besoin de faire à nouveau appel au marché après le placement privé de 2M€ réalisé en 2022 ? Arcure est-il plutôt prédateur ou cible ?

Notre croissance, autofinancée, devrait rester très forte dans les prochaines années, de l’ordre de 20 à 25% par an. Nos marges devraient tendre vers 25%, ce qui permettra à notre croissance de s’autofinancer. En effet, notre BFR, qui a fortement progressé ces derniers temps, est appelé à se normaliser via une meilleure maitrise des stocks et la sous-traitance croissance du matériel. En effet, nous cherchons à faire évoluer le modèle économique d’Arcure vers la pure édition de logiciels téléchargeables. Si une opportunité de croissance externe allant dans ce sens venait à se présenter, toujours sur le marché de l’industrie 4.0, une nouvelle levée de fonds pourrait être envisagée. Cela ne se fera, a priori, pas avant 2025. Quant à la question de l’opportunité de nous adosser à un grand groupe, elle a déjà été posée et continuera de l’être.

 (source : société) 

L’auteur de cet article est actionnaire de la société à titre personnel.