Pour ceux qui partagent mon ignorance, une petite présentation s’impose. Créée en 2009, dans un logement étudiant suédois par deux amis. Truecaller est une application mobile freemium : un service gratuit qui cherche à ratisser large pour convertir un maximum d’utilisateurs à la version payante. C’est un logiciel de niche appartenant à un vaste secteur allant de Microsoft à la simple startup. L’entreprise est capitalisée à hauteur de 14 milliards de couronnes suédoises, soit 1,4 milliard de dollars. Comparativement à son marché, Truecaller reste un acteur relativement petit. 15 ans après le démarrage, l’histoire continue pour les deux fondateurs, Alan Mamedi et Nami Zarringhalam. Ils continuent d’être aux commandes et actionnaires de la société  détenant 14,5% du capital et 59,8% des votes.

En pleine expansion

Le nombre d’utilisateurs du service ne cesse de croître. En 5 ans, il a été multiplié par 3 pour atteindre, en 2022, 331 millions de personnes à travers le globe. Le groupe continue sa folle croissance avec une excellente pénétration sur les marchés émergents comme l’Amérique du Sud et l’Afrique. Truecaller prévoit l'accroissement du nombre de ses utilisateurs actifs mensuels (MAU) de 14% par an pour approcher les 500 millions d’usagers à l’horizon 2025. 

Truecaller est particulièrement bien implanté en Inde : plus de 200 millions des 331 millions d’utilisateurs actifs sont indiens. A lui seul, le pays représente plus de 70% du chiffre d’affaires de la société. Il faut dire que Truecaller est la troisième application la plus téléchargée dans le pays le plus peuplé au monde en 2023.  

Segmentation géographique du revenu de Truecaller

Truecaller est un pure player : le principe de son application est la capacité de filtrage et de blocage d'appels et de SMS. Grâce à sa base de données massive et à l’aide des utilisateurs qui peuvent signaler des appels indésirables, l’application est en capacité d’identifier les numéros de téléphone et d’y associer des informations utiles.

Cette affaire génère plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel . Le business se fonde sur 3 piliers : la publicité, l’abonnement et le BtoB. Les publicités ciblées représentent l’essentiel du chiffre d’affaires de Truecaller. En 2021, celles-ci représentaient 85% des revenus de l’entreprise. La publicité est présente pour chaque utilisateur détenant la version gratuite (soit l’extrême majorité des utilisateurs). L’autre vecteur de rentabilité est la vente d’un abonnement premium à 2,99$/mois pour 12% du chiffre d’affaires. C’est une part conséquente et à fort potentiel de croissance, car seulement 1% des utilisateurs ont souscrit à cette version payante. Le dernier contributeur est le BtoB : Truecaller permet à des entreprises de faire vérifier leurs numéros afin d’obtenir un meilleur taux de réponse aux appels (en 2022, 70% des appels inconnus sont ignorés par une absence de confiance des consommateurs.)

Comme vous avez pu le comprendre. Truecaller est le leader mondial des applications de filtrage/blocage d’appel. Dans le milieu des apps, détenir une position indiscutable est considéré comme un MOAT (avantage concurrentiel). Cela provient du fait qu’il est difficile de changer les habitudes des consommateurs. Pour Truecaller c’est un cercle vertueux : plus il y a d’utilisateurs, plus le nombre d’entreprises qui voudront leurs encarts publicitaires sera important, plus ce cash flow permettra le développement de nouvelles fonctionnalités qui fidéliseront les utilisateurs, plus la base de données sera grande et par conséquent de plus en plus sécurisé, ce qui nécessairement fera accroître le nombre d’utilisateurs et de demande des entreprises.

La force de TrueCaller est la possibilité de répliquer son modèle dans chaque pays dans lesquels il s’implante avec le fait qu'il soit “scalable” : accroître le nombre de clients, tout en faisant des économies sur les coûts.

Mais, il y a toujours un “mais”. Truecaller est un pure player dans un secteur à haute intensité concurrentielle. Son business est à la merci de gros acteurs comme Google (car 96% des utilisateurs de TrueCcller sont sous Android) qui pourrait développer en interne une fonctionnalité similaire et réduire à néant le projet suédois. 

Truecaller doit également faire face à des enjeux politiques. Le 20 mai 2022, le ministère des télécommunications indien avait annoncé vouloir créer sa propre plateforme pour asseoir sa souveraineté dans ce domaine. A la réouverture du cours, Truecaller avait plongé de plus de 35%.

 

Aspect financier

Truecaller connaît une croissance explosive, sur les 5 dernières années le CAGR est de 60%, c’est une caractéristique récurrente des applications mobiles. D’autant plus que, depuis 2021, le Suédois a trouvé son altitude de croisière. La marge opérationnelle s’est stabilisée à 40% et la marge FCF a atteint les 30%. Après des années en déficit, ce qui n’a rien d’anormal pour des business tech, le groupe a commencé à générer du Free Cash Flow qui lui permettra de s’implanter dans les régions du monde où il n’est encore pas leader.  

D’après les prévisions, ce n’est pas près de s’arrêter. Le chiffre d’affaires devrait continuer d’augmenter avec une progression de 187% et un résultat net qui devrait croître de 285% à l’horizon 2024. 

Toutefois, le cours de Truecaller se paie moins cher qu’au moment de son IPO (37,69 SEK au cours actuel contre 50 SEK lors de son IPO). L’année 2022 a logiquement fait retomber la valeur à des niveaux plus raisonnables : au prix actuel de 37,70 SEK par titre, la valeur se paye 20,1 fois les bénéfices de 2023 contre 158 fois en 2021. Comparativement aux autres entreprises de la tech, l’entreprise est relativement peu chère payée.

En conclusion, Truecaller est une entreprise financièrement solide avec une croissance continue de son chiffre d'affaires et une base d'utilisateurs en augmentation. Avec sa tentative de diversification de ses revenus en se concentrant sur les services premium  et le BtoB, Truecaller est bien positionné pour une expansion rapide, si connue dans le marché des fintech. Cependant, il est important de surveiller sa surexposition à l’Inde et l’arrivée de concurrents potentiels.