À l'approche de la dernière ligne droite de l'année, les marchés sont soulagés de constater que le cycle de resserrement monétaire mondial le plus marqué depuis des décennies touche enfin à sa fin.

Pourtant, la pression exercée par les hausses de taux d'intérêt commence à peine à se faire sentir et, comme les banques centrales signalent que les taux resteront probablement plus longtemps élevés, l'idée d'une "rupture" reste forte.

Voici quelques points de pression sur le radar.

1/ LA DOULEUR DE L'IMMOBILIER

L'impact de la hausse des taux n'est nulle part plus sensible que dans l'immobilier, encore sous le coup du COVID-19.

Une série de promoteurs allemands ont basculé dans l'insolvabilité, le marché des bureaux londoniens est en "récession locative" alors que le taux d'inoccupation a atteint son plus haut niveau depuis 30 ans, et les banques américaines ont révélé des pertes immobilières en spirale dans les chiffres du premier semestre et ont prévenu qu'il y en aurait d'autres à l'avenir.

La Suède est le pays le plus durement touché en Europe, car une grande partie de sa dette immobilière est à court terme, ce qui en fait un signe avant-coureur pour la région.

Le groupe immobilier SBB, qui possède de vastes ensembles de biens immobiliers, notamment des hôpitaux et des écoles, s'efforce de redresser ses finances malmenées, marquées par de lourdes pertes et une diminution des liquidités.

La crise a également touché le plus grand propriétaire résidentiel de Suède, Heimstaden Bostad. Cet investisseur de 30 milliards de dollars, qui possède des pans entiers de logements de Stockholm à Berlin, est aux prises avec une pénurie de financement de plusieurs milliards de dollars.

2/ MADE IN CHINA

L'immobilier est également au cœur des difficultés de la Chine et c'est l'une des raisons pour lesquelles la deuxième économie mondiale s'est retrouvée au premier rang des préoccupations des investisseurs.

Le groupe China Evergrande, le promoteur le plus endetté au monde avec un passif total de plus de 300 milliards de dollars, est au cœur d'une crise de liquidité sans précédent dans le secteur de l'immobilier. Country Garden, le plus grand promoteur privé de Chine, se bat pour éviter un défaut de paiement.

L'immobilier représentant environ un quart de l'économie, les inquiétudes concernant l'impact sur la croissance chinoise déjà chancelante et les effets d'entraînement se sont accrues.

L'immobilier chinois est considéré comme la source la plus probable d'un événement de crédit systémique mondial, selon l'enquête menée en septembre par BofA auprès des gestionnaires de fonds.

3/ LES PROBLÈMES D'ARGENT

Les défauts de paiement sur la dette des entreprises ont commencé à s'intensifier, même au cours de mois habituellement calmes.

Selon S&P, le nombre de nouvelles défaillances d'entreprises dans le monde a atteint 16 en août, soit le chiffre le plus élevé depuis 2009, dernier signe en date de l'aggravation des tensions au sein des entreprises.

"Le marché parle beaucoup du stress des entreprises et de l'effet de levier caché, mais il n'a pas encore éclaté. Nous pensons toujours que des défaillances sont à prévoir", a déclaré Markus Allenspach, responsable de la recherche sur les titres à revenu fixe chez Julius Baer.

"Nous avons beaucoup d'entreprises zombies aux États-Unis et en Europe à l'époque des faibles taux d'intérêt, et je ne peux pas imaginer comment elles peuvent survivre aujourd'hui avec des taux d'intérêt élevés.

S&P prévoit que les défaillances des entreprises européennes notées "junk" atteindront 3,75 % d'ici à juin 2024, contre 3,4 % en août.

4/ LES PARIS SUR L'AVENIR

Depuis les ravages causés par la crise de mars, le stress bancaire n'est plus un sujet de préoccupation.

Les grandes banques américaines ont passé sans encombre le bilan de santé annuel de la Réserve fédérale en juin. La Banque centrale européenne a demandé aux banques de fournir des données hebdomadaires sur leurs liquidités afin de pouvoir vérifier plus fréquemment leur capacité à éviter les chocs potentiels liés à la hausse des taux d'intérêt.

Guy Miller, stratège en chef du marché chez Zurich Insurance Group, a déclaré que les banques étaient en meilleure position qu'en mars en termes de capital et de liquidités.

Il n'en reste pas moins que de grands points d'interrogation subsistent quant à leur avenir, notamment en raison de la déroute de l'immobilier au niveau mondial.

"Il existe toujours une vulnérabilité inhérente à la fuite des dépôts ainsi qu'à l'immobilier commercial et à d'autres risques de crédit pour les petites banques", a déclaré M. Miller.

L'indice S&P 500 des banques régionales américaines a perdu près de 40 % cette année et devrait connaître sa plus forte baisse annuelle depuis 2008.

M. Miller a fait remarquer que les banques européennes sont également vulnérables en raison de leur taille plus importante par rapport à l'économie, ce qui les rend plus exposées aux risques provenant de diverses poches.

5/ LE FACTEUR JAPONAIS

La Banque du Japon est restée fidèle à sa politique monétaire ultra-légère, mais un resserrement est à l'ordre du jour. Et les risques d'un brusque désengagement de l'époque où les liquidités japonaises étaient investies dans toutes sortes d'actifs, des actions technologiques américaines aux devises à haut rendement des marchés émergents, sont de plus en plus grands.

Capital Economics s'attend à ce que la Banque du Japon relève son taux directeur en janvier. Il note que les investisseurs japonais, qui recherchent depuis longtemps de meilleurs rendements ailleurs, détiennent environ mille milliards de dollars d'obligations américaines. Ils sont également d'importants détenteurs d'obligations européennes et australiennes.

La vente de bons du Trésor par les Japonais pourrait entraîner une nouvelle hausse des rendements, qui ont déjà atteint leur niveau le plus élevé depuis la crise financière mondiale. Cela pourrait nuire aux actions, qui ont tendance à être moins performantes lorsque les investisseurs attendent des rendements plus élevés des obligations d'État à faible risque.

Il faut s'attendre à ce que les marchés soient de plus en plus sensibles à la BoJ dans les mois à venir.