Les deux principaux indicateurs dits "non-GAAP", c'est-à-dire non admis dans les normes comptables officielles nord-américaines, sont l’EBITDA (ainsi que son petit cousin l’EBITDA "ajusté") et le free cash-flow. Ils sont tous deux devenus des standards de communication financière pour les sociétés cotées. 

L’EBITDA, une mesure trompeuse ? 

Le premier concept d’EBITDA, popularisé par des banquiers peu scrupuleux durant la bulle des “junk bonds” (1988-1990), donne un profit commodément retraité des intérêts, taxes, dépréciations et amortissements. Ce profit d'exploitation est dit “brut", c’est-à-dire sans tenir compte de la structure du capital de l’entreprise ou de la stratégie d’investissement à long terme. 

En pratique, et dans la majorité des cas, il sert plutôt au management à donner une image de sa performance autrement plus flatteuse qu’elle ne l'est en réalité. En effet, sauf pour une entreprise peu ou pas capitalistique, complètement autofinancée, et passant comme par miracle entre les filets du percepteur, l’EBITDA n'a généralement aucun rapport avec le profit réel (on s’en aperçoit dès qu’on les compare entre eux).

Qu’ils soient une dépense dite « non-cash » ne justifie pas de faire l’impasse sur les amortissements et dépréciations, en particulier dans le cas d'entreprises très capitalistiques, par exemple les opérateurs téléphoniques ou les constructeurs automobiles. 

Pour ne rien arranger, les sociétés cotées ont désormais presque toujours recours à des communications qui font la part belle aux EBITDA dits "ajustés", c’est-à-dire retraités de charges supposées exceptionnelles tels les coûts de restructuration, ou un investissement ponctuel dans la mise à niveau de l'infrastructure informatique.

Pour les investisseurs, accorder de l'attention à l'EBITDA, ou plus exactement au ratio de valorisation EV/EBIDTA, peut cependant avoir de l'intérêt sur plusieurs plans : 

  1. pour repérer des cibles d'acquisitions potentielles, car les entreprises sont souvent valorisées et acquises sur le marché privé par rapport à leurs multiples d'EBITDA ; 
  2. pour détecter des opportunité d'investissement potentielles, à condition que l'activité de l'entreprise soit très peu capitalistique, ou que ladite entreprise soit arrivée au bout d'un long cycle d'investissements qui s'achève, et qu'elle s'apprête désormais à rentabiliser sans investir davantage dans ses immobilisations ou sa croissance. 

Le Free Cash-Flow, le Saint-Graal ? 

Le second concept de "free cash-flow", parfois aussi présenté sous le titre de "owner's earnings", sert à identifier la capacité bénéficiaire réelle de l'entreprise, hors écritures comptables. 

En d'autres termes : combien génère-t-elle de profits cash (en monnaie sonnante et trébuchante) effectivement redistribuables à ses actionnaires et ses créanciers ? 

Pour mesurer le profit cash, il faut s'attarder sur les flux de trésorerie plutôt que le compte de résultat, et soustraire du cash issu des opérations les investissements requis dans l'exploitation à court terme (c'est-à-dire dans le besoin en fonds de roulement) et à plus long terme (c'est-à-dire dans les immobilisations tangibles et intangibles, dits “capex”).

Il faut ensuite soustraire de ce premier résultat les montants investis en acquisitions, s'il y en a eu. On voit ainsi clairement combien de cash est rentré, combien de cash est sorti, et surtout à quels usages ces sorties ont été attribuées : on peut donc calculer ce qu'il reste sur la table à la fin de l'exercice, prêt à être redistribué aux actionnaires si nécessaire — voici le "free cash-flow" de l'entreprise.

Une fois celui-ci identifié, il s'agit de comprendre ce que fait l'entreprise de ces profits. Les redistribue-t-elle en intégralité à ses actionnaires ? Les empile-t-elle au bilan dans l'attente d'un investissement transformateur ? Les réinvestit-elle entièrement dans son activité, souvent en complément de nouvelles levées de fonds ? Si oui, pour quels retours sur investissement ? 

Il fait souvent sens de se pencher avec attention sur le free cash-flow car il est une mesure plus pertinente de la capacité réelle des entreprises. 

Deux cas de figure typiques : 

  1. Une entreprise très capitalistique va produire des comptes de résultats qui surestiment sa capacité bénéficiaire réelle, car ses investissement réels, les "capex" (une sortie de cash bien affective), dépassent largement les amortissements (une charge non-cash et une simple écriture comptable) ; 
  2. Une entreprise qui a réalisé une série d'acquisitions va produire des comptes de résultats qui sous-estiment sa capacité bénéficiaire réelle car sa charge d'amortissements (charge non-cash) héritée de ces précédentes opérations de croissance externe est supérieure à ses investissements réels. 

Ainsi, nous recommandons d’analyser avec des pincettes les données relatives à l'EBITDA. Comme nous l’avons vu, ces mesures n’ont pas forcément de rapport avec la capacité bénéficiaire réelle de l’entreprise. Il est davantage pertinent de chercher à réconcilier les résultats comptables et les flux de trésorerie libres (a.k.a "free cash-flows") entre eux pour mieux comprendre la nature de l'activité et sa profitabilité réelle. En effet, ce qui nous intéresse, c’est le volume de cash généré pour les actionnaires qui pourra ensuite être redistribué en dividendes, utilisé pour des rachats d'actions ou réinvesti dans l'activité pour assurer sa croissance via des acquisitions externes ou des développements organiques. Voici, vous en savez désormais un peu plus sur la différence entre GAAP et non-GAAP.