L'idée d'un rapprochement entre Compagnie Financière Richemont et Kering, qui donnerait un destion commun à Cartier et Gucci, les marques emblématiques de chacune des deux entreprises, n'est donc pas nouvelle. Mais elle est d'autant plus au goût du jour depuis que LVMH a jeté son dévolu sur Tiffany, explique Solca. Redorer le blason de la marque américaine et la développer au point de s'attaquer au pré carré de Richemont (Cartier, Van Cleef, Bucellati, Bodino) ne sera pas aisée, mais LVMH a l'expérience et les capacités pour réussir. L'analyste n'a pas d'indications quelconque d'un projet entre Richemont et Kering, mais l'hypothèse l'intéresse. 

De son point de vue, il faut que les outsiders réagissent. Un rapprochement Richemont-Kering, plus que tout autre, est séduisant. Il créerait un numéro deux incontestable dans une industrie où la taille est très importante. La complémentarité est évidente entre le "hard luxury" du Suisse (Montres, Joaillerie) et le "soft luxury" du Français (maroquinerie, accessoires, prêt-à-porter). Enfin, le duo pourrait transformer YNAP en une vraie branche, qui pourrait jouer un rôle identique à celui de Sephora et DFS chez LVMH.

L'état du secteur en cas de rapprochement entre Kering et Richemont : deux géants généralistes se détacheraient

Surtout, le Kering de 2019 est bien plus sexy que le PPR de 2009. Les actifs généralistes ont été cédé, Puma a été vendu et le recentrage sur le luxe est finalisé. De surcroît, "Kering a beaucoup fait pour mériter plus de crédit dans le secteur", estime Solca, non seulement par ses choix stratégiques mais aussi par sa capacité à redresser des maisons qui n'avaient plus le vent en poupe. Ce paramètre pourrait faire sauter quelques réticences chez Richemont. Mais la plus importante barrière risque d'être celle des égos et des actionnaires principaux, d'autant que, par rapport à 2009, la valeur de Kering a été découplée alors que celle de Richemont a "seulement" quadruplé. "L'un des éléments clefs sera la façon dont seraient rémunérés les droits de vote majoritaires de la famille Rupert d'une façon qui soit suffisamment intéressante pour les Rupert et acceptable pour les autres actionnaires", précise Luca Solca. Pour éviter un fiasco à la Saint Gobain / Sika.

Sur 10 ans, le décollage de Kering mi-2016 a été fatal à Richemont en matière de valorisation

Grâce à son formidable développement de la dernière décennie, Kering pèse l'équivalent de 77 Mds$, largement plus que Richemont et ses 43 Mds$. Les analystes de Bernstein estiment que sur la base des cours actuels et dans l'hypothèse où le rapport de force entre les Rupert (environ 10% du capital mais un peu plus de 50% des droits de vote de Richemont) et les Pinault (40,9% du capital et 57,8% des droits de vote de Kering) resterait inchangé, les Pinault détiendraient 26% du capital et 37% des droits de vote de la nouvelle entité et les Rupert 3% du capital et 18% des droits de vote.

Les Rupert et les Pinault seront-ils en mesure de s'entendre ? Ce pourrait être l'un des thèmes de l'année 2020 dans un secteur qui continue à séduire. Pour les autres scénarios, référez-vous à notre état de lieux dressé il y a un an. Depuis, l'opération LVMH / Tiffany s'est concrétisée, mais d'autres pistes existent. Et pour en savoir plus sur la saga Pinault, ne ratez pas notre vidéo :