Ces outils ont initialement pour objectif de donner à un investisseur la capacité d’apporter du financement par de la dette, tout en ayant la possibilité de transformer celle-ci en capital par la suite. Les fonds de Private Equity utilisent les obligations convertibles dans de nombreuses opérations, s’inscrivant dans un financement de la croissance et dans une relation durable entre le fonds et la société.

Sur les marchés cotés, ce type d’opération, dite de titrisation ou equitization, n’a pas pour objectif de développer un quelconque lien capitalistique avec l’intermédiaire financier, mais bien de faire porter le financement de la dette aux actionnaires. Dans ce type de montage, la société signe un contrat de financement avec un intermédiaire financier. Dans le cas d’une opération OCABSA, celui-ci se verra attribuer deux titres financiers :

  • Des Obligations Convertibles en Actions (OCA), soit de la dette pouvant être convertie en actions nouvelles, calculées en fonction du cours de bourse. Ces émissions d’actions nouvelles s’étalent dans le temps et sont encadrées par un calendrier d’émission de tranches d’OCA.
  • Des Bons de Souscriptions d’Actions (BSA), attachés aux OCA, soit des droits de souscriptions avec un prix et une échéance déterminée.

Ces opérations d’equitization ont toutes pour principales composantes les Obligations Convertibles.

Ainsi, dès le financement apporté par l’intermédiaire financier, celui-ci pourra convertir ses obligations en actions puis les vendre sur les marchés. On note un effet Kisscool, avec dans un premier temps un flux continu d’actions émises, diluant les actionnaires. Puis dans un second temps, une baisse mécanique des cours venant faire à son tour augmenter le nombre d’actions émises. C’est la spirale infernale de la dilution.

Des investisseurs de plus en plus avertis

Ces financements ont eu très mauvaise presse en 2022, avec la chute du cours de ces sociétés jusqu’à 99,99%. Zonebourse avait d'ailleurs publié en 2021 un rapport accablant sur le sujet, mis à jour régulièrement, comme ici l'été dernier. Un rapport de l’AMF, sur un nombre plus restreint de valeur, est venu s'y ajouter en 2022 pour pointer les dangers de ces opérations pour les investisseurs particuliers. Ce signal d’alarme a permis une plus large prévention face à ces pratiques. 

Top 50 baisses sur Euronext, liées aux financements dilutifs (Source Zonebourse)

Certaines sociétés, habituées à faire porter le poids de leurs dettes à leurs actionnaires ont fait évoluer leur politique de financement, avec l’arrêt des émissions d’OCA en 2021 et 2022. Il est de bon ton de rester lucide sur ces sociétés puisque l’abus de ces pratiques par le passé est synonyme de mauvaise santé financière et d’une gouvernance d’entreprise ne prenant aucunement en compte la satisfaction de leurs actionnaires. Le doute est permis, à raison pour Cybergun, quant à la fiabilité de ces annonces.

Fiducie is the new black

Nouvelle marotte des as du financement dilutif, la fiducie-gestion, ou fiducie-equitization est une opération complexe encadrée par la signature d’un contrat de fiducie entre la société débitrice et l’établissement prêteur.

Cette fiducie est une interface entre le prêteur cédant des titres de créances (Obligations) ou des créances (Prêts) et la société X. Après le transfert de ces actifs à la fiducie, celle-ci va signer un contrat de crédit-vendeur avec la Société X. Ce contrat se caractérise par l’échelonnement du montant de la cession des créances. A la place d’un remboursement en cash, la société X remboursera ce crédit via l’émission de BSA en faveur de la fiducie.

Le tour est joué, la fiducie exerce ses BSA au fil des remboursements et revend les actions nouvelles sur le marché. Pour terminer, la fiducie reverse le produit de l’opération au prêteur. La magie de la titrisation a opéré.

Fiducie

Montage de fiducie-gestion

Ces outils ont tous un objectif propre et adapté à certaines situations : la fiducie permet de protéger ou de simplifier la gestion d’un patrimoine, les Bons de Souscriptions d’Actions de récompenser les équipes dirigeantes, les salariés et les actionnaires, et enfin le crédit vendeur facilite la reprise d’une société. C’est le montage complexe construit autour de ces outils, ayant pour objectif de faire supporter aux actionnaires le poids de la dette, qui porte un risque important de perte de capital pour les investisseurs.

Jusqu’ici, la fiducie-gestion ne se démarque ni par sa simplicité ni par sa capacité à protéger les actionnaires. Et pourtant, elle présente de nombreux avantages :

  • Pour la société cotée, elle s’assure de l’absence de contrôle du prêteur puisque l’ensemble des BSA est exercé par la fiducie. La société a également plus de pouvoir sur la conversion en action que dans les autres opérations d’equitization.
  • Pour le prêteur, ce transfert de propriété des créances lui permet de ne jamais être actionnaire de la société mais également d’écarter les possibilités de plans de rééchelonnement de la dette et un meilleur recouvrement sur les créances.
  • Enfin, la flexibilité de l’opération en fait son succès. Là où une opération d’émission d’OCA se fait via un seul partenaire et implique de l’émission de dette, la fiducie-equitization permet à n’importe quel détenteur d’obligations convertibles de les transférer à la fiducie. La société se désendette ainsi de manière plus globale, sans nécessairement émettre de la dette.

En France, des sociétés cotées bien connues pour leurs opérations de financement dilutif ont récemment opté pour la fiducie-gestion, et sont accompagnées par la société de gestion Equitis Gestion telles que Delta Drone, Cybergun, Pharnext et Néovacs. Dans l’avenir, la réputation désastreuse des opérations à base d’OCA et les avantages de la fiducie-gestion pour ses parties prenantes risquent d’amplifier ce phénomène.

Pour les actionnaires, ce sera la même soupe : une chute sans fin du cours de bourse. Attention à ne pas se laisser adoucir, toute opération d’equitization mise en place par une société cotée est généralement synonyme de perte importante de capital pour les actionnaires.